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La ville s’est progressivement développée
autour du castrum de Loudun mentionné dans les textes avant l’an mil. Si son
existence dès l’an 800 peut prêter à discussion, la mention qui est attestée
en 926 suffit à faire de ce château l’un des plus anciens du comté de
Poitou. C’est alors le siège d’une viguerie. Vers 975, Geoffroy Grisegonelle,
comte d’Anjou, se soumet au comte de Poitou Guillaume et reçoit de lui en
bénéfice le château de Loudun. On attribue traditionnellement à son fils, le
fameux Foulques Nerra, la construction de la tour carrée aujourd’hui
conservée. En réalité, rien ne permet dans les textes de lui attribuer tout
ou partie du château. Il accorde cependant une attention particulière à
cette place frontière, qui est, de son temps, désigné comme le siège d’un
pagus. La garde en est confiée à un fidèle vassal; on conserve le nom
d’Albéric de Mont-Jean qui, vers 1020, favorise la reconstruction et
l’érection en collégiale de l'église Sainte-Marie et Saint-Léger du château.
Une autre église apparaît également dans le castrum avant la fin du XIe
siècle : le prieuré Notre-Dame, attesté vers 1060. Les historiens du XIXe
siècle ont ajouté également l’église Saint-Pierre du Château, qui aurait été
transférée au XIIIe siècle au cœur de la ville, pour devenir Saint-Pierre du
Marché. Cette dernière hypothèse est débattue aujourd’hui. Les comtes
d’Anjou conservent cette place frontière aux XIe et XIIe siècles. C’est l’un
des points d’appui d’Henri II Plantagenêt dans la seconde moitié du XIIe
siècle. Elle est prise en 1204 par le roi de France Philippe Auguste, qui y
entreprend des travaux de fortification et la construction d’un nouveau
donjon. La châtellenie reste dans le domaine royal jusqu’en 1366, lorsque
Charles V la cède à son frère Louis, duc d’Anjou. Après 1374, celui-ci fait
bâtir contre la tour carrée un palais prestigieux avec des appartements
privés et une grande salle seigneuriale. Il était désigné comme le palais du
roi de Sicile. Loudun revient à la couronne en 1480 à la mort de René
d’Anjou. Sur l’ordre de Louis XIII, à partir de 1622, on rase les
fortifications et les bâtiments du château, on comble les fossés et on
abandonne les églises déjà ruinées. De tout le château de Loudun, seule la
tour carrée est conservée, comme le dernier symbole du pouvoir seigneurial
dans la ville.
La tour carrée de Loudun est le vestige d’un très grand château qui occupait
le sommet de la colline qui domine la ville, sur une surface de plus de
quatre hectares. L’enceinte ovoïde du castrum est encore lisible çà et là,
élevée en petit appareil renforcée ponctuellement par des tourelles rondes.
Depuis les fouilles menées à la fin du 19e siècle, on considère qu’il s’agit
d’une enceinte gallo-romaine, rehaussée et réutilisée au Moyen Âge. Cette
analyse a été nuancée récemment par Luc Bourgeois et Béatrice Favreau, qui
posent l’hypothèse d’une fortification du haut Moyen Âge. Différents
bâtiments ont été fouillés à l’intérieur de l’enceinte ; seule la grande
tour carrée - ou donjon - s’élève encore sur le site. Cette tour maîtresse
n’est pas exactement bâtie sur un plan carré, mais légèrement trapézoïdal
(9,50 à 10,40 m de longueur pour chaque côté). Les relevés d’architecture
réalisés dans les années 1980 montrent clairement une dissymétrie, que l’on
peut expliquer par le fait que cet ouvrage n’a pas été construite ex nihilo
mais a dû s’adapter à des constructions préexistantes. Les fouilles de
Moreau de la Ronde ont clairement mis en évidence que l’édifice est venu se
coller dans l’angle d’un bâtiment déjà imposant. Ce premier édifice, bâti en
moellons, se distingue nettement de la tour carrée élevée en bel appareil de
pierre de taille calcaire. Cet appareil est soigneusement monté par assises,
assemblé à joints fins mais non réglé. L’élévation, qui atteint plus de 30
mètres de hauteur, est rythmée par des contreforts plats. Sur la face nord,
un mur de pierre de taille a été plaqué entre les contreforts, au même nu,
et ce jusqu’au niveau du premier étage. Cet aménagement est ancien puisqu’il
apparaît déjà sur l’ancien cadastre.
