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Montreuil-Bonnin est au
début du XIe siècle une des places tenues directement par le comte de
Poitou. En 1029, un accord est signé dans ce château entre Guillaume le
Grand et Hugues IV Le Brun de Lusignan. Il occupe peut-être dès cette époque
le rebord du plateau qui domine la vallée de la Boivre et le village, car la
construction de l'église Saint-André est située vers 1085 sous les murs du
château. À la fin du XIIe siècle, Montreuil-Bonnin reste dans le domaine du
comte Richard, qui y vient souvent chasser si l’on en croit les chroniques.
La châtellenie est administrée par un prévôt en 1189. Richard est encore
mentionné comme seigneur de Montreuil en 1194. En 1197, il donne le château
à son neveu Othon de Bavière, qu’il fait comte de Poitou. Devenu empereur,
ce dernier restitue le comté et ses châteaux. On ne conserve pas de mention
de la prise de Montreuil-Bonnin en 1204, mais il apparaît dans la liste des
châteaux du roi de France. Philippe Auguste le donne à un fidèle, Bouchard
de Marly, et en 1225, le château est toujours sous la garde d'un châtelain
gagé par Bouchard, qui est qualifié de "seigneur de Marli et de Montreuil".
En 1230, le roi de France donne le château à Hugues de Lusignan. La comtesse
de la Marche mentionne son château de Montreuil inféodé à Pierre de Marly,
fils de Bouchard. Ce dernier tient encore Montreuil en décembre 1232. En
1235, la grosse tour du château sert de prison, comme l'indique une
inscription datée, gravée au-dessus de la porte.
Le château relève toujours d’Hugues de Lusignan, comte de la Marche, en
juillet 1241. Alors qu'il rend hommage au comte de Poitou pour Saintes et
pour ses terres et forteresses de Poitou, il s'engage à ne pas fortifier
Montreuil-Bonnin sans l'accord du comte. Hugues de Lusignan respecta-t-il
son engagement ? Quoiqu'il en soit, assiégée en 1242, Montreuil-Bonnin est
l’une des premières places enlevées par le roi de France au comte de la
Marche. Guillaume de Nangis raconte comment Louis IX "assist prumièrement un
chatel que len nomme Mousteruel en Gastine et le prit en poi de jours par sa
force". Confisqué aux Lusignan, le château reste dans le domaine du comte
Alphonse, frère du roi, qui y entreprend des travaux entre 1245 et 1259. En
1346, le comte de Derby incendie le château et tue les ouvriers de l’atelier
monétaire qui y était installé. Montreuil-Bonnin est repris par Bertrand du
Guesclin qui le cède à Jean, duc de Berry et comte de Poitou. Il passe en
1423 au capitaine écossais Laurent Vernon. De nouvelles restaurations sont
mentionnées en 1465. La place est assiégée en 1593; Félix du Puis-Vaillant
précise qu'une brèche est ouverte au pied de la grosse tour par trois
canons, mais que "là se trouvait une galerie protégée par deux fauconneaux".
On n'en trouve pas trace aujourd'hui. À la Révolution, le château est vendu,
les charpentes, les merlons, et la partie la plus ancienne du logis sont
détruits.
Le château de Montreuil-Bonnin est élevé sur le rebord d’un plateau peu
escarpé dominant la vallée de la Boivre et le bourg. Il présente une
enceinte presque rectangulaire de près de cent mètres de longueur, sur
environ cinquante mètres de largeur. Elle est flanquée, aux angles, de tours
rondes, de cinq à six mètres de diamètre. Le front ouest forme une légère
avancée, enfermant le donjon qui domine la place. Une cinquième tour, ronde
et pleine (cinq mètres de diamètre), renforce la muraille au-devant du
donjon. De larges fossés taillés dans le rocher isolent l’enceinte, y
compris sur le front sud, précédant l'escarpement, vers le village. Les
bancs de pierre sont restés nus, sauf au pied de la tour sud-ouest, dont la
base est assise en fond de fossé, revêtant l’escarpe, mais sans talus.
L'ensemble du château est élevé en moyen appareil de calcaire. L’épaisseur
de la muraille est apparemment constante sur les fronts ouest et nord, mais
diminue considérablement au sud et à l’est, révélant des reprises. Le chemin
de ronde, que l’on devine encore sous la végétation au sommet des murs,
était accessible par des escaliers droits à ciel ouvert, longeant les
courtines aux angles du château. La tour d’angle sud-ouest et celle de
l’angle nord-est ont été clairement reconstruites en moellons sur des bases
plus anciennes. Cette reconstruction n’est pas antérieure au XVe siècle,
comme en témoignent les ouvertures de tir. Les dispositions originelles de
ces tours sont peu lisibles.
