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A quelques kilomètres de Darnétal, sur la route de
Rouen à Beauvais, des toits pointus aux fines aigrettes de plomb, dépassant
les cimes d'arbres séculaires, annoncent de loin au voyageur le château de
Martainville. Rien de plus remarquable et de plus curieux pour l'homme de
goût et d'étude que ce beau manoir normand. L'antiquaire se réjouit à sa
vue. L'historien y retrouve une page captivante de notre chronique locale:
la naissance de cette noblesse issue de la bourgeoisie et qui tiendra les
postes et les offices du XVIe siècle à la Révolution. Le penseur y médite
sur le néant des choses humaines. Le fief de Martinville, huitième de fief
de haubert, était démembré, dès le XIIIe siècle, de la riche baronnie de
Périers, possédée par les moines de Saint-Ouen de Rouen. En 1480, ce fief
fut acquis par Jacques Le Pelletier, négociant de Rouen, qui fit édifier,
très vraisemblablement vers 1485, le beau château que nous admirons encore
aujourd'hui. Pour tracer son manoir, Jacques Le Pelletier s'inspira des
dispositions alors suivies pour les habitations d'été avec exploitation
agricole; car la résidence du riche bourgeois, anobli par Louis XI, était
dans la bonne ville de Rouen, de laquelle nous le voyons échevin en 1493. Il
creusa donc un large fossé, construisit une muraille d'enceinte avec
tourelles aux angles et ajoura cette enceinte d'une grande et d'une petite
porte pour donner l'accès aux diverses constructions qu'il allait édifier.
Les tourelles existent encore et jalonnent l'enceinte du manoir. Le
colombier dresse toujours sa tour polygonale et son toit pointu sur le ciel;
mais plusieurs parties de muraille ont été démolies et notamment, les
curieuses portes du XVe siècle, comme on en voit au vieux manoir d'Oissel (Seine-Inférieure)
et à l'hôtel de Cluny, à Paris.
Le fossé a été comblé en partie et une dépression de terrain indique
aujourd'hui l'emplacement de la porte d'entrée; mais ne nous arrêtons pas
trop longtemps sur cette mutilation regrettable, car le temps, qui ne
respecte rien, apportera bientôt d'autres modifications, et plus
importantes, si des réparations intelligentes ne sont entreprises
prochainement. Le château, proprement dit, offrait un plan très simple,
avant une addition faite au sud et datant du XVIIe siècle: c'était un carré
flanqué, aux quatre angles, de fortes tours cylindriques. Bien orienté, avec
ses façades aux points cardinaux, la principale regardant l'occident. En
façade, le château présente deux étages accusés par des bandeaux de pierre.
La pierre est également employée pour les encadrements des fenêtres,
rectangulaires au rez-de-chaussée, arrondies en anse de panier, au premier
étage, ou coiffées de tympans de lucarnes trouant le toit, au second étage.
C'est encore la pierre qui a été mise en œuvre pour construire ces élégantes
et gracieuses colonnettes accostant les baies du second étage, ou les
divisant en meneaux en croix; les murailles des tourelles accrochées aux
deux façades principales sont également en pierre. Partout ailleurs, c'est
une brique d'excellente qualité qui a été employée en panneaux ou figures
variées, dessinées par des matériaux diversement colorés. L'entrée
principale, en anse de panier, est surmontée d'une arcature fleuronnée qui
va en s'épanouissant sous l'encorbellement d'une jolie tourelle à six pans.
Les trois faces, en saillie, sont ajourées de hautes fenêtres du plus beau
style ogival du XVIe siècle, éclairant une petite chapelle ou oratoire.
C'est la partie la plus ornée de l'édifice.
Les gorges du cul-de-lampe de l'encorbellement, les moulures des arcades de
la porte ont été couvertes de vives couleurs. Les feuilles de chardon, le
houblon chargé de cônes, la vigne et le lierre rampants ont été enlaces par
les mains habiles de "l'ymaigier" et revêtus de fins ors que les pluies ont
lavés. La tourelle en encorbellement, avec son couronnement de mâchicoulis,
son toit pointu, terminé par un épi de plomb, est un ouvrage des plus
élégants et des plus pittoresques. D'ailleurs, les quatre tourelles d'angle
flanquant le grand toit aux ardoises bleues; toutes ces couvertures en
hache, en pyramides ou en cônes, couronnées par des épis de plomb, de fines
aigrettes ou des girouettes découpées ; toutes ces gargouilles pendantes
impriment au château de Martainville un caractère de féodalité qui étonne et
surprend. Mais l'œil reprend bien vite son œuvre d'analyste et les hautes
cheminées, qui complètent si heureusement la silhouette du vieux manoir, le
captivent bientôt. Ici, point de surfaces planes ni d'arêtes rigides: le
froid parallélépipède a été rigoureusement répudié. Ces tuyaux construits en
brique soigneusement calibrée, employée en ressauts savants et en
dispositions harmonieuses, sont, à eux seuls, un véritable monument d'art et
un curieux exemple du degré de perfection auquel était parvenue la
maçonnerie à la fin du XVe siècle. L'intérieur du manoir est également fort
remarquable.
