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Par ses dimensions, son style architectural, son état de
conservation et son histoire, le château de Rocreuse est l'un des édifices
les plus singuliers de l'aire d'étude des Vals de Gartempe et Creuse.
Construit en 1875 et habité pendant plus d'un demi-siècle par Ludovic Véneau,
maire et bienfaiteur de la commune de Mairé, il est un digne représentant
des grandes demeures bâties par des notables ruraux au XIXe siècle et au
début du XXe siècle. Son architecture néo-gothique évoque la mode qui se
développe pour ce style en France au cours du XIXe siècle. Charles
Soultzener, propriétaire du château de Mairé dans la deuxième moitié du XIXe
siècle, possède un terrain surplombant la Creuse situé au nord du bourg. Sur
cette grande parcelle boisée, il décide de faire construire un château, une
ferme et ses dépendances, le tout entouré d'un grand parc. C'est le
beau-fils de Charles Soultzener, Ludovic Véneau, qui dirige les travaux de
construction. La nouvelle demeure, construite dans un style néo-gothique et
néo-rennaissance, est inspirée du château de Bussière à Loches, bien que
Rocreuse soit de plus grandes dimensions. Une fois les travaux terminés,
Ludovic Véneau et sa femme, Marie Frasquita Soultzener, s'installent à
Rocreuse avec leurs deux filles, Marguerite et Madeleine. Cette dernière
épouse le comte Jacques du Val d'Épremesnil avec qui elle a plusieurs
enfants. L'un d'entre eux, Richard du Val d'Épremesnil, vient habiter à
Rocreuse avec sa famille après le décès de Ludovic Véneau en 1931. Adeline,
épouse de Richard et originaire de Washington aux États-Unis, joue un rôle
dans la modernisation du château et remet les cuisines et les salles de
bains au goût du jour. En 1946, les Val d'Épremesnil se séparent finalement
du château familial. Il est alors vendu à la famille Carrot-Dulac,
originaire de Saint-Étienne. Leurs descendants en sont toujours les
propriétaires à l'heure actuelle. De nombreuses familles employées par les
propriétaires ont résidé à Rocreuse depuis sa construction. Ainsi, en 1891,
le domaine est habité par un valet et une femme de chambre, deux jardiniers,
un cocher, une cuisinière, deux lingères, deux domestiques, une couturière,
deux portières et un garde particulier, en plus de la famille Véneau. Cette
époque marque l'âge d'or du château de Rocreuse, immortalisé par de
nombreuses cartes postales. Après le début du XXe siècle, les domestiques se
font de moins en moins nombreux et le château n'est plus habité à l'année.
Le château de Rocreuse est construit en pierre calcaire enduite et couvert
d'ardoise. Il est situé au nord-ouest du bourg sur un promontoire rocheux
dominant la Creuse. La propriété est accessible par deux points d'entrées:
l'un du côté de la forêt de la Groie, qui est l'accès principal, et l'autre
par la Taille aux Loups. Avec le logis du château, un pavillon d'entrée a
été construit près de l'entrée principale pour en surveiller l'accès et
servir de maison au gardien. Elle aussi est construite dans un style
néo-gothique, comme en témoignent des larmiers couvrant les fenêtres ainsi
qu'une fenêtre à traverse sur le pignon. Un four à pain est visible à
proximité de la maison de garde. Le logis du château est situé au bout d'une
grande allée droite autrefois plantée d'arbres. Il présente un plan en U
avec un grand corps de bâtiment central flanqué de deux ailes en retour
d'équerre vers le sud-ouest. Ces deux ailes sont plus élevées que le corps
de logis : elles sont construites sur deux étages et un étage de comble,
alors que le corps de logis n'a qu'un étage et un étage de comble. L'entrée
du corps de logis se trouve sur l'élévation sud-ouest. Un escalier droit à
trois pans sert de perron pour accéder à la porte d'entrée métallique. Elle
prend place dans une arcade, constituée de cinq baies couvertes d'arcs en
anse de panier, reposants sur des colonnes engagées. Celles-ci sont toutes
décorées de chapiteaux sculptés dont l'ornementation est unique à chacun
mais qui reprend des sujets liés à la nature. En effet, comme la plupart des
chapiteaux et des culots sculptés du châteaux, ils présentent un décor
végétal et animalier, notamment des feuilles de chênes, de choux, des
vignes, des chardons, etc.
Sur l'élévation sud-ouest, un cordon saillant en pierre matérialise la
séparation entre le rez-de-chaussée et l'étage. Il est interrompu en son
centre, à l'aplomb de la porte principale, par une statue reposant sur un
culot en pierre. Cette statue métallique représente un chevalier en armure
en contrapposto, le heaume fermé, avec la main droite placée dans son dos et
la main gauche tenant une lance posée au sol. Cette statue date probablement
de la construction du château et renforce l'évocation du Moyen Âge déjà
évidente dans l'architecture de l'édifice. Les trois fenêtres à croisées de
l'étage sont couvertes par des larmiers en pierre reposant sur des culots
sculptés. Ils sont décorés de représentations d'oiseaux, de dragons et
d'autres créatures fantastiques ailées. Une frise sculptée d'arcs trilobés,
située sous la corniche, règne sur toute l'élévation. Elle se retrouve sur
la plupart des élévation du château. L'étage de comble est éclairé par trois
lucarnes à croisée à gables dont les rampants portent des crochets sculptés.