La tour-porte ronde qui marque l’angle sud-est de l’enceinte conserve deux
niveaux. Au premier niveau, une salle de plan circulaire s’ouvre de plain
pied sur la cour par une porte qui a été entièrement refaite. La voûte de la
salle, en coupole assisée de pierres de taille, semble d’origine. Elle
possède une seconde porte, qui s’ouvre vers les fossés, accessible grâce à
un pont porté par une pile de pierre et des culées qui sont encore
conservées. Cette porte rectangulaire ne conserve pas de trace du système de
fermeture. La tour possède un second niveau, accessible depuis l’escalier
extérieur qui donne accès au chemin de ronde. Cette salle haute a été arasée
au niveau des ouvertures, qui toutes ont été éventrées. Il pourrait s’agir
d'archères. L'entrée principale du château s'ouvre au milieu du front nord,
dans un châtelet de plan rectangulaire. En façade, la porte est encadrée de
deux tourelles rondes et pleines. Avec sa porte piétonne, et les rainures
permettant d'encastrer les flèches du pont-levis, cette façade semble
entièrement rapportée au devant d’une porte plus ancienne. Le passage
d’origine n’étant pas assez large, on a dû ménager l’accès à la porte
piétonne dans l’épaisseur du mur, en arrière de la tourelle. Le passage est
voûté en berceau, avec une corniche. L'accès était défendu par un
pont-levis, et des vantaux de bois qui pivotaient sur des gonds fixés dans
une poutre haute, horizontale.
Depuis l’entrée, la voûte est percée d’un assommoir carré, puis d’un
assommoir plus large. Entre les deux glissait la herse, située à 3,90
mètres. En arrière de l’entrée. Un troisième assommoir est ménagé vers la
cour. De part et d’autre du passage existe un petit réduit voûté en berceau
desservant une archère sous une voussure en plein cintre. La porte d’accès à
chacun de ces réduits s’ouvre directement sur la cour, sous un arc en plein
cintre. La partie arrière du châtelet apparaît ainsi plus ancienne que
l’avant. À l’étage s’ouvre une grande salle rectangulaire, autrefois voûtée,
et à laquelle on accédait probablement par le chemin de ronde de la courtine
voisine. C’était une salle de garde, et de manœuvre de la herse. Elle a été
aménagée en logis, sans doute à la fin du Moyen âge. La voûte a été détruite
lors de la création d'un plancher intermédiaire posé sur un ressaut, de
façon à créer deux niveaux. Ils étaient desservis par un escalier à deux
volées droites logé dans l'angle nord-est. Les fenêtres rectangulaires à
coussièges et traverses, et la bouche à feu percée dans la façade, ne sont
pas antérieures au XVe siècle. Le châtelet est donc le résultat d’au moins
deux campagnes de construction. Il n’est pas exclu d’imaginer l’ancienne
porte déjà flanquée de deux tourelles, en façade. Elle devait en tout cas
être assez saillante sur la courtine. Elle était défendue par un assommoir
et une herse. À la fin du Moyen Âge, toute la façade est plaquée au-devant
de l'ancien châtelet. C’est sans doute lors de la même campagne que l’on
crée l’escalier extérieur, pour desservir le logis aménagé dans la salle de
garde, et que l’on couronne l’ouvrage d’un chemin de ronde à mâchicoulis sur
consoles.
Seul le front nord est percé d’archères, qui sont regroupées de part et
d’autre du châtelet d’entrée. On en compte six à l'est, distantes de quatre
à cinq mètres, et deux seulement à l'ouest. Ces archères sont toutes
identiques, à ébrasement simple sous linteaux, avec appui. Le châtelet est
exactement situé au milieu du front nord, à égale distance des tours
d'angle, dont il devait être séparé à l’origine par un flanquement
intermédiaire dont on lit encore l’arrachement sur le parement extérieur de
la muraille. Il pourrait s’agir d’une tourelle, dont le diamètre serait
d’environ 3,50 mètres. Très arasée vers l’est, la muraille du front nord ne
présente pas de trace de reprise; on note cependant qu’elle possède des
trous de boulin (ou de hourds) seulement contre la tour d’angle nord-ouest.
Plusieurs logis s’adossent à la longue muraille du front sud, qui n’est
défendue que par l’escarpement et les fossés. Le logis du XVe siècle,
remanié aux XVIIe et XIXe siècles, s’articule sur un plan en équerre. Il
s'appuie sur des vestiges plus anciens : une grande porte murée est encore
bien visible au sud, à l’angle d'un bâtiment qui a été englobé dans le
logis. Il peut s’agir d’une porterie romane, vers le village. À l’angle
sud-ouest de l’enceinte sont conservés les restes d’un logis daté
généralement du XIIIe siècle. La construction arasée est surtout
caractérisée par ses trois belles fenêtres ouvertes sur la Boivre. Il s'agit
de baies géminées sous une archivolte en tiers point qui repose sur des
chapiteaux sculptés. Ils sont reliés, d’une baie à l'autre, par un cordon
horizontal. Une seule de ces fenêtres est intégralement conservée, avec sa
colonnette centrale couronnée d’un chapiteau à feuillage. Ce type de baie
nous semble pouvoir être daté de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe
siècle.
