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Un premier édifice fortifié fut certainement
construit dès la fondation du village ou peu de temps après. La carence
complète de la documentation ne nous permet pas d'en supputer ni
l'importance, ni la disposition. Dégradations, restaurations,
reconstructions, changements d'affectation Les premières informations sont
contenues dans la grande transaction passée entre le seigneur Hugues de Riez
et les habitants de La Bastide-des-Jourdans en 1388 1. La défense figure, à
cette date, au nombre des soucis les plus impérieux des bastidans, qui ont
récemment et à grands frais fait élever un mur d'enceinte autour de leur
village. Le seigneur, pour sa part, manifeste quelque inquiétude pour son
château, qui sert de refuge à la partie (un tiers environ) de la population
ne trouvant pas de place dans le village fortifié en cas de danger, et dont
plusieurs corps de bâtiment ont grand besoin de réparations: certains sont
sans doute proches de la ruine, car les habitants en dérobent les matériaux.
En outre, Hugues de Riez réclame de la communauté le service du guet sur son
château en temps de guerre, offrant pour cela de nourrir à ses frais les
guetteurs; il n'obtiendra sur ce point, au terme de la transaction, aucune
satisfaction, pas plus d'ailleurs qu'en ce qui concerne les réparations. La
seconde transaction, passée en 1428 entre Guillaume de Riez et les
habitants, ne concerne en rien l'édifice.
L'acte est passé dans la grande salle du château, où sont réunis les hommes
de La Bastide-des-Jourdans, salle également appelée "chambre neuve". La
pièce parait être de grandes dimensions, puisqu'elle contient les 32
personnages mentionnés dans l'acte. Quant à la qualification de neuve, elle
para!t impliquer une construction relativement récente. Le nombre et la
disposition des pièces semblent avoir peu varié lorsque, au mois d'avril
1555, est dressé l'inventaire du mobilier (séquestré), qui se répartit
ainsi: une pièce dite "chambre vieille" contenant des lits, une table
recouverte d'un tapis vert, deux chaises et deux tabourets, un buffet et une
paire de chenets (ce qui suppose l'existence d'une cheminée); une cuisine
meublée d'un buffet, deux mastres et un coffre renfermant divers ustensiles
de cuisine et un lot assez important de vaisselle d'étain; une autre pièce
dite "salestre", garnie d'une table et d'un banc-coffre; une chambre
contiguë à la cuisine, où se trouvent un lit, un buffet et un coffre; une
grande salle contenant deux tables, un banc-coffre et un banc de bois blanc;
une étable avec grenier à foin, poulailler et deux cuve à vin. Un autre
document de la même année nous apprend l'existence d'un grenier et d'une
pièce voûtée sous la cuisine qui servent à entreposer les récoltes. D'après
cette énumération se dessine l'image d'un édifice assez pauvre et qui semble
avoir conservé sa structure et ses dimensions médiévales.
L'avènement de Claude Corriolis deux ans auparavant, en 1553, avait
cependant marqué le début d'une campagne de rénovation et d'agrandissement
du château. Par acte du 22 juillet 1556, Claude Corriolis passe commande
d'un millier de malons de terre cuite vernissée à un tuilier de Beaumont,
Guillaume Bochongne: les malons sont carrés de un pan de côté. Trois mois
plus tard, il fait exécuter par un menuisier de Manosque un meuble à tiroirs
pour garnir son cabinet, aménagé dans la tour carrée. Cette dernière existe
donc déjà à cette date. Il est probable que des travaux ont été commandés et
sont encore en cours en 1556, car on note, dans l'acte du 22 juillet 1556,
la présence comme témoin d'un gipier (maçon plâtrier) d'Aix, Jean Beguin. En
août 1557, un nouveau prix-fait est passé entre le seigneur et un gipier de
Grambois, Isnard Barrière, pour la construction d'un grenier au-dessus de la
salle voûtée, contiguë au "bardat", située elle-même au-dessus de la "crotte
neuve". Un ensemble d'éléments font ici leur apparition: le "bardat", où
d'ailleurs est passé l'acte, pièce voûtée probablement destinée à la
réception des récoltes du domaine et des redevances en nature, une autre
pièce voûtée à côté de celui-ci, sous laquelle a été aménagée une cave (la
"crotte neuve") et surmontée d'un grenier communiquant avec elle, selon les
termes du prix-fait, par deux lucarnes de deux pans sur trois. C'est pour
l'exécution de ce travail que Claude Corriolis commande, le 5 septembre, 250
setiers de plâtre à Barthélémi et Esprit Reymondon, habitants le bourg.
