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Château de la Chasse à Saint-Prix
 
 

   Si nous en croyons Eginhard, dans la vie de Charlemagne, le château de la Chasse, castellum de Chacia, jouissait de la réputation d'une forteresse presque imprenable, grâce à un double rang de fossés qu'alimentaient plusieurs rapides cours d'eau. André Duchesne compte parmi les titres de gloire de la maison de Montmorency la possession d'un vieil chasteau avec doubles fossés, qu'on nomme le chasteau de la Chasse. C'est le nom qu'il porte encore. Certes, à le voir aujourd'hui, on ne se douterait pas qu'il fut choisi, en 1207, par Mathieu de Montmorency, connétable de France, comme le plus brillant de ses manoirs pour y donner une fête à l'occasion de l'investiture des fiefs de Bouffémont et de Bois-Tirel, accordée au comte de Saint-Pol par le roi de France Philippe-Auguste. Le connétable, chargé par le roi de le représenter à cette cérémonie, reçut le serment du nouveau feudataire en présence du comte de Beaumont et du célèbre Simon de Montfort. Ces seigneurs restèrent quelque temps au château de la Chasse, charmés par la grande abondance de gibier qu'on trouvait alors aux alentours. En 1392, Jacques, baron de Montmorency, éleva dans le parc du château de la Chasse deux tuileries et un hôtel pour sa mère, la dame de Villers; ces constructions furent brûlées en 1429 par les Anglais, qui pillèrent le couvent du Bois-Saint-Père. Mais laissons de côté ces détails peu intéressants, et arrivons à un événement célèbre dans l'histoire de la féodalité, qui eut pour théâtre le château de la Chasse. Le château de la Chasse fut la demeure habituelle des deux fils que le baron Guillaume de Montmorency avait eus de son mariage avec la demoiselle de Fosseux, héritière d'un des grands noms et d'une des
grandes fortunes de la Flandre.
L'aîné de ces deux enfants, Jean, seigneur de Nivelle du chef de sa mère, possédait Saint-Leu, Thor et le Plessis-Bouchard, par donation paternelle; le second s'appelait Louis: il avait pour apanage la baronnie de Fosseux, dont il prit le nom. On nous pardonnera de donner ici quelques détails sur Jean de Nivelle, et d'excuser un peu sa conduite, qui ne fut pas, en somme, aussi blâmable qu'on peut le croire. Jean de Nivelle avait perdu sa mère de bonne heure; son père, Guillaume de Montmorency, n'était pas précisément tendre, et de plus, il s'était remarié avec une jeune fille de la maison d'Orgemont. De ce mariage était né un fils, Guillaume, qui, à cause de sa docilité et sa mère aidant, était vite devenu l'enfant favori du vieux baron. D'un autre côté, Jean de Nivelle, arrivé à l'âge d'homme, maltraité par sa maràtre, jouissant, grâce à l'héritage de sa mère, de riches seigneuries dans les Pays-Bas, devait nécessairement montrer moins de docilité qu'un tout jeune homme comme Guillaume. En outre, il y avait entre le père et le fils un autre motif de dissension, motif puissant et qui a bien souvent causé des brouilles dans les familles: la politique. Le baron de Montmorency était le fidèle serviteur et l'admirateur convaincu du roi Louis XI. Jean de Nivelle, au contraire, s'était franchement rallié au parti du plus mortel ennemi du roi de France, au parti du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, suzerain de la seigneurie de Nivelle. Et certes, il ne faut pas croire que ce fut simplement pour le plaisir de contrarier un père dont il croyait avoir à se plaindre, ni pour conserver ses domaines de Flandre, que Jean s'était attaché à la fortune de Charles de Bourgogne; mais on doit reconnaître que le chevaleresque grand-duc de l'Occident, le lion de Flandre, était un maître plus séduisant pour un homme jeune et brave que Louis XI, ce vieux roi malingre et mauvais, ce déloyal renard de France, maître fort convenable pour un Olivier le Daim, mais nullement pour un Montmorency.
Aussi, lorsque la guerre éclata entre la France et la Bourgogne, et que le vieux Guillaume eut ordonné à son fils de rejoindre l'armée royale, il devait bien s'attendre à ce qui arriva, c'est-à-dire à la défection de Jean, qui, au lieu de suivre les chefs chargés par Louis XI de diriger l'expédition contre la Bourgogne, alla immédiatement se ranger au milieu des chevaliers que Charles le Téméraire conduisait lui-même au combat. Le baron de Montmorency et sa femme furent probablement enchantés de ce qu'ils appelèrent la trahison de l'aîné de leur famille, car ils en profitèrent immédiatement pour déshériter, au profit de leur enfant chéri, et Jean de Nivelle et son frère Louis de Fosseux. Et ce fut au château de la Chasse qu'en présence d'une députation du parlement de Paris, le baron de Montmorency, voulant sans doute imiter l'exemple de Brutus, demanda et obtint, attendu