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Château de Tancarville (Seine-Maritime)
 
 

       En sortant de Tancarville par la route de Saint-Romain, on trouve à une centaine de mètres une agréable avenue, couverte de beaux ombrages, qui conduit à une esplanade devant la porte du château. Cette entrée se compose de deux tours rondes, de quarante-huit pieds d élévation, reliées entre elles par une courtine de douze pieds. Sur le cintre de la porte on lit: 1769, mais il est évident que cette date est celle de la dernière restauration, car la sculpture et les filets de l'encadrement des trois fenêtres superposées qui s'ouvrent au-dessus de la porte et qui ont conservé leur meneau de pierre en croix, indiquent l'architecture du XVe siècle. Au-dessus de la fenêtre du premier étage apparaît encore l'écusson de la maison d'Harcourt. Dans la tour de droite, se trouve une fenêtre, et à quinze pieds de hauteur une meurtrière garnie de barreaux de fer. En regard, deux meurtrières semblables ont été percées dans la tour de gauche. Sous la voûte d'entrée, se voient encore les coulisses des deux herses qui, avec une forte porte en bois interposée, fermaient le passage. Les prisons du château occupaient le premier étage de ces deux tours. La pièce qui les sépare était destinée aux malfaiteurs ordinaires. Un couloir étroit et obscur conduit de cette pièce à un cachot situé au centre de la tour du Griffon, dont les murs ont neuf pieds d'épaisseur. Ce cachot était destiné aux grands coupables. Un autre cachot, un peu plus éclairé, et précédé d'une petite pièce qui devait être la salle de la question, se trouve dans la tour correspondante. Le second étage du portail servait de logement au capitaine et les comptes du château, compulsés par A. Deville, lui ont permis de constater que ce fut dans l'année 1478 que le portail actuel fut substitué à une entrée dont il reste encore les cintres du porche et la muraille qui regarde la cour.
Un rempart avec chemin de ronde relie le portail à la tour du Lion, ou tour du Diable, l'une des plus considérables du château, qui se projette en demi-cercle, en dehors de la place, et dont les murs ont, dans certaines parties, jusqu'à douze pieds d'épaisseur. Sous cette tour se trouve un cachot souterrain dans lequel on prétend que le diable avait établi son séjour; de là le nom de cave du Diable et tour du Diable. Une courtine, aujourd'hui détruite, reliait la tour du Lion à la tour Coquesart. Une porte de sortie existe à sa place. Nous sommes maintenant en présence de la partie la plus importante de ces majestueuses ruines. Rien de plus saisissant que cette haute muraille à la couronne dentelée de mâchicoulis, aux fenêtres sans vitraux, mais encore garnies de leurs meneaux en croix; ces tourelles déchirées en deux et montrant à nu les spirales de leurs escaliers; ce lierre rampant sur le flanc de la tour, au sommet de laquelle poussent les arbrisseaux et les ronces. Lorsque le soleil vient dorer cette masse et laisse filtrer sa lumière dans ses anfractuosités, l'observateur ne peut quitter qu'à regret un aussi ravissant tableau. La tour Coquesart, une des plus belles et des plus importantes du château de Tancarville, est de forme irrégulière et à pans coupés; elle ressemble presque à un bastion. Elle a une soixantaine de pieds d'élévation; mais elle paraît beaucoup plus haute, étant assise sur une butte qui s'élève au-dessus de la cour du château. Ses murs ont neuf pieds d'épaisseur. Elle avait cinq étages et se terminait par une terrasse ou plateforme que portait une voûte à ogives, dont les membrures à arêtes anguleuses, aujourd'hui suspendues dans le vide, produisent un effet pittoresque. Les planchers ont disparu mais on voit encore la trace des étages.
