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Le
manoir de la Fond figure pour la première fois au début du XVIIIe siècle sur
un plan de Talmont réalisé par l'ingénieur du roi Claude Masse. Comme sur le
plan cadastral de 1831, on y voit un corps de bâtiment de plan carré, côté
ouest (sans aller jusqu'à la rue), prolongé à l'est par une aile au fond
d'une cour, puis par un retour à l'est de cette cour. Le plan de 1831
mentionne aussi un puits sous un auvent, dans l'angle formé par le corps
principal et par l'aile, ainsi qu'un jardin à l'est des bâtiments, délimité
par une haie. Au milieu du XVIIIe siècle, la Fond appartient à un capitaine
de navires, Jacques Thomas (décédé avant 1771) et à son épouse, Jeanne
Gravaud: le 12 octobre 1775, Jacques Thomas, capitaine de navire, demeurant
au lieu de la Fon, faubourg du Caillaud, à Talmont; François Autant,
officier de navires, demeurant en la ville de Talmont, époux de Jeanne
Thomas; et Jean Cyprien Bibard, notaire et procureur au siège de la
principauté de Mortagne, époux de Marie Thérèse Thomas; font le partage des
biens de leurs parents et beaux-parents, Jacques Thomas et Jeanne Gravaud,
le tout évalué à 18000 livres. Le premier lot est attribué à Jacques Thomas,
fils aîné: il comprend la borderie "dont le principal manoir est situé au
lieu des Perrotins", à Barzan, "consistant en maison de bordier, bâtiments
de servitudes, jardin, issues, quereux, puisage et lavage au puits dudit
lieu des Perrotins, terres labourables et prés"; plus la moitié de la
borderie "dont le principal manoir est situé au lieu de Bussas", paroisse d’Arces.
Le deuxième lot est attribué à Jeanne Thomas épouse Autant: il comprend la
borderie "des Mote Gachains, à Barzan, actuellement cultivée par le nommé
Giresme, contenant quatorze journaux en terres labourables et prés, plus la
maison du bordier, servitudes, droit de lavage et puisage au puits commun;
plus l’autre moitié de la borderie de Bussas. Le troisième lot est attribué
à Marie Thérèse Thomas, épouse Bibard: il comprend "la borderie du lieu des
Tamarains dont le principal manoir est situé audit lieu des Tamarains, près
le faubourg du Caillaud"; plus "la grande maison où résidaient lesdits père
et mère communs et où réside actuellement le sieur Thomas aîné avec sa
famille, au présent lieu de Lafon, proche le dit faubourg du Caillaud,
bâtiments de servitudes y attenant, cour, jardin et prés, le tout enclavé de
fossés et chemins". Son frère a jusqu’à Noël pour quitter cette maison. Un
demi siècle plus tard, le 6 février 1820, Marie-Thérèse Thomas vend la
propriété héritée de ses parents à Jean-Louis Dutrieu. Acte de vente de la
Fond: Marie-Thérèse Thomas, veuve de Jean Cyprien Bibard, notaire, demeurant
à Mortagne, vend à Jean Louis Dutrieu, propriétaire à Talmont, une maison
lui provenant de ses parents, située au lieu de la Font, au Cailleau de
Talmont, "consistant en deux chambres basses, un corridor qui les sépare,
une cuisine au bout de ce corridor, grenier au-dessus de ces appartements,
un cellier joignant la cuisine, une grange joignant le cellier, une
buanderie ou fournière, une cour devant ladite maison, un petit jardin
joignant cette cour, plus un pré joignant du bout couchant à la grange, cour
et jardin, et du levant à un fossé mitoyen avec la vendeuse et autres,
confrontant le tout du nord à un pré de la dame veuve Freschelet, et du midi
à la font". La vente est consentie pour 2000 francs.
En 1833, selon le cadastre, la Fond appartient à Guillaume Pairaudaux, né en
1763 à Rochefort, capitaine de navire, officier de la marine royale, marié à
Marie Dutrieux, Maire de Talmont à partir de 1835, il décède en son logis de
la Fond le 22 octobre 1838 ; son épouse le suit dans la tombe le 2 décembre.