la détestable trahison de messire Jehan, la permission de transférer tous les droits de son fils aîné sur la tête de ce Guillaume, qui était resté fidèle à son père et à son roi, ce qui prouve qu'ici-bas la vertu est toujours récompensée. Mais il faut croire que le vice ne l'est pas moins, car Jean de Nivelle fonda une des plus grandes maisons des Flandres, maison qui s'éteignit en la personne du comte de Horn, décapité par ordre de Philippe II d'Espagne. Quelques années plus tard, les deux branches de Montmorency descendant de Guillaume devaient finir de la même façon; on sait que le duc Henri II de Montmorency et que son cousin le comte de Montmorency-Boutteville périrent tous les deux sur les échafauds de Richelieu. C'est, du reste, le sort ordinaire des familles qui, par leur puissance ou leur illustration, s'approchent trop près des trônes. Nous venons de voir que Guillaume de Montmorency avait fait passer sur la tête de son troisième fils les droits de son fils aîné; ces droits auraient dû revenir au puîné Louis; mais on profita de l'occasion: le parlement était là, le roi était bien disposé, et on déshérita du même trait de plume le second fils comme le premier. Du reste, si Jean de Nivelle mérite quelque intérêt, Louis de Fosseux n'est digne d'aucune pitié; c'était le type du mauvais escholier du temps jadis, querelleur, ivrogne, grand amateur de tripots et de mauvais lieux, bref un franc vaurien. Entre autres gentillesses, il avait débuté à l'Université, à l'âge de quinze ans, par assassiner un de ses camarades.
A la suite de ce bel exploit, il s'était réfugié dans une abbaye appartenant à sa famille, où il passa trois années en grande misère et nécessité; mais comme il était bien jeune, et qu'après tout la vie d'un homme, sous le règne de Louis XI, n'avait pas grande valeur, son père obtint facilement pour lui des lettres de grâce et de rémission. Ses études terminées, messire Louis habita successivement le château d'Ecouen et le château de la Chasse, et il passait son temps à se promener dans les environs. Au bout de quelques mois de ces promenades, le pays était devenu inhabitable: les marchands étaient pillés, les manants battus et les femmes enlevées; les deux châteaux paternels étaient devenus de vrais sérails. Nécessairement la belle-mère, Madame de Montmorency, jeta les hauts cris; M. de Montmorency ne voulut pas être en reste, et il vint un beau matin mettre le siége devant le château de la Chasse où résidait alors son fils. Ce dernier ne tenta nullement de résister; il s'enfuit immédiatement au château d'Ecouen, ramassa un prêtre en route, et, aussitôt arrivé, épousa une de ses nombreuses sultanes, afin de faire une bonne mésalliance qui fit bien enrager sa famille; et comme le baron s'apprêtait à le rejoindre, il sauta à cheval, prit sa femme en croupe et gagna les Flandres, le tout à la grande joie du jeune Guillaume, qui, de simple cadet qu'il devait être, se voyait arrivé à la brillante position de seul héritier des terres et baronnies de la maison de Montmorency. Quelques années après tous ces événements, le baron de Montmorency sollicita et obtint de Louis XI l'honneur de le recevoir quelques jours dans un de ses domaines, et comme le roi était chasseur, il ne crut pas pouvoir lui choisir une plus agréable demeure que le château de la Chasse.
Amelgardus, dans son Histoire de Louis XI, nous a conservé le récit de ce qui s'y passa, et si ce qu'il raconte est vrai, le pauvre baron dut regretter plus d'une fois d'avoir attiré le roi chez lui. Il paraît donc qu'au nombre des divertissements offerts au roi, il y eut plusieurs grandes chasses où nombre de bêles à poil et à plume furent capturées au moyen d'engins de toute espèce; il va sans dire que ce fut Louis XI qui eut les honneurs de la chasse, car il est de tradition en France que les souverains, même les plus maladroits, sont toujours les plus heureux chasseurs. Louis XI se livra avec ardeur aux nobles exercices de la vénerie qu'il aimait fort; puis, le jour de son départ, il pria le baron de Montmorency de réunir dans la cour du château de la Chasse tout ce qu'il avait en armes, piéges, filets, etc. Le baron, avec l'amour-propre inhérent à tout propriétaire, fit apporter immédiatement tout ce qu'il en possédait, sans omettre la moindre chose; alors le roi y fit tranquillement mettre le feu, puis, quand tout fut consumé, il s'en alla après avoir remercié Guillaume de Montmorency de son aimable hospitalité. Le malheureux Guillaume avait oublié un édit qui n'était pas toujours bien exécuté, édit qui réservait au roi de France la chasse dans toutes les forêts, et qui défendait à tout le monde, même aux gentilshommes, de détenir aucune espèce d'armes ou d'engins servant en vénerie. Or, on connaît le fameux axiome, qui est vieux comme le monde: "Nul n'est censé ignorer la loi". Le baron de Montmorency n'avait donc rien à dire; de plus, il était trèsambitieux, il rit.