L'année 1558 est marquée par quelques autres travaux: le 24 août, le même
Isnard Barrière, gipier de Grambois, est chargé de creuser une cave sous le
"bardat", entre la "crotte neuve" et la tour carrée. Un dernier prix-fait,
daté du 20 décembre 1558, confie à maître Isnard Barrière la construction
d'une cheminée dans la chambre du seigneur, contiguë à la grande salle, et
la remise à neuf de la chambre située au-dessus de la cuisine ainsi que des
petits aménagements dans l'étable que le seigneur vient de faire construire.
Des travaux importants eurent lieu par la suite, en particulier au XVIIe
siècle, dont nous n'avons pas trouvé trace. Les Corriolis, parlementaires
aixois, avaient fait du château de La Bastide-des-Jourdans leur résidence
d'été et l'entretinrent soigneusement, semble-t-il, jusqu'à la révolution
12. Au moment de la Révolution, la municipalité ayant repris le procès
commencé en 1664 contre les seigneurs, obtint la confiscation et la vente de
leurs biens; le château, peut-être déjà pillé et saccagé, fut complètement
abandonné. En 1837, le cadastre n'indique déjà plus à son emplacement que
des ruines. Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que l'édifice fut racheté
par un peintre, oncle de l'actuelle propriétaire, qui le releva en partie,
tel qu'on peut le voir aujourd'hui.
Le château est édifié sur un relief allongé d'est en ouest, dégagé au sud
par la dépression de la vallée de l'Eze, au nord par celle du ravin du Bois
qui le contourne à l'ouest pour se jeter dans l'Eze. A l'est, il se raccorde
en pente douce aux collines qui dominent le village. Ce relief naturel a été
aménagé: la partie sommitale a été aplanie en jardin à l'est (terrasse); la
partie occidentale, où sont construits les bâtiments, a été surhaussée par
la construction de deux niveaux de caves; le versant sud, abrupt au-dessus
de l'Eze, a été régularisé en terrasses étagées; quant aux versants ouest et
nord, dominés par l'à-pic des bâtiments, leur pente est plus douce; le
quartier sud du village s'y est construit en éventail au pied du château. Le
contraste est frappant entre les deux faces principales du château: au nord,
ses volumes massifs ont gardé le caractère austère d'une forteresse, atténué
par la forme élancée et harmonieuse de la tour nord-est qu'un effondrement
de la courtine a isolée; au sud, le corps de logis apparaît comme une
demeure bourgeoise perchée au sommet des terrasses. L'entrée principale se
trouve à l'extrémité orientale de la terrasse , à côté de l'ancienne porte
Notre-Dame; un accès secondaire existe dans l'angle sud-ouest où un
escalier, partant de la rue de Grognette, donne accès à la terrasse. Au
sommet de la terrasse supérieure, le corps de logis est un bâtiment moderne
(fin du XIXe siècle); seuls ses murs nord et ouest et les deux étages de
caves sur lesquels il est construit sont des vestiges du château primitif.
Il est renforcé dans l'angle nord-ouest par une tour tronconique. (1)
château de la Bastide des Jourdans 84240 La Bastide-des-Jourdans, propriété
privée, ne se visite pas, visible de l'extérieur.
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