La tour Coquesart n'a cessé d'être habitée que vers le milieu du siècle dernier, à la suite d'un éboulement d'une partie de la voûte, causé par l'infiltration des eaux. La porte Coquesart, aujourd'hui murée, faisait communiquer l'enceinte du château et la tour du donjon au moyen d'un pont dormant terminé du côté du donjon par un pont-levis. On y accède actuellement par la sortie qui existe à la place de la courtine, entre la tour du Lion et la tour Coquesart. La tour du donjon, dont il ne reste que quelques pans de murs ensevelis sous les broussailles et qui ont de douze a treize pieds d'épaisseur était circulaire dans les trois quarts de sa circonférence et se projetait en angle vers la campagne. En comptant l'épaisseur de ses murs, cette tour n'avait pas moins de 70 pieds de diamètre dans sa largeur moyenne. Sa dimension et la force de ses murailles doivent faire présumer qu'elle s'élevait à une hauteur considérable. La position de cet ouvrage avancé semble indiquer qu'il n'est pas antérieur à la seconde moitié du XIVe siècle. Le couloir donne accès à un puits creusé en dehors de la tour mais qui lui est lié par un mur circulaire. Ce puits, d'une construction magnifique, date de 1409. Il est en partie comblé. Un boulevard, ou contre-garde, qui était fortifié de murs et de palissades au XVe siècle, était placé en avant du fossé sud de la forteresse et présentait un premier obstacle aux assiégeants. Nous entrons dans l'enceinte intérieure par le même chemin. Entre la porte Coquesart et la grande tour Carrée, à l'extrémité Est de la forteresse seigneuriale, se trouve une suite de bâtiments en ruine, désignés dans les anciens documents sous le nom de Moustier. C'est dans ces diverses pièces qu'étaient placées la Chapelle, la Chambre aux Chevaliers, la Grande Salle, la Chambre aux Comptes ainsi que les cuisines, etc.
 Ces différents bâtiments ayant été détruits en grande partie par les Anglais en 1437 et réédifiés ou remaniés a plusieurs reprises, il serait difficile de restituer à chacun d'eux sa destination première. Ainsi les piliers et les arceaux en ogive qui décorent la face du bâtiment sembleraient indiquer les restes de la chapelle du château, mais cette supposition est en désaccord avec les archives de Tancarville qui indiquent qu'un des piliers de la chapelle s'appuyait contre l'escalier de la tour Coquesart et qu'il y avait à la chapelle "huit piliers deshors, tant d'un costé que d'autre". Cette chapelle fut bénie en 1267, par Eudes Rigault, archevêque de Rouen, et mise sous le vocable de la Vierge. Tancarville à Notre-Dame! était le cri que faisaient retentir dans les combats les preux chevaliers de Tancarville. Un grand bâtiment d'une trentaine de mètres en carré et qui a perdu toute sa devanture ainsi que son toit et ses planchers, nous paraît être la Chambre aux Chevaliers. La Grande Salle contient encore quelques parties de belles cheminées en pierre blanche et à chambranles ornés de colonnes d'un style semi-gothique. Une de ces colonnes figure un tronc d'arbre dont les branches auraient été coupées pour ne laisser voir que leur naissance. Le bâtiment de la Grande Salle a, dans œuvre, vingt-huit pieds de large sur quarante-deux pieds de long, sans y comprendre un large couloir qui règne dans toute sa profondeur derrière le mur des cheminées. Commencé en 1468 il renfermait la plus grande salle du château. C'est par le bâtiment de la Grande Salle que l'on accède à la tour Collecte qui est placée au centre de la courtine fermant le côté sud de l'enceinte triangulaire du châteaude Tancarville. Cette tour paraît avoir été ajoutée pour renforcer le long rempart qui existe entre la porte Coquesart et la tour Carrée. Sa forme est semi-circulaire en dehors et à pans coupes intérieurement. Elle a dix pieds de diamètre et les murs en ont sept d'épaisseur.