Le donjon est une énorme tour ronde, conservée dans toute son élévation,
dominant très largement l’ensemble du château et du bourg. Il était
peut-être isolé par un fossé annulaire, aujourd’hui comblé. Il conserve la
trace de cinq niveaux planchéiés, le sommet étant sous une coupole
aujourd’hui effondrée. On y entre désormais par une petite porte au ras du
sol, percée dans les murs de plus de trois mètres d’épaisseur. Ce premier
niveau, obscur, n’est éclairé que par deux hauts soupiraux à double
ébrasement et appui incliné. Il correspond manifestement à une salle basse,
en partie comblée par des gravats, et qui était recoupée en deux niveaux par
un plancher. Les trous d’encastrement des solives de ce dernier apparaissent
juste sous les soupiraux. L’entrée principale de la tour s’ouvre en fait au
troisième niveau, à 5, 60 mètres de hauteur, par une porte rectangulaire
dont le seuil a été arraché. On ne trouve aucune trace du système d'accès.
Une autre porte, plus petite, apparaît en vis-à-vis, vers la campagne (une
latrine en encorbellement). La salle est portée par un plancher posé sur un
retrait dans l'épaisseur du mur. Ce plancher a été surélevé d’environ 1
mètre par un muret de moellons posé sur le retrait du mur, venant masquer la
base des piédroits de la cheminée. Il apparaît donc clairement que le sol de
la salle était plus bas à l'origine, et bien au-dessous du seuil des portes.
Cet étage est éclairé par deux fentes de jour. Par un escalier droit ménagé
dans l’épaisseur du mur, on accède à l’étage supérieur. La porte de la salle
est couverte d’un linteau porté par des coussinets en quart de rond. Ce
niveau est éclairé par des fenêtres rectangulaires, très simples, et possède
une cheminée, dont un des piédroits est encore porté par une grosse console,
sous le niveau du plancher.
Le dernier niveau n’existait pas à l'origine. La porte d’entrée a été percée
après coup, et la voûte en coupole a été clairement rapportée. Elle est
soutenue par des nervures moulurées qui ont été insérées dans le parement
intérieur aux assises bien régulières. Le plancher des deux derniers niveaux
a brûlé comme en témoignent les traces de rubéfaction sur les gros trous
d’encastrement du niveau cinq et sur les parois du niveau six. Seules les
nervures et les portes, créées après l'incendie, ne présentent pas de trace
de feu. Elles sont venues interrompre le larmier de l’ancien parapet. Le
donjon de Montreuil-Bonnin présente en effet, dans un remarquable état de
conservation, le système d’évacuation des eaux pluviales qui courait sur les
parements intérieurs, porté par un retrait. Avant la création de la coupole,
une toiture sans doute assez peu pentue était dissimulée derrière le
parapet, dont le chemin de ronde semble encore en place, sous la végétation.
Les eaux du toit étaient recueillies par des chéneaux de pierre
périphériques, formés d'une ceinture de pierres taillées emboîtées très
régulièrement. L’eau était évacuée par des gargouilles traversant
l’épaisseur des murs et faisant saillie à l’extérieur. Ce donjon très vaste
apparaît comme une construction grandiose, mais peu confortable, dont les
fenêtres étaient trop étroites pour éclairer l'espace intérieur. Les
cheminées n’existaient pas à l'origine ; elles ont été insérées après coup
dans le parement, comme l’indique un grand coup de sabre dans la maçonnerie,
bien visible à gauche du manteau. Il n’existe pas de latrines, à moins que
la seconde porte, dont la base a été remaniée, n'ait été ouverte sur une
latrine en encorbellement. L’entrée surélevée, l’absence de voûte, excluent
ce donjon des constructions typiques des châteaux de Philippe Auguste.
L’édifice s’inscrit encore dans la tradition architecturale des « donjons
romans » de la fin du XIIe siècle, en dépit de son plan circulaire. Nota:
les logis médiévaux, restaurés au XIXe siècle, n'ont pas été étudiés. (1)
Éléments protégés MH : les vestiges du château de Montreuil Bonnin :
classement par liste de 1840.
château de Montreuil Bonnin 86470 Montreuil-Bonnin. Depuis 150 ans
dans la famille de Madame Dupont Isabelle, son grand-père et ses parents ont
beaucoup fait pour l’entretien et la sauvegarde du château et à son tour de
s’y atteler aujourd'hui, tel 06 45 10 65 04, le château est proposé à la
location comme gîte. La visite de l’intérieur de la cour du château sur RDV
avec l’office de tourisme de Vouillé. Les fossés sont ouverts toute l'année
gratuitement.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement la
propriétaire du château, Madame Dupont Isabelle, pour les photos qu'elle
nous a adressées afin d'illustrer cet historique.
A voir sur cette page "châteaux
de la Vienne" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
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