Après leur mort, la propriété passe à Joseph Gouineau (1785-1878),
cordonnier, qui y décède, puis à son fils, Frédéric Gouineau. Un temps maire
de Talmont, ce dernier finit à son tour sa vie à la Fond en 1892. Il laisse
pour héritières ses soeurs, l'une mariée à Edouard Lucazeau, charpentier de
navires à Mortagne, et l'autre à Paul Seugnet, boulanger à Meschers. En
1904, les héritières Gouineau vendent la Fond pour 4000 francs à Mme Renée
Gandolphe de Neuville, poétesse (elle sera l'auteur de recueils de poèmes
asiatiques dans les années 1930), demeurant à Paris. L'acte de vente
mentionne la propriété telle qu'elle se présente alors, dans le même état
que lors de la vente de 1820, c'est-à-dire une simple "maison d'habitation
et ses dépendances, le tout comprenant deux chambres et une cuisine, un
corridor et un chai, avec grenier sur le tout, une écurie, un hangar, des
cabinets d'aisance, des toits et un autre chai, un jardin devant, un petit
terrain longeant les murs levant de l'écurie" (celle-ci occupe donc le
retour à l'est de la cour, visible sur le plan de 1831).
Mariée une première fois à Cognac, Renée Gandolphe de Neuville se remarie
vers 1905 avec Alexandre Pellisson, négociant à Cognac, maire de Talmont de
1908 à 1912. A partir de 1908, selon le cadastre, ils font reconstruire le
logis de la Fond. Dès lors, le nombre d'ouvertures du logis déclarées au
cadastre passe de sept à vingt. De l'ancienne bâtisse, on conserve l'aile en
fond de cour, qui présente encore aujourd'hui des éléments antérieurs à la
Révolution (porte basse à encadrement chanfreiné), et peut-être aussi les
murs du logis, à l'exception de la façade. L'opération consiste à apporter,
en remplois ou en construction ex-nihilo par imitation, des éléments
architecturaux de style éclectique et néo-Renaissance, à la mode à la fin du
XIXe siècle. Les tours et la façade du logis naissent de ce réaménagement,
ainsi que le pigeonnier fictif élevé à l'extrémité de l'ancienne écurie, à
l'est de la cour. La nouvelle architecture du logis n'est pas sans rappeler
celle de certains bâtiments de la Maison Pellisson, situés avenue du
Maréchal-Leclerc et place de la Gare, à Cognac, construits dans les années
1880-1898 par l'architecte parisien Antoine-Jules Lisch. On peut déceler une
autre parenté stylistique, plus forte encore, avec le château de
Bourg-Charente, près de Jarnac, qu'Alexandre Pellisson a détenu et habité de
1900 environ à 1921. On retrouve par exemple à la Fond le même type de
souche de cheminée, d'appui de fenêtre soutenu par des consoles, de linteau
brisé (sur la tour sud-est) et de linteau de fenêtre saillant et orné d'un
mascaron, que sur l'aile nord et le pavillon carré du château de
Bourg-Charente (pavillon reconstruit à la fin du XIXe siècle), où ces
éléments étaient eux-mêmes repris ou inspirés du château de Bouteville
(Charente).