Un pavillon de style néo-renaissance fait la jonction entre l'élévation
sud-ouest du logis et l'aile nord et accueille un escalier droit conduisant
aux étages. Il est éclairé par plusieurs baies oblongues couvertes d'arcs en
plein cintre dont les trumeaux portent des pilastres. Les chapiteaux de ces
pilastres sont tous uniques par leur décor, fait de volutes, d'angelots, de
créatures ailées et de visages barbus. Au-dessus, une frise de fleurs
circonscrites dans des losanges et des médaillons est elle-même surmontées
par une seconde frise d'ornements évoquant des balustres. Ce dernier motif
est copié du château de Bussière mais ce retrouve aussi au château de Posay,
construit en 1878 et donc contemporain de Rocreuse. Le pavillon est couvert
par un toit en ardoises et décoré par une crête de toit et des épis de
faîtage en zinc.
La circulation intérieure était facilitée par un grand escalier en vis logé
dans une tourelle octogonale. Située entre l'élévation sud-ouest du corps de
logis et l'élévation nord-ouest de l'aile sud, elle est accessible depuis
l'extérieur par une porte couverte d'un arc en anse de panier et un arc en
accolade. Il s'agissait probablement d'un escalier de service permettant aux
domestiques d'accéder facilement à tous les niveaux du logis. Sur
l'élévation nord-est, en direction de la Creuse, l'intérieur du logis est
éclairé par cinq travées de fenêtres et de lucarnes reparties sur trois
niveaux. Les baies à croisée sont similaires à la façade antérieure, avec un
couvrement en plate-bande et un larmier saillant reposant sur des culots
sculptés. Là aussi, un cordon en pierre sépare le rez-de-chaussée et
l'étage. Au niveau du rez-de-chaussée, une terrasse surélevée, reposant sur
trois arches, est accessible par des escaliers droits de chaque côté. Elle
était éclairée par deux grandes lanternes métalliques accrochées à la
façade. Le garde-corps de la terrasse présente un décor sculpté composé de
formes polylobées similaire aux remplage de pierre des fenêtres gothiques.
L'élévation nord-est est aussi flanquée de deux tourelles circulaires
montant de fonds. Munies de faux mâchicoulis, elles rappellent
l'architecture défensive du Moyen Âge. L'aile sud forme un pavillon de plan
rectangulaire, accolé au sud du corps de logis et couverte par un toit à
croupes. Les élévations sud-est, nord-ouest et nord-est sont éclairées par
des fenêtres à croisée ou à traverse et reparties sur une, deux ou trois
travées. Seule l'élévation sud-ouest est aveugle. Sur cette façade, de part
et d'autre de la croupe du toit, deux tourelles circulaires appuyées sur les
contre-forts s'élèvent entre le deuxième étage et les combles. Une horloge a
été installée sous un petit toit à deux versants, à la manière d'une
lucarne. Une troisième tourelle semblable aux deux prétendantes repose sur
le contrefort sud-est de l'aile sud. Les combles sont éclairés par des
lucarnes à gables sur les élévations sud-est et nord-ouest.
L'aile nord est formée de deux entités: l'aile à proprement parlée, couverte
par un toit à croupe, et un pavillon d'angle accolé à la précédente vers le
sud-ouest, lui-même couvert par un toit à croupe. Le chevet de la chapelle
particulière du château est visible sur l'élévation nord-ouest de l'aile
nord. Située à l'étage, elle est éclairée par trois grandes baies de style
néo-gothiques avec leur remplage et leur arc brisé. Sur les trumeaux de ces
fenêtres, des contreforts en pierre de taille reposent sur des culots
sculptés. Sur la même élévation, au rez-de-chaussée et à proximité des
cuisines, une petite cloche est fixée à une potence métallique. Elle porte
la mention "Bollée et ses fils fondeurs au Mans, 1875, Rocreuse". Au niveau
du pavillon d'angle, deux tourelles carrées encadrent l'élévation sud-ouest.
Avec les consoles de pierre qui les supportent, elles imitent les bretèches
qui défendait les châteaux médiévaux. À proximité de l'aile nord, un puits
en pierre de plan octogonal a conservé sa potence métallique. Elle semble
contemporaine de la construction du château puisqu'elle emploie un style
néo-gothique avec son arc en accolade et ses crochets en forme de feuille de
chou. (1)
château de Rocreuse 86270 Mairé, propriété privée, ne se visite pas.
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