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Vénérable
demeure bien malmenée par l’histoire, Vénès s’enracine au plus profond de
notre histoire locale. Au VIIe siècle déjà, l’évêque de Cahors Saint-Didier
était le seigneur de Vénès, cette terre dépendant de sa seigneurie de
Lautrec. Après une lignée de vicomtes de Lautrec dont les noms ne nous ont
pas été conservés, tous les seigneurs de Vénès nous sont connus depuis 1135:
Amélius Sicard, vicomte de Lautrec, cinquième fils du vicomte Sicard III,
Fridol II puis Fridol III de Lautrec qui appela le roi Philippe Le Bel en
pariage, Isarn de Lautrec, Philippe puis Philippe II de Lautrec: au cœur
d’une histoire moins monotone et paisible que l’apparente continuité de
cette filiation, la seigneurie de Vénès resta dans la famille de Lautrec
jusqu’au XVe siècle. En 1420, Philippe II de Lautrec vendit Vénès à Hugues
de Caraman. Lui succéda ensuite son fils Guillaume, qui n’eut qu’une fille
qui épousa en 1518 Jean de Foix-Caraman. L'on trouve ensuite Jean de Bernuy
qui avait épousé la fille unique de Jean de Foix-Caraman: Jean de Bernuy est
le fils du célèbre négociant en pastel d’origine espagnole qui a laissé à
Toulouse le magnifique hôtel qui porte encore son nom. Par chance, la
période de la Renaissance est assez bien documentée pour le château de Vénès:
on conserve de précieux documents sur les reconnaissances, coutumes, impôts
et droits seigneuriaux dans la baronnie de Vénès au XVIe siècle: il s’agit
d’un volumineux registre composé de trois cent onze actes notariés qui
permettent de bien reconstituer l’état de la seigneurie à cette époque
troublée.
Le château a joué un rôle important durant les guerres de Religion.
Plusieurs combats furent livrés à Vénès entre catholiques et protestants et,
en juillet 1562, la garnison du château, assiégée, dut capituler et Vénès
tomba aux mains des protestants alors que le président de Bernuy et le
capitaine de Crépiac qui tenait là une garnison de trois cent hommes étaient
absents... Soixante survivants des trois cent hommes d’armes furent traînés
jusqu’à Castres, exécutés, et leurs corps furent jetés dans un puits.
Sachant fort bien faire fi des impasses politico-religieuses dans lesquelles
son frère Jacques faillit se fourvoyer cette année-là en montrant des
sympathies pour la Réforme, Jean de Bernuy sut marier sa fille à un grand
parti, le comte de Clermont-Lodève. Devenue veuve, celle-ci se remaria avec
Jacques de Montgomery, le fils de ce monsieur de Lorges qui tua en tournoi
Henri II. Mourant avant son mari, madame de Bernuy laissa un fils de son
premier mariage et les rapports ne tardèrent pas à s’envenimer entre ce
dernier et son beau-père. Montgomery disputa à Guy de Castelnau de
Clermont-Lodève la possession de Vénès et le jeune homme dut avoir recours
au roi pour faire valoir ses droits. Les démêlés familiaux ne devaient pas
en rester là puisque, à la fin du XVIIe siècle, le baron de Vénès entendit
laisser cette terre au marquis de Caylus. C’était sans compter sur l’âpreté
au gain de sa veuve, née Luynes, qui refusa de céder le château de Vénès. Il
fallut attendre 1753 et un arrêt de la cour de Paris pour que les Caylus
récupèrent le legs.
Francois-Joseph de Caylus fut le dernier seigneur avant la Révolution. Cette
dernière entraîna la dernière confiscation du domaine, cette fois-ci
définitive. De toute manière, faute d’entretien, Vénès était en grande
partie en ruines dès le XVIIIe siècle, jugé par les Caylus bien trop
"gothique" pour pouvoir être habité avec agrément. Acheté en 1820 par la
famille Borrel, il fut restauré par eux dans l’esprit néo-gothique. Les
restaurations ont fait disparaître une partie assez grande des locaux mais
en ont conservé les parties principales dans lesquelles le château actuel
fut aménagé en conservant un caractère féodal qui rappelle l’importance
passée de cette forteresse. À l’occasion de l’aménagement du château en
habitation moderne, des débris de statues et de moulures en pierre furent
retrouvés dans un fossé mais ils furent malheureusement réutilisés avec
d’autres pierres dans de nouvelles maçonneries. Les murs ont heureusement
conservé nombre d’éléments primitifs tels que meurtrières et portes.
Comprenant à l’origine six tours et entouré de fossés, le château est
construit en forma d’équerre sur les côtés nord-ouest et nord-est d’une
cour. L’ancien donjon qui était une forte tour carrée en occupe l’extrémité
nord. À l'angle nord, une grosse tour circulaire terminée en terrasse fait
une forte saillie. Isolée, on trouve à l’est une autre tour plus élevée.
Enfin, de l’autre côté de la tour, l’ouest, une autre tour lui fait face.
Les murs en pierre de taille bien appareillée et de grande épaisseur datent
de la construction d’origine, sauf ceux de la tour du sud-ouest qui a été
reconstruite sur les fondations de la tour primitive tombée en ruines. Un
dessin de Dumége conservé aux archives départementales montre que la partie
est du château de Vénès se prolongeait à son époque bien au-delà de la tour
isolée du nord-est, qui à l’époque faisait corps avec le reste du château.
D'ailleurs, les altérations ne se sont pas arrêtées là puisque, à l’époque,
le château comportait autrefois deux cours, l’une haute, correspondant à la
cour actuelle, et une basse transformée en jardin. Cette dernière avait une
enceinte flanquée de deux tours et toutes les constructions de cette basse
cour ont aujourd’hui disparu. L'ancien fossé large et profond existe
toujours et est bien conservé au moins sur l’un des cotés. Il se présente
sans revêtement du côté extérieur puisqu’en ce lieu, le sous sol consiste en
un banc de calcaire qui se prête bien à la taille et a fourni les matériaux
de la maçonnerie du château. L’entrée quant à elle était précédée d’un
pont-levis situé au pied de la tour du nord-est et qui donnait dans la cour
basse. Dans son état actuel, bien que fortement remanié, le château de Vénès
évoque encore assez bien l’histoire souvent belliqueuse qui fut la sienne.
(1)
château de Vénès 81440 Vénès, tel. 05 63 75 18 86, location chambres
d'hôtes, gîte et une salle pour réceptions et séminaires.
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