Pendant l'Entre-deux-guerres, Alexandre Pellisson et Renée Gandolphe de
Neuville habite à Arcachon, allée Velpeau. Veuve, la poétesse vend la Fond,
pour 80.000 francs, le 29 mai 1942 (acte passé devant Me Daron, notaire à
Cozes) à Raymonde Masse, épouse de Pierre Renard, entrepreneur de matériaux
de construction à Royan. Renard commence à réaménager le château mais la
guerre ne lui laisse le temps que d'entamer sa démolition. Le 13 mai 1947
(devant Maître Fermigier, notaire à Meschers), Raymonde Masse revend la
propriété pour 300.000 francs à Paul Louis Fourcat, cidrier, demeurant à La
Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine). Ce dernier la cède dès le 26 août 1950
(acte devant Me Fermigier) à Pierre Lardin, artiste-décorateur, directeur de
l'école des Beaux-Arts de Bordeaux dans les années 1950-1960. Au moment de
la seconde vente, la propriété est en mauvais état : l'acte décrit "un vieux
château, en partie effondré", composé "d'un rez-de-chaussée divisé en six
pièces", avec "pigeonnier au levant". Pierre Lardin entreprend alors la
restauration du logis et apporte à son tour des éléments de décoration:
trouvée démontée dans le jardin, la cheminée Renaissance est installée dans
le pavillon ouest (peut-être Pellisson l'avait-il amenée de Bourg-Charente,
voire de Bouteville ?); le sol du logis est carrelé de pierres
lithographiées; la cage d'escalier est décorée de pavés de verre récupérés
du paquebot Normandie. En 1978, la Fond est acheté par M. et Mme Emile
Lardennois, actuels propriétaires. Le logis est agrandi d'un toit en
terrasse au début des années 1980.
Le manoir de la Fond est situé au nord et en contrebas du hameau du Caillaud,
près de la fontaine qui a donné son nom au site. Délimitée par un mur de
clôture, la propriété comprend un jardin, au sud, et un parc, à l'est et au
nord. Le logis s'élève à l'ouest. Il est prolongé vers l'est par une aile de
remises, au nord d'une cour, puis par une ancienne écurie en retour
d'équerre à l'est de cette cour. Un pigeonnier fictif, couvert d'un toit à
l'impériale et surmonté d'une girouette, s'élève à l'extrémité de cette
ancienne écurie. Il ouvre par des baies en plein cintre, et est entouré par
un bandeau mouluré. A l'étage se trouve une double baie en plein cintre,
avec une corniche à consoles. L'aile de remises au nord de la cour présente
une porte basse à encadrement chanfreiné, une baie à linteau en arc
segmentaire, à gauche, et, à droite, une autre baie dont le linteau en arc
surbaissé est sans doute un remploi. Le logis est constitué d'un corps
principal de bâtiment auquel sont accolés à l'ouest un pavillon de plan
rectangulaire, une tour ronde dans l'angle sud-est, et une autre tour ronde
au nord. Le pavillon ouest, en pierre de taille, est couvert d'un haut toit
à croupes et à égout retroussé, en tuile plate, surmonté d'épis en zinc et
souligné d'une imposante corniche à modillons. Sa façade sud présente une
travée d'ouvertures, ainsi constituée: au rez-de-chaussée, une porte-fenêtre
en arc surbaissé, ornée d'un larmier; à l'étage, une haute fenêtre à
encadrement saillant, mascaron, et appui mouluré à consoles. L'angle sud-est
du pavillon est en échauguette.
La tour sud-est, dite "tour Renaissance", est coiffée d'un toit en poivrière
et à égout retroussé, en tuile plate, surmonté d'un épi en zinc, et souligné
par une corniche. La tour, elle aussi en pierre de taille, présente au sud
une première travée d'ouvertures, formée de deux fenêtres et surmontée d'un
fronton. La fenêtre du rez-de-chaussée possède un simple encadrement
saillant, à quoi s'ajoute, pour la fenêtre de l'étage, un appui mouluré à
consoles, une clé de linteau saillante et un mascaron. Le fronton est cintré
et brisé. Ses deux volutes encadrent un amortissement. Côté est, la tour
présente une autre travée d'ouvertures, traitée de la même façon que la
précédente, à l'exception du fronton qui est ici remplacé par une haute
souche de cheminée en pierre de taille, terminée par un fronton cintré.
Entre le pavillon ouest et la tour sud-est, la façade du logis se présente
sous un pan brisé du toit. Le brisis est en tuile plate, et le terrasson en
tuile creuse. La façade se caractérise par la symétrie créée par la
répartