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Il peut sembler
étrange d’inclure dans un site consacré aux châteaux et manoirs du Tarn un
hôtel particulier, mais tant par son aspect que par sa destination primitive
(il s'agissait d’un fortin), cet édifice évoque bien plus l'architecture
d’un château que celle d’une simple demeure urbaine. Ce fortin fut acquis
aux alentours de 1575 par les Rolland, famille aux origines gaillacoises qui
sous l’Ancien Régime tint à Rabastens le haut du pavé. Bernard Rolland fut
le premier à Rabastens aux alentours de 1525, pour devenir bientôt l’un des
marchands les plus considérables de la cité, et bientôt consul. En 1626, son
descendant direct qui portait le même prénom que lui, tua en duel un certain
Antoine Delherm et fut condamné à être décapité. La sentence ne fut pas
suivie d'effet, mais Bernard Rolland devint à la suite de cette affaire
l’adversaire le plus acharné de la noblesse des environs et, le 15 août
1660, à la suite d’une altercation dont le motif fut un feu d'artifice donné
pour honorer le roi, il fut assassiné par une quinzaine de "gentilshommes".
C’est Jean Rolland qui paracheva l’ascension sociale de sa famille en
acquérant en 1669 la charge au parlement de Henry le Masuyer. Le fils aîné
de Jean, Jean-Victor, épousa la fille d’un président au parlement de
Toulouse, et cette alliance finit d’asseoir la position sociale des Rolland
qui, de marchands qu’ils étaient au début du XVIe siècle, intégraient enfin
la haute noblesse de robe, suivant en cela la trajectoire de beaucoup de
familles de Toulouse et de ses environs.
Le second conseiller de Rolland, Victor-Ange eut la chance de vendre sa
charge avant la Révolution, ce qui lui permit d'échapper à la rage fanatique
qui fit poursuivre et exécuter les parlementaires toulousains au moment de
la Terreur. La tourmente n’épargna pas pour autant les Rolland puisque la
sœur de Victor-Ange, Claire de Combettes, fut réduite à la misère et jetée
en prison. Son fils aîné, le jeune conseiller François-Louis de Combettes
mourut sur l’échafaud avec beaucoup de courage. Les religieux de la famille
ne furent pas oubliés dans la proscription, et confiscations et visites
domiciliaires ne manquèrent pas. Il revint à un jeune officier de retour
d’émigration, Charles-Marie de Combettes, frère du malheureux guillotiné, de
reprendre en main une maison bien endommagée par cette longue période de
"glaciation liberticide". Il fit face aux réparations nécessaires, mais nous
devons l’aspect actuel de L’Hôtel de Rolland à son petit-fils Louis de
Combettes, qui confia les travaux à l'architecte Dutour. Dans leur belle
maison restaurée avec goût, le comte et la comtesse de Combettes recevaient
alors la haute société royaliste des environs. Le dernier des Combettes
mourut en 1921 des suites des graves blessures reçues durant la Grande
Guerre. Aujourd’hui, après plus de 400 ans et treize générations, ce sont
encore les descendants des Rolland qui président avec cœur et talent à la
protection de cette belle maison de famille.
L'Hôtel de Rolland est, à n’en pas douter, le plus impressionnant des
monuments civils de Rabastens. De par l’ambiguïté de son architecture,
alliant structure ancienne et travaux exécutés au XIXe siècle, l’Hôtel de
Rolland fut souvent daté de façon fantaisiste. Il a, en fait, fait l’objet
de maints remaniements et restaurations. La première construction remonte
certainement au XVe siècle et consistait en un fortin qui dominait les
fossés de la ville dont il n’était séparé que par une venelle et un mur de
redoute monté jusqu’au niveau du premier étage. L’implantation centrale de
l’édifice, près de l'entrée principale de la ville, son architecture
militaire, même si les créneaux n'avaient plus alors qu’une dimension
décorative, montre que la maison devait abriter la garnison de la ville.