Nous voici à la tour Carrée, la plus ancienne du château de Tancarville, et l'une des plus remarquables quoique dépouillée de ses planchers et de sa couverture. Elle est construite en pierre et a vingt-six pieds en carré dans oeuvre, sa hauteur est de soixante pieds répartis inégalement en quatre étages en plus du rez-de-chaussée. Extérieurement, du côté de la Seine, sa maçonnerie forme talus et descend beaucoup plus bas. Ses murs ont cinq pieds d'épaisseur. Respectée par le temps jusqu'à la Révolution, elle perdit, en 1793, ses portes, ses fenêtres, son toit, ses planchers, arrachés par une troupe de soldats logés temporairement dans le château. Abandonnée à la pluie et aux vents de mer qui viennent la battre et s'y engouffrer, chaque jour elle voit miner ses murs, et s'effacer les curieuses fresques qui décoraient ses antiques salles et dont il ne reste maintenant presque plus trace. Quelques auteurs reportent la construction de la tour Carrée au XIe siècle. Nous partageons l'avis motivé d'A. Deville qui lui assigne la première moitié du XIIe siècle, et quoique notre vieil historien normand Orderic Vital, dans l'énumération qu'il fait, sous la date de 1137, des forteresses du chambellan Rabel, ne cite point son château de Tancarville, il est bon de faire remarquer que ce même chambellan Rabel parle de ce château dans un acte antérieur émané de lui et qui est conservé aux archives. A l'angle sud-ouest de la tour Carrée se trouve une tourelle d'où l'on jouit d'un admirable point de vue. En retour d'équerre de la tour Carrée se trouvaient la chambre de l'artillerie et les "grandes estables". Ces constructions furent remplacées, au début du XVIIIe siècle, par le château neuf, lequel a été restauré à le fin du XIXe siècle par M. le comte de Lambertye, et était habité par Monsieur Vasse, maire de Tancarville.
Ce château neuf a été construit de 1709 à 1717 par le comte d'Evreux, Louis de la Tour-d'Auvergne. La grande terrasse qui s'étend de la tour Carrée à la tour de l'Aigle, était autrefois garnie, du côté de la Seine, d'une muraille crénelée, à galerie ou chemin de ronde. Un simple parapet à hauteur d'appui existe maintenant et permet de voir le fleuve et ses rives. Il nous reste à visiter la tour de l'Aigle, située à l'extrémité nord de la terrasse. Cette tour, dont la hauteur est de soixante-quatre pieds, affecte, dans la partie qui regarde la Seine, à l'est, la forme triangulaire, et se termine, vers le nord, en angle aigu. Assise au sommet du promontoire, vue de la plage de Tancarville, elle paraît beaucoup plus élevée et l'effet est des plus pittoresques. Un escalier, inscrit dans une tourelle octogone qui est appliquée à la tour, conduit aux quatre étages dont elle se compose. Vers le haut de cette tourelle on remarque, à l'extérieur, la place d'un ancien cadran, que l'on peut attribuer au moins au XVe siècle. Dans une salle voûtée, au rez-de-chaussée, étaient déposés les titres et les papiers du château; la Révolution de 1789 les a fait passer dans les archives du département. L'étage supérieur de la tour de l'Aigle a été élevé en 1548 et couvert un peu plus tard. A cette époque, il était à ciel ouvert et se terminait en terrasse. Dans cet étage se trouvent deux pièces fort curieuses de l'ancienne artillerie du château. Ces deux couleuvrines, en fer fondu, servaient, au moyen de la poudre, à lancer des boulets en fer ou en pierre. La tour de l'Aigle a été, comme le château neuf, restaurée par M. le comte de Lambertye. Une courtine de cent trente pieds de long sur dix d'épaisseur, et dans le couronnement de laquelle était pris un chemin de ronde, reliait cette tour au portail du château. Le puits placé dans la cour fournissait l'eau nécessaire au château.
