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Le château de Valcreuse s'appelait
anciennement "Le Châtelet ". Il fut construit en 1863 par le médecin Antoine
Bergerault. Né en 1814 à Abilly en Indre-et-Loire, Antoine Bergerault
poursuit ses études de médecine à Paris, où il est diplômé vers 1838. Il se
marie avec Eulalie Decroix, avec qui il eu au moins deux enfants, Georges,
né en 1842, et Claire, en 1844. Les époux finissent par se séparer en 1859.
Avant de s'installer à La Roche-Posay, il était propriétaire du château du
bourg de Mairé de 1843 à 1860. À cette date, il vend ou cède le château de
Mairé et s'installe dans le bourg de Lésigny. Il commence alors à acheter
des terrains à La Roche-Posay, contigus au bord de la Creuse, en vue de la
construction d'une demeure. En 1861, il est autorisé à clôturer sa propriété
nouvellement constituée, alors déjà baptisée "Le Châtelet ". Il peut
prolonger les murs jusqu'à la rivière, à condition d'aménager une porte à
chaque extrémité, près de la Creuse, pour laisser libre accès au chemin de
hallage. Peu de temps après, en 1863, Bergerault fait construire le château
"à grands frais" sur le terrain ainsi clôturé. D'après une description de la
propriété en 1889, le logis comprenait "un sous-sol divisé en cuisine,
petite salle à manger, chambres de domestiques et caves ; un rez-de-chaussée
composé d'un vestibule, quatre salons et une salle à manger; au premier
étage quatre chambres à coucher et cabinets de toilettes ; au deuxième étage
cinq chambres, grenier au dessus; et des cabinets d'aisance".
Il fait aussi construire une porterie, ou conciergerie, comprenant trois
chambres au rez-de-chaussée, deux chambres au premier étage, un grenier dans
les combles et une cave en sous-sol. En effet, la propriété était aussi
habitée par trois ou quatre domestiques, dont un jardinier et une femme de
chambre pour le médecin, qui pouvaient loger dans ce bâtiment proche du
logis. Le Châtelet comprend aussi une remise, des écuries, une sellerie, des
hangars et un pigeonnier, aujourd'hui disparu. Les parcelles qui entourent
les bâtiments sont dévolues au jardin et à un grand parc d'agrément. Il est
proche des jardins "à l'anglaise ", avec de grandes étendues de pelouse
parsemées de grands arbres solitaires ou en bosquets. Les terres situées
entre le château et le faubourg de l'Arceau étaient plantées de vignes, et
la partie nord fut aménagée en verger et en jardin potager. Antoine
Bergerault, en plus de son activité de médecin, est aussi membre du Conseil
Général de la Vienne. Il y représente le canton de Pleumartin à partir de
1852. Décoré chevalier de la Légion d'honneur, il ne se représente pas aux
élections de 1883, probablement pour raison de santé. Après son décès au
Châtelet en 1888, la propriété échoit à son fils, Georges Bergerault,
résidant à Paris. Ce dernier revend le château un an plus tard pour 40000
francs à Léonie Combier. Elle était la fille du riche fondateur de la
distillerie Combier de Saumur, Jean-Baptiste Combier, célèbre pour avoir
inventé le Triple-Sec.
Le mari de Léonie, Michel Cazal, est originaire de Thionville et a fait
carrière dans l'armée. Il a probablement rencontré son épouse entre 1860 et
1861, une année pendant laquelle il est détaché à l'École de Cavalerie de
Saumur. Entre 1867 et 1868, il travaille à la Manufacture d'Armes de
Châtellerault. Il a aussi participé à plusieurs batailles de la guerre
franco-prussienne de 1870 en tant que chef d'escadron. À La Roche-Posay, il
fut conseiller municipal et président du conseil d'administration de la
Société de l'Établissement Thermal et du Grand Hôtel. C'est entre 1896 et
1901 que le château prend le nom de "Valcreuse". Le couple Cazal n'y réside
pas de manière permanente et se sert de Valcreuse comme une habitation
secondaire. La propriété reste pourtant habitée à l'année par un couple de
domestiques, Auguste Bergeon et Marceline Texier, qui logent probablement
dans la porterie. Entre 1906 et 1911, ils sont remplacés par la famille
Courtault. À la fin de sa vie, Michel Cazal se retire à Valcreuse et y meurt
en 1918. Un an plus tard, la propriété du château passe à l'un des fils de
la famille, Édouard Cazal. Ayant fait son éducation à Saint-Cyr, Édouard
Cazal est lui aussi militaire. Il est même décoré de la croix de guerre et
nommé officier de la Légion d'honneur. En juillet 1914, il prend une
retraite anticipée et séjourne à Valcreuse. Bien qu'il reste Chef de
bataillon, il est mis en " non-activité " pendant toute la Première Guerre
mondiale, ce qui lui permet d'échapper aux combats. Il prend sa retraite
militaire en 1919 juste après avoir atteint le grade de colonel. Grâce à son
mariage avec Marie-Élise de France, avec qui il eu quatre enfants, il se
rapproche du milieu de l'industrie. C'est ainsi qu'il devient directeur
général des faïenceries de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François à
partir de 1920, en succédant à sa belle-famille.