Couronné de faux mâchicoulis, tels qu’on peut les découvrir sur les hôtels
particuliers toulousains de la même époque, le bâtiment, long de quize sur
dix mètres de large et haut de douze mètres à la base des créneaux, était
flanqué sur sa façade interne d’une tour octogonale refermant un escalier à
vis en pierre. On pénétrait dans le bâtiment par un couloir voûté qui le
traversait de part en part et débouchait à l’intérieur de la tour. La
disposition intérieure, pas adaptée à la vie d’une petite garnison qu’à
abriter une vie de famille, semble confirmer la destination première de
l'Hôtel de Rolland. Au rez-de-chaussée, à droite, se trouvaient les cuisines
et l’office. À gauche était la vaste salle basse, pièce unique présentant
une grande cheminée. L’escalier à vis conduisait au premier étage à la
grande salle, de dimensions encore plus importantes.
Lorsque Jean de Rolland mourut en 1679, sa succession s’avéra si complexe
que sa veuve demanda un inventaire de ce bien, initiative qui nous permet
d’avoir une vision de ce qu'était devenue la maison à la fin du Grand
Siècle. L'architecture de l’hôtel n’avait guère été modifiée depuis la fin
du XVe siècle, si ce n’est que de nombreux bâtiments de communs avaient été
construits autour de la cour intérieure, et qu’en 1667, Jean de Rolland
avait fait surélever la tour de plus de dix mètres, en la coiffant du dôme
que l’on peut encore contempler. À la mort du fils de Jean, Jean-Victor, eut
lieu un nouvel inventaire qui nous apprend que ce dernier avait rendu à la
salle basse sa destination de salle commune. C’est sans doute au moment de
la Révolution que furent démolis les créneaux sur les fossés, pour les
fumeux motifs idéologiques propres à cette époque. Nous avons déjà signalé
qu'après la tourmente, si Charles de Combettes fit face aux réparations
nécessaires, nous devons l’aspect actuel de L'hôtel de Rolland à son
petit-fils Louis de Combettes, qui confia en 1871 les travaux à l’architecte
toulousain Dutour, architecte des Monuments de France. L'état de la façade,
fort délabrée après les ajouts successifs apportés par les siècles et le
démantèlement d’une partie des créneaux, appelait une campagne de
restauration d'envergure. On connaît bien le calendrier, la nature et le
coût des travaux, menés par étapes de septembre 1871 aux tout premiers mois
de 1877. Dans le coût total de la restauration, le poste "démolitions"
n’intervint que pour 1,1 %, ce qui montre bien combien la structure ancienne
fut préservée.
Dutour réussit de façon magistrale à refaire l’unité de l’ensemble.
Néanmoins, une étude attentive de la façade permet sans trop de peine de
rendre à chaque époque son apport respectif. L'unité fut donnée grâce au
couronnement de mâchicoulis et de créneaux qui enveloppe l’ensemble de la
toiture, au ravalement de la façade de brique, et à la distribution uniforme
des fenêtres à meneaux. À gauche de la façade, au coin de la rue de Rolland,
on distingue une maison annexée et transformée depuis le XVIIe siècle. La
pente des créneaux depuis la tourelle jusqu’à l’échauguette suit exactement
la pente de la toiture. La partie centrale, forme un léger angle par rapport
à la précédente, est formée par le fortin du XVe siècle, qui a retrouvé ses
créneaux et est flanqué de deux échauguettes. L’on devine encore les traces
de l’entrée primitive, près des fenêtres à ogives. La grosse tour carrée
est, quant à elle, l’œuvre de Dutour, tout comme le décor néo-gothique
couronnant le vaste portail. Côté jardin, l’hôtel fut élargi sur plusieurs
mètres pour y loger un grand escalier, un vestibule, mais on ne toucha pas
aux parties les plus anciennes, si ce n’est pour remodeler les fenêtres et
les portes. De même, à l’intérieur furent effectués de nombreux
aménagements, mais les pièces les plus importantes ne furent pas modifiées.
L'accès par le porche, le grand vestibule d’accueil et le corridor qui le
continue, avec leurs voûtes d’arêtes, s’inspirent de l’ancienne entrée de
l’hôtel, démolie pour laisser place à la vaste salle à manger gagnée sur
l'emplacement des cuisines. (1)
Éléments protégés MH : le corps de logis principal et les écuries, ainsi que
les façades et les toitures de l'aile en retour du logis et les façades et
les toitures du bâtiment adossé aux écuries : inscription par arrêté du 14
février 2007.
Hôtel de Rolland 81800 Rabastens, privé, visible de l'extérieur. Ses
couleurs, ses ruelles typiques et animées et ses bâtiments historiques font
de Rabastens une étape incontournable. L'Église Notre Dame du Bourg est
inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco (photos).
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