Les photographies anciennes sont nombreuses, montrant l’ancien parement de
pierre de taille très érodé, avant des reprises entières des élévations.
Louis Charbonneau-Lassay livre d’ailleurs, en 1915, une série d’observations
archéologiques qui ont manifestement été gommées lors du ravalement des
parements et des restaurations du XXe siècle: une seconde porte, percée pour
mettre en communication la tour et les logis des ducs d’Anjou, les traces
d’arrachements de la voûte en berceau d’une salle basse et celles d’un
système d’échelle donnant accès aux parties hautes de la tour. D’autres
traces sont encore parfaitement lisibles : les niveaux supérieurs de la tour
apparaissent clairement sur planchers. Les lignes horizontales de trous
carrés, qui recevaient les têtes des solives encastrées, en témoignent. Ces
solives reposaient sur des sablières installées dans une saignée du mur.
Plusieurs d’entre elles sont encore conservées. Les parties hautes de la
tour présentent des traces particulièrement intéressantes des
superstructures la couronnant. Le sommet a été récemment modifié, et le
parapet arasé et bétonné. D’anciens clichés le montrent cependant percé de
trous carrés régulièrement espacés, correspondant à un niveau de hourds.
Pour Louis Charbonneau-Lassay, ces trous auraient été réalisés a posteriori
dans le muret ménagé en léger retrait. Il n’est plus possible de le
vérifier.
En revanche, on distingue encore très bien les vestiges des chéneaux de la
construction originelle. À l’extérieur comme à l’intérieur, des arases
formées de dalles de grès brun vert à ciment siliceux signalent le
dispositif qui se situe bien au-dessous de la tête ruinée des contreforts.
Il n’est donc pas nécessaire de grimper sur la tête des murs pour observer
la marque de la pose de la toiture. Elle apparaît aux deux tiers de la
hauteur, sur l’élévation interne, à cinq ou six mètres du sommet. Les eaux
de pluie étaient recueillies et évacuées à ce niveau par des dalles, des
chéneaux et des gargouilles traversant les murs. La toiture était posée
directement sur la tête du mur, sans la recouvrir entièrement, et
disparaissait entièrement derrière le parapet surélevé de plusieurs mètres
et portant le chemin de ronde. De l’extérieur, elle n’était donc absolument
pas visible. La tour carrée est étonnamment vide et impropre à tout usage
résidentiel. Les parements ne sont percés que de rares fentes de jours, et
il n’existe ni cheminée ni latrines. Le volume intérieur est étroit et sans
doute très sombre jusqu’à la toiture. L’accès se faisait par la porte percée
sur la face nord, à plusieurs mètres de hauteur ; elle était sans doute
desservie par une passerelle ou un avant-corps. Quant à l’accès percé au
pied de la tour, il a sans doute été aménagé au XVIIIe ou au début du XIXe
siècle. Les caractéristiques générales de la tour carrée permettent sans
hésitation de la rattacher à la famille des donjons romans des X Ie-XIIe
siècle en France. Elle est traditionnellement attribuée à Foulques Nerra,
comte d’Anjou et seigneur de Loudun de 987 à 1040. Son architecture ne
contredit pas une telle attribution, mais les éléments datant font défaut.
La qualité de sa construction, en bel appareil de pierre de taille, et sa
grande élévation témoignent en tout cas d’une affirmation ostentatoire du
pouvoir comtal.
Éléments protégés MH : le donjon en totalité : classement par arrêté du 14
juillet 1877.
château de Loudun 86200 Loudun, tél. 05 49 98 15 96, actuellement la
Tour Carrée est fermée aux visites, mais le jardin d'inspiration médiévale,
au pied de la tour, reste accessible au public.
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