Le 22 juin 1940, le château de Valcreuse subit les bombardements des troupes
allemandes. Lors de cette attaque, l'explosion d'une grenade ou d'une bombe
a endommagé une partie de la façade orientale. Le colonel reste propriétaire
de Valcreuse jusqu'en 1945, date de son décès à La Roche-Posay. Son fils
aîné, Jean Cazal, acquiert le château par succession. Comme ses parents et
grands-parents, il possède plusieurs résidences, notamment à
Neuilly-sur-Seine et à Sarreguemines, et ne se rend à La Roche-Posay que
ponctuellement. Il est lui aussi décoré de la croix de guerre et nommé
officier de la Légion d'honneur suite à ses faits d'armes. Lieutenant
pendant la Première Guerre mondiale, il perdit un bras sur le champ de
bataille. Dès l'année 1922, il est impliqué dans l'administration de la
faïencerie de Sarreguemines et prend finalement la succession de son père en
tant que directeur général de 1940 à 1968. Son fils, Alain Cazal, prend la
relève un an plus tard. Jean Cazal finit sa vie à Sarreguemines où il meurt
en 1971. En 1975, le château est vendu au couple Jean-Luc Jacquemin Sablon,
originaire de Charleville, et Jacqueline Jacquemin Sablon. Ils conservent
Valcreuse au moins jusqu'en 1987. Depuis juillet 2007, le logis du château a
été reconverti en maison d'hôtes pour les touristes venus visiter La
Roche-Posay. Les cheminées, lambris, menuiseries et parquets d'origines ont
été conservés. Au cours du XXe siècle, le bâtiment a peu évolué. Seuls
quelques éléments de décor ont disparu, comme la dentelle de boiserie qui
ornait les fermes débordantes des façades, ainsi qu'un décor de rocaille au
pied de la façade orientale, encore visible sur certaines cartes postales du
début du XXe siècle.
Le château est construit selon un plan rectangulaire symétrique, sa façade
principale étant orientée à l'ouest. Le bâtiment s'élève sur trois niveaux à
l'ouest et quatre niveaux à l'est, dont un sous-sol, un rez-de-chaussée, un
étage carré et un étage de combles. Les façades occidentale et orientale
sont organisées selon un ordonnancement à trois travées, dont la symétrie
n'est rompue qu'au dernier niveau. En effet, la partie gauche du bâtiment
présente un pignon, alors que la partie centrale est couverte d'une terrasse
et la partie droite d'un toit à croupes. L'architecte du château a voulu
clairement distinguer les trois travées des élévations ouest et est. La
travée centrale, construite en pierre de taille calcaire, tranche par sa
couleur claire par rapport aux travées extérieures maçonnées en brique.
L'alternance de briques claires et de briques foncées créée des motifs en
forme de losanges aplatis. De plus, les trois travées sont séparées par des
contreforts en pierre de taille calcaire. Le léger retrait de la travée
centrale par rapport aux deux autres accentue encore d'avantage la
distinction des parties de la façade. L'élévation ouest présente un solin en
pierre de taille calcaire. Le mur du rez-de-chaussée est ajouré par trois
ensemble de trois baies jumelées, un sur chaque travée, ceux des travées
extérieures étant similaires. La porte principale, située au centre de la
façade, est couverte d'un arc en plein cintre, de même que les deux fenêtres
qui l'encadrent. Le tout est situé en-dessous d'une grande archivolte en
forme d'arc en anse de panier.
Pour les travées extérieures, l'architecte a opté pour trois fenêtres
jumelées, couvertes par des arcs en plein cintre à réseau d'intrados
polylobé, formant une succession de petits demi-cercles concaves. La baie
centrale est légèrement plus large et plus haute que les deux autres qui
l'encadrent. Là encore une archivolte couronne les fenêtres. Elle présente
une forme d'accolade, agrémentée d'ornements feuillagés, s'appuyant aux
extrémités sur des culots anthropomorphes. Chacun des visages sculptés est
unique. L'étage est séparé du rez-de-chaussée par un cordon qui règne sur
toute l'élévation. Il est composé d'une moulure en doucine et d'un réglet
saillant. Comme pour le rez-de-chaussée, trois ensembles de trois baies
jumelées éclairent l'étage. Sur la travée centrale, les trois fenêtres sont
identiques: elle sont couvertes par des arcs en anse de panier décorés
d'accolades. Elles présentent toutes des chanfreins à congés. Une archivolte
couvre les trois baies et reprend le motif d'accolade à l'aplomb de chacune
d'entre elles. Le décor des fenêtres des travées extérieures est plus
complexe. La baie centrale est couverte de deux arcs brisés jumelés, à
intrados trilobés. Ces deux arcs se rejoignent en une retombée pendante à
ornements feuillagés. Les deux fenêtres encadrant le tout sont elles aussi
couvertes par des arcs brisés à réseau d'intrados trilobé. Chacune des trois
fenêtres est couronnée d'un gâble en accolade dont la pointe est ornée d'une
crosse végétale. Les allèges des baies des travées extérieures portent un
décor de petites arcatures aveugles à arcs trilobés.