Il nous reste maintenant à dire quelques mots des illustres familles qui ont possédé successivement le château de Tancarville. Si l'on s'en rapporte à l'étymologie probable du nom, Tancarville devrait son origine à un de ces hommes du Nord qui accompagnèrent Rollon sur les rives de la Seine. Le nom du chef de famille ne se retrouve pas dans l'histoire de Normandie avant le XIe siècle, c'est-à-dire cent vingt ans après le partage, par Rollon, du territoire conquis, et nos anciens titres normands ne nous le montrent pour la première fois qu'en 1034, dans la personne de Raoul, fils de Gérald, gouverneur et grand chambellan de Guillaume le Conquérant. Ce Raoul doit donc être regardé comme la tige de la maison de Tancarville, bien qu il n'ait jamais accolé ce nom au sien. Ce n'est que dans une charte de Henri 1er, délivrée en 1103, que nous voyons figurer ce "Willelmus de Tancarvilla", qui était le fils et le successeur du chambellan Raoul. Quant au lieu en lui-même, son existence nous est révélée par une charte de Guillaume de Tancarville. Raoul avait transmis à son fils la dignité de grand chambellan qui devint héréditaire dans la famille. En 1114, Guillaume de Tancarville fonda et enrichit de dotations l'abbaye de Saint-Georges de Boscherville, dont son père avait bâti l'église. Guillaume de Tancarville avait épousé Mathilde, unique héritière de la puissante maison d'Arques, et unie par les femmes à la famille des ducs de Normandie. De ce mariage naquit un fils qui reçut le nom de Rabel. Si Tancarville est à peine cité dans les annales normandes de nos ducs, ses puissants châtelains y jouent un rôle important. Nous voyons Guillaume de Tancarville combattant vaillamment aux côtés de Henri 1er à la bataille de Brenmule, où la fleur des chevaliers normands et français, ayant leurs rois à leur tête, mesurèrent leurs lances. Ce fut à cette bataille que, suivant la curieuse remarque d'Orderic Vital, sur neuf cents chevaliers qui y prirent part, il ne s'en trouva que trois de tués, "parce qu'ils étaient entièrement vêtus de fer, dit l'historien, et que, attendu la crainte de Dieu et la fraternité d'armes, ils s'épargnaient l'un l'autre".
En l'année 1124, Guillaume de Tancarville se mit à la tête de plusieurs autres barons et fit prisonnier, dans une bataille rangée, près du Bourgtheroulde, Galeran, comte de Meulan, Hugues de Montfort, Hugues fils de Gervais, et une foule d'autres hommes d'une valeur éprouvée et d'un grand nom. Guillaume de Tancarville mourut peu d'années après cette bataille, et fut enterré dans l'église de Saint-Georges de Boscherville, qui devint le lieu de sépulture de cette illustre famille. Son fils Rabel lui succéda. Il épousa la fille d'un puissant baron, Odon Stigand, et ne craignit pas de se mesurer avec le roi Etienne. Telle était sa puissance, que, avant de l'attaquer, Etienne crut devoir s'assurer l'appui du roi de France, Louis le Gros. "Dès lors plus rassuré, dit Orderic Vital, Étienne revient sur ses pas; il marche en forces contre le rebelle chambellan, assiège ses châteaux de Lillebonne, de Villers, de Mésidon, et soit lui-même, ou par ses auxiliaires, à la tête des siens, aidé du fer et de la flamme, il s'en empare". Malgré la perte de ses forteresses, Rabel ne se tint pas pour vaincu, et ce ne fut qu'après avoir traité de la paix avec lui que le roi Etienne put passer à d'autres ennemis. Le fils de Rabel, Guillaume II de Tancarville, lui succéda en 1140. Il se rangea, avec de puissants barons auxquels s'étaient joints le roi de France et le comte de Flandre, du parti de Henri le Jeune, qui s'était mis en révolte contre son père Henri II, roi d'Angleterre et duc de Normandie. Le vieux roi, furieux, et se débattant comme une ourse à qui on a enlevé ses petits fit tête à tous, et sortit triomphant de la lutte; mais il s'estima trop heureux de pouvoir pardonner à ses barons révoltés. Guillaume II et son fils Raoul II, accompagnèrent Richard Cœur de Lion en Terre sainte.
