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Construit sur la rive
droite du Dadou qui longe sa façade, Crins appartint aux seigneurs de
Graulhet avant de passer aux comtes d’Aubijoux dont il devint la maison de
campagne. En fait, les d’Amboise d’Aubijoux devinrent seigneurs de Graulhet
à la fin du XVe siècle, date à laquelle l’évêque Louis 1er d’Amboise avait
marié son frère Hugues à Madeleine d’Armagnac, héritière des domaines qui
avaient appartenu aux Lévis, aux Lautrec et aux Alamans. Les archives
féodales de Graulhet furent en partie détruite, certainement lors du pillage
du château de Crins: l’on sait d’ailleurs qu’une partie des titres furent
brûlés en place publique. Par chance, l’on conserve aux Archives
départementales du Tarn l’inventaire des biens laissés par messire François
d’Amboise, comte d’Aubijoux et seigneur de Graulhet, après son décès le 27
mai 1638. Curieusement, le nom de Molière semble pouvoir être attaché au
château de Crins grâce à la personne de François-Jacques d’Amboise Aubijoux,
seigneur de Castelnau, qui entra dans l’histoire à la suite de la défaite de
Castelnaudary de 1632: c’est là que la noblesse du Languedoc ayant participé
à la rébellion de Montmorency fut mise en déroute par les hommes de
Richelieu. Nommé gouverneur du Languedoc, Gaston d’Orléans, frère de Louis
XIII et ennemi déclaré de Richelieu, ne trouva rien de mieux que de choisir
pour le représenter trois lieutenants-généraux rescapés de Castelnaudary et
ennemis de Richelieu, dont d’Aubijoux. Sous la protection de Gaston
d'Orléans, la noblesse du Languedoc ne tarda pas à tenir le haut du pavé du
Marais et c’est dans ces salons parisiens que Molière put rencontrer d’Aubijoux.
Après l’échec de "l'Illustre Théâtre", Molière et Madeleine Béjart
descendirent dans le Midi en quête de protecteurs. Le seigneur de Crins ne
se fit pas prier et l’on sait que la nouvelle troupe donna une
représentation à Toulouse lors de l’entrée du lieutenant-général d’Aubijoux
dans la ville en juillet 1647. Par la suite, à chaque session des États du
Languedoc, Molière est là, payé par d’Aubijoux pour divertir les députés.
Contrairement à ce que veut la tradition, même si Conti apportait à Molière
sa protection princière, c’est d’Aubijoux qui réglait les factures. Même si
l’on ne connaît finalement que peu de choses sur le séjour de Molière en
Languedoc, il est intéressant de savoir que le départ de Molière de la
région coïncide avec la mort de d’Aubijoux, en 1656. L’on peut rêver à ces
rencontres en lisant les "Antiquités de Castres" où Pétrus Borel nous décrit
le jardin du comte: "Nous avons des lieux de plaisance qui sont très
délicieux, les uns naturels et les autres par artifice entre lesquels sont
Gaix, place du comte de Bioules, et le lieu de Crins, appartenant à M. d’Aubijoux
pour les merveilles de l’Art; car l’on y voit tout ce que l’artifice a pu
suggérer de rare aux ingénieurs touchant les inventions hydrauliques et les
plus excellents jardiniers y ont laissé à la postérité leurs chefs d'œuvres,
je veux dire tous ces beaux parterres, labyrinthes, planchers naturels,
berceaux et cabinets, qui donnent tant de satisfaction à tous les sens qu’on
serait en peine de dire quel est celui de tous cinq qui en reçoit plus de
volupté".
Chapelle, l’ami de Molière, ne tarit quant à lui pas d’éloge sur Crins qu’il
visita l’année de la mort du comte d’Aubijoux: "M. le comte d’Aubijoux nous
reçut très civilement. Nous le trouvâmes dans un petit palais qu’il a fait
bâtir au milieu de ses jardins entre des fontaines et des bois, et qui n’est
composé que de trois chambres, mais bien peintes et tout à fait appropriées.
Il a destiné ce lieu pour se retirer en particulier avec deux ou trois de
ses amis, ou, quand il est seul, s’entretenir avec ses livres, pour ne pas
dire sa maîtresse. De vous dire qu’il tenait une fort bonne table et bien
servie, ce ne serait vous apprendre rien de nouveau; bien que son parc fut
très grand et qu’il eut mille endroits, tous plus beaux les uns que les
autres, pour se promener, nous passions des journées entières, dans une
petite île, plantée et tenue aussi propre qu’un jardin, et dans laquelle on
trouve comme par miracle une fontaine qui jaillit et va mouiller le haut
d’un berceau de grands cyprès qui l’environnent". Mais de ce passé lointain
ne nous sont parvenus que des échos assourdis, même si Crins est parvenu
jusqu’à nous. La façade principale que l’on peut admirer aujourd’hui ouvrait
sur le fameux parc désormais disparu. Des 3000 mûriers que plantèrent les
Crussol successeurs des d’Aubijoux et apparentés alors aux d’Estaing, il ne
reste plus que deux spécimens. Outre sa chapelle, de belles salles, un
escalier à vis et les armes sculptées des d’Aubijoux, le château a conservé
du côté du Dadou, ses caves voûtées qui supportent une terrasse. À par cela,
bien qu’il présente encore beaucoup d’allure avec sa façade en pierre
sculptée, Crins a été très remanié au XIXe siècle et l’on serait bien en
peine de retrouver en s’y promenant les fantômes du Grand Siècle. (1)
château de Crins
81300 Graulhet, englobé dans l'école primaire de Crins, allée des Pins.
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