Le dernier niveau est le plus hétérogène d'entre tous. La travée gauche
présente un pignon couvert à ferme débordante. Cette dernière est supportée
par des aisseliers en bois sculptés s'appuyant sur la façade. Le pignon,
seule partie enduite de l'édifice, est ajouré par un ensemble de trois
baies, une porte-fenêtre encadrée de deux fenêtres. Elles sont toutes trois
couvertes par des arcs brisés et surmontées de trois gâbles en accolades
décorés d'ornements feuillagés. La porte-fenêtre débouche sur un balcon
supporté par quatre consoles et clos par un garde-corps ajouré. La partie
centrale de la toiture est couverte en plaques de zinc et fait office de
terrasse. Elle est protégée par un garde-corps ajouré du même motif que
celui des balcons. La travée droite de l'élévation ouest se termine par une
corniche. L'étage de comble est éclairé par une lucarne couverte par un arc
brisé à réseau d'intrados formant deux arcs jumelés trilobés. Le tympan
ainsi formé est décoré d'un quadrilobe. La travée droite est couverte par un
toit à long pans présentant un important coyau. Hormis les terrasses en
zinc, le bâtiment est couvert en ardoises. Plusieurs épis de faîtages en
métal couronnent la toiture en plusieurs endroits: au sommet des pignons et
des croupes est et ouest et sur les lucarnes. Ils sont tous ornés de fleurs
et de feuillages, ainsi que de petites bannières pour ceux étant placés sur
les pignons. Les souches de cheminées sont maçonnée en alternant quatre
assises de briques claires et trois assises de briques foncées. Elles sont
fixées à la toiture par un système d'ancrage en métal. Elles portent un
décor en partie haute, sous la forme de sillons verticaux. Elles se
terminent par une corniche en pierre calcaire décorée de denticules.
L'élévation orientale présente peu de différences par rapport à la façade
ouest. Au rez-de-chaussée, la déclivité du terrain révèle un solin bâti en
moellons de pierre meulière. Elle est ouverte sur l'extérieur par trois
portes-fenêtres couvertes d'arcs déprimés. De plus, la travée centrale du
premier étage, correspondant au rez-de-chaussée de l'élévation ouest, n'est
ajourée que d'une seule fenêtre couverte en plein cintre à réseau d'intrados
polylobé. Les élévations nord et sud sont aussi très similaires. Elles
présentent deux terrasses carrées de petite dimension accessibles depuis
l'étage. Un escalier en vis s'étend sur toute la hauteur de l'élévation nord
et faisait office d'escalier de service. Il est ainsi le seul à desservir
les caves et les combles du logis. Le grand escalier du vestibule permet
d'accéder au premier étage. Il présente une première volée de marches,
menant à un repos duquel partent volées à retour. La main-courante est
décorée de motifs trilobés néogothiques. Les lambris, les parquets et les
cheminées ont aussi été conservés.
D'autres bâtiments font partie du domaine de Valcreuse. Au nord-ouest du
logis, accolé au bord de la route de Lésigny, un logement à étage servait de
conciergerie. Sa façade principale, orientée au sud, présente un
ordonnancement en trois travées d'ouvertures. Chaque fenêtre possède un
trumeau en pierre divisant la baie en deux parties. Les piédroits des
ouvertures et les chaînages d'angles sont formés par l'alternance d'assise
de brique et de bloc calcaire. Un peu plus au nord, une grange-étable est
surmontée d'un fenil ou d'un séchoir. L'arrière du bâtiment était utilisée
en tant que cellier. L'exploitation viticole y a laissé des traces: le
pressoir a été conservé, ainsi qu'une cuve en béton sur laquelle sont
inscrites les dates de 1898 et 1904. Un petit four était aussi situé sous le
porche de cette grange-étable. Ce bâtiment est accolé au nord à deux granges
ayant leurs ouvertures sur le mur-pignon. Un hangar en appentis est appuyé
contre elles et présente plusieurs pièces de charpentes moisées. Une étable
forme une petite cour avec la grange-étable et la conciergerie. (1)
château de Valcreuse, route de Lésigny, 86270 La Roche-Posay, tel. 05 49 20
24 85, location cinq chambres d'hôtes et table d'hôtes sur réservation.
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