En 1204, la Normandie, séparée de la France depuis près de trois siècles, rentre sous la domination des monarques français. Elle conserve ses antiques privilèges, mais le prestige de sa nationalité et de sa grandeur passée s'éteint, ses guerriers s'effacent ou disparaissent, ses historiens se taisent et ses poètes s'en vont. La Normandie de Guillaume le Conquérant et de Richard Cœur de Lion n'est plus. Guillaume III de Tancarville combat à Bouvines, mais à peine est-il cité en passant sur un rôle d'appel. Son petit-fils endosse la cotte de mailles pour suivre saint Louis à la croisade, mais son nom reste effacé derrière celui des chevaliers de France. Si le rôle des derniers sires de Tancarville fut moins brillant que celui qu'avaient joué leurs pères, ils savaient certes encore manier l'épée et descendre en champ clos. Robert de Tancarville en donna la preuve dans une circonstance où il défendit son honneur et ses vassaux. Il s'agissait de la possession d'un moulin situé dans la vallée de Lillebonne, dont le Tort (le Boiteux) de Harcourt s'était emparé par la force, "Quand le chambellan de Tancarville sceut que ses gens estoyent villennez, il fist semondre ses hommes et ses amis, et vint arriver avec III cens hommes armez à Lyslebonne, où estoyent le sire de Harcourt et le Tort (le Boiteux) son frère. Là, vint courir le chambellan qui cria au seigneur de Harcourt que qui lui ouvrirait le ventre on y trouverait une fourche à fyens. Le sire de Harcourt le desmentit: et là il y eut grant assault, car le seigneur de Harcourt yssit aux barrières avec ses gens, et bien se déffendirent; et y eut gens tuez d'un costé et d'autre. Le roy ouyt parler de ce discord: si les envoya adiourner par messire Enguerran de Margny, à comparer devant lui. Or aduint que ainsi comme ilz alloient en court, le sire de Harcourt trouua le chambellan qui dormoit; le sire de Harcourt lui courut sus et lui creva ung œil, et puis s'en retourna à ses gens. Quant le chambellan fut guéry, il alla vers le roy, et appela de gage le sire de Harcourt. La bataille fut adjugée: et vint le sire de Harcourt au champ, armé de fleurs de lys; et se combattirent ces deux barons très fièrement. Le roy d'Angleterre et le roy de Navarre, qui là estoyent présens, prièrent au roy de France que la bataille cessast, et que dommage serait si deux si vaillans hommes comme ilz estoient s'entretuoyent. Donc fut crié ho de par le roy de France, et furent tous deux faicts contens, et par les ditz roys fut la Paix faicte d'eulx deulx. Et fut enuiron l'an MCCC".
Parmi les chevaliers qui se rangèrent sous la bannière du comte d'Artois chargé de punir les Flamands qui s'étaient mis en pleine révolte, marchait Robert de Tancarville. Les Flamands n'attendirent pas que l'armée française vint jusqu'à eux, et lui présentèrent la bataille. "Nos chevaliers, dit un chroniqueur de l'époque, ayant une confiance présomptueuse en leurs forces, et pleins de mépris pour leurs adversaires qu'ils regardaient comme de vrais paysans, crièrent aux fantassins, qui formaient l'avant-garde de cette bataille, de se mettre en arriéré, ne voulant pas laisser à la piétaille l'honneur de la victoire, et qu'il fût dit qu'elle n'avait pas été remportée par les chevaliers. Ils se précipitèrent tumultueusement et dans le désordre sur les Flamands, mais ceux-ci les reçurent de pied ferme, les lances serrées et plus d'un chevalier succomba sous les coups des terribles "godendats". Le comte d Artois, voyant la déroute de ses chevaliers s'élança à leur secours. Semblable à un lion, il fondit sur l'ennemi et fut suivi par Godefroi de Brahant, par les comtes d'Eu et d'Aumale, par le connétable de Nesle, par Gui de Clermont, Renaud de Trie, Jacques de Saint-Pol, et le chambellan de Tancarville: tous trouvèrent avec lui la mort des braves au milieu des Flamands". La veuve de Robert, désireuse de voir revivre le nom des Tancarville, conclut avec Enguerrand de Marigny un accord de mariage entre le seul fils qu'eût laissé Robert, le très jeune Guillaume, et Isabelle fille d'Enguerrand, bien que les fiancés n'eussent point encore dépassé l'âge de sept ans. Ce mariage anticipé ne porta pas de fruits, et soit chagrin, soit faiblesse de constitution, le jeune chambellan ne sortit des mains du roi, sous la garde duquel il était à cause de son bas âge, que pour entrer dans la tombe. Avec lui finit l'illustre maison de Tancarville.