Nous retrouvons le nom du château de la Chasse-Momay dans une chronique de 1522. Un des fils cadets du connétable de Montmorency, le sire de la Rochepot, capitaine de cent hommes d'armes, fut chargé par le roi François 1er d'aller avec sa compagnie tenir garnison dans le duché paternel, afin d'en chasser les mauvais garçons, truands, gens de guerre, etc., qui, attirés par le voisinage de Paris et la richesse des villages environnants, y avaient élu domicile au grand détriment des honnêtes gens. Ce fut au plus épais du bois, au château de la Chasse, que le sire de la Rochepot établit son quartier général. Il commença, avant toutes choses, par faire construire sur toutes les routes, de distance en distance, de grands gibets bien solides; puis il s'occupa de les garnir, ce qui fut très vite fait, le gibier de potence n'étant pas rare au XVIe siècle. Du reste, ces pendaisons produisirent le meilleur effet; le calme et la prospérité se rétablirent dans le pays de Montmorency, et le sire de la Rochepot quitta le château de la Chasse pour aller exercer autre part ses talents de pacificateur. Dès lors, le château de la Chasse tomba au rang de pavillon de repos; il était trop près d'Ecouen, dont l'architecture gracieuse et la position agréable plaisaient plus à la famille de Montmorency que les vieux murs et les sombres étangs du manoir féodal de la Chasse-Momay. Compris plus tard dans le duché d'Enghien, qui remplaça l'antique duché de Montmorency, ce château servit de simple rendez-vous aux princes de Condé. Cependant M. le Duc, le fils du grand Condé, y fît faire quelques réparations; il y passa même plusieurs jours à différentes reprises, et le château de la Chasse est sur la liste des résidences où le fils du vainqueur de Rocroy voulait qu'on lui tint chaque soir un dîner tout préparé; il est vrai que ces dîners n'entraînaient pas grande dépense, car ils consistaient tous en un potage et un demi poulet rôti sur une croûte de pain.
A la révolution, le château de la Chasse fut confisqué avec le reste de la forêt, puis il fut compris dans l'apanage que Napoléon 1er découpa tant bien que mal pour sa belle-soeur la reine Hortense dans les bois de Montmorency, après s'être arrangé de manière que le dernier héritier de la maison de Condé, le duc d'Enghien, ne pût jamais rien réclamer, ici-bas du moins. L'aimable reine de Hollande se plaisait extrêmement à Saint-Leu, et le château de la Chasse était le but favori de ses promenades. Louis XVIII, lors de la première Restauration, laissa la duchesse de Saint-Leu en possession de son domaine; mais après les Cent-Jours, auxquels la reine Hortense avait pris une part active, les ministres demandèrent son expulsion, et le prince de Condé rentra en possession des bois et des terres de ses ancêtres. Ce fut le beau moment de la forêt; Louis de Bourbon-Condé était un véritable prince, et le pays de Rémollée put croire un instant qu'on était revenu au temps des grands connétables. Mais hélas l'illusion ne dura pas: un crime ou un suicide mit fin à la vie du prince; un matin, on le trouva pendu dans sa chambre, et l'opinion de tout Saint-Leu fut qu'un horrible attentat venait d'être commis. Depuis ce moment, tout fut fini pour le pays de Rémollée: plus de chasses éclatantes, plus de bienfaits cachés. La légataire du prince, Madame de Feuchères, mal vue dans la contrée, n'osa guère y résider; le château de Saint-Leu fut abattu, le château de la Chasse abandonné, et il ne reste plus rien qui rappelle la présence dans ce pays de la première maison de France, si ce n'est une croix élevée à la mémoire du dernier prince de Condé. Ne serait-il pas juste de faire pour le fils ce qu'on a fait pour le père, et d'ériger en l'honneur de l'infortuné duc d'Enghien, sur ces terres qui auraient dû lui appartenir, un monument expiatoire? (1)

Éléments protégés MH : le château de la Chasse, dans la forêt de Montmorency : inscription par arrêté du 19 août 1933 (2)

château de la Chasse 95390 Saint-Prix, en 1900 le château n’est plus qu’une simple ferme en piteux état. Il sera acquis par l’État en 1971 et restauré à partir de 1980, dans la forêt de Montmorency, des expositions et animations y sont organisées.

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(1)   Les Chroniques des pays Rémollée et de Thor par Lucien Double avocat à la Cour impériale de Paris. Nouvelle Edition Revue et Augmentée. Typographie de Ch. Meyrueis, 13 Rue Cujjas, Paris (1869)
(2)
  
 source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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