En entrant, un vaste corridor voûté et curieusement sculpté, donne accès à
la grande salle où les sieurs de Martainville tenaient leurs plaids; elle
était naguère encore revêtue d'antiques tapisseries d'Aubusson. Dans un
autre appartement on retrouve encore ces beaux cuirs gaufrés et dorés, riche
production du XVIe siècle. Dans la cuisine se voit encore la grande cheminée
légendaire avec sa crémaillère historiée, dessinée par Thiollet et
reproduite par toutes les publications d'art et d'archéologie. Un escalier à
vis, qui chemine dans la tour de l'horloge (façade postérieure), conduit aux
étages supérieurs. Les chambres y sont nombreuses et proportionnellement
aussi grandes que les appartements du rez-de-chaussée. Elles ont conservé, à
peu de chose près, leur aspect primitif et témoignent de la simplicité des
mœurs de leurs nobles et premiers habitants. Le peu de soin apporté à clore
ces pièces, la grande élévation des plafonds les eussent rendues
inhabitables sans le secours de brasiers pantagruéliques qu'on pouvait
entretenir dans leurs vastes cheminées. Partout, ces cheminées, larges et
hautes, se distinguent par un bandeau ou torsade en terre cuite qui règne à
la base de la hotte; et, pour se prémunir contre le pillage et les aventures
des guerres civiles, elles avaient été soigneusement grillées à quelques
mètres au-dessus de l'âtre ou foyer. Quelques-unes des chambres renferment
encore les portraits des anciens hôtes de cette antique demeure: figures
d'ancêtres illustres, précieux joyaux de famille que l'on s'est transmis
avec orgueil, pendant de longues années, de génération en génération. (1)
Notons que vers 1590, Henri IV se rendant à Fontaine le Bourg passe par Martainville et chasse les troupes du duc de Parme. Le dernier des
Martainville, mort en 1757 sans héritier, le château passe entre différentes
familles.
C'est alors que l'État le rachète mais tout le mobilier du château est déjà
dispersé. Le conseil général, à partir de 1955, fait procéder à la
restauration de la demeure pour installer un musée en 1965. C'est au fil des
ans que patiemment ce château a retrouvé une toiture, des huisseries, des
planchers, restauré et entretenu par les Monuments historiques, il abrite le
musée départemental des Traditions et Arts normands, ces collections ont un
caractère exceptionnel et retracent l'évolution stylistique du mobilier
régional du XVe au XIXe siècle. Les pièces de Haute époque, notamment des
XVe et XVIe siècles sont nombreuses et de grande qualité. La présentation
des régions de Haute Normandie, sous l'aspect d'intérieurs de fermes avec
les meubles, ustensiles et objets de la vie quotidienne au XIXe siècle.
L'histoire du costume normand aux XVIIIe et XIXe siècles...
Éléments protégés MH : le château : classement par liste de 1889. La ferme
du château : le puits avec sa couverture ; le colombier ; les couvertures et
les façades des bâtiments entourant la cour de la ferme ; le hangar en
charpente situé dans le verger à droite des bâtiments entourant la cour de
la ferme et le hangar en charpente situé dans l'herbage à gauche des
bâtiments : classement par arrêté du 4 juin 1931. L'assiette foncière des
anciens jardins, avec l'ensemble des éléments subsistants de la clôture et
de la composition, y compris les sols de la cour des communs : inscription
par arrêté du 7 octobre 1997 (2)
château de Martainville 76116 Martainville-Epreville, tél. 02 35 23 44
70, ouvert au public tous les jours sauf mardi, dimanche matin et certains
jours fériés de 10h à 12h 30 et de 14h à 17h (18h du 1er avril au 30
septembre)
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