La sœur de Guillaume, Jeanne, unique héritière de la famille de Tancarville, avait épousé, vers 1316, Jean, vicomte de Melun, premier du nom. L'écusson des Melun (d'azur à trois besans d'or posés trois, trois et un, au chef de même) remplaça donc celui des Tancarville (de gueules à un écusson d'argent a la bordure d'angemmes d'or). Jean II de Melun, chambellan de Tancarville, vola au secours de Caen menacé par Edouard III, roi d'Angleterre. Mais ses efforts furent inutiles; le sire de Tancarville se défendit vaillamment sur la porte du pont qui avoisine l'église Saint-Pierre, et vit tomber presque tous ceux qui l'entouraient, car les archers anglais ne recevaient personne à merci. Apercevant alors un chevalier anglais dont il était connu, Thomas Holland, il se rendit à lui, et fut conduit captif en Angleterre. Rentré en France, sur parole, dans le but de travailler à sa libération, il persuada aux moines de l'abbaye de Grestain de vendre sept manoirs qu'ils avaient en Angleterre, lesquels leur étaient, disait-il, "de nulle ou de petite value depuis vingt ans en ça, tant pour les guerres qui estoient comme pour les perilz de la mer, larrons et robeurs desquels il estoit plus qu'il ne soulloit" et de lui remettre l'argent du prix de la vente, qui lui servirait à acquitter sa rançon. Il leur donnait en échange sa baronnie de Mésidon. Le prince de Galles s'étant accommodé des sept manoirs des moines de Grestain, combla d'honneurs le sire de Tancarville, lequel devint comte de Tancarville, en vertu de lettres patentes qui lui furent délivrées le 4 février 1352 par le roi Jean. Dix années n'avaient pas encore effacé le souvenir de la bataille de Crécy, lorsque Poitiers vit se renouveler les désastres de cette fatale journée. Le comte de Tancarville combattit vaillamment auprès du roi Jean et le couvrit le couvrit de son corps. Mais finalement il succomba sous le nombre et fut fait prisonnier avec son souverain.
Quatre années s'écoulèrent avant que le comte de Tancarville pût revoir sa patrie, et ce fut grâce à ses soins que fut signée la paix de Brétigny, qui rendit la liberté au roi Jean et la paix à la France. Le 25 octobre 1415 Guillaume de Melun tomba glorieusement aux champs d'Azincourt, et avec lui s'éteignit la vaillante maison des Melun. Guillaume de Melun avait laissé une fille, Marguerite, son unique héritière. Jacques d'Harcourt l'épousa dans son château de Noyelle-sur-Mer, d'où il la conduisit à celui de Tancarville. Nous voyons Jacques d'Harcourt se ranger sous là bannière royale de Charles VII, en compagnie des Dunois, des Lahire, des Brézé, des Xaintrailles, et se montrer digne de marcher à côté de ces preux capitaines. Le château passa des d'Harcourt à la famille d'Orléans-Longueville. Puis le domaine de Tancarville devint la propriété du comte d'Evreux, fils du duc de Bouillon, qui y fit construire le château neuf, et le céda au fameux financier Law; mais ce dernier n'ayant pu acquitter complètement le prix de vente, l'acte de résiliation fut passé le 9 septembre 1720, et le comte d'Evreux revendit Tancarville au duc de Montmorency-Luxembourg. A l'époque de la Révolution, cette propriété appartenait à Madame de Montmorency-Fosseux, qui, avant les événements de 1789, jouissait d'une fortune immense. Elle se trouva tout à coup réduite à quelques cents livres de revenu. Ses biens furent confisqués et le gouvernement se mit en possession du château. Des soldats furent logés dans ses murs, et au lieu de respecter la demeure de tant de braves, ils la mirent, pour ainsi dire, au pillage. En 1804 le chef de l'Etat donna aux hospices du Havre l'emplacement et les restes du château. Le 29 juin 1825 Charles X rendit une ordonnance qui fit rentrer en possession du château Madame de Montmorency-Fosseux, moyennant une indemnité de six mille francs au profit des hospices... (1)

Éléments protégés MH : le château de Tancarville : classement par liste de 1862. (2)

château-fort de Tancarville 76430 Tancarville, tél 02 35 96 00 21, association des Amis de Tancarville, des visites sont régulièrement organisées sur rendez vous pour les groupes de dix personnes avec prêt de costumes pour se faire prendre en photo devant la tour de l'aigle en seigneur du Moyen-âge.

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château de Tancarville  château de Tancarville 
 
 château de Tancarville  château de Tancarville
 
 
 


(1)
    source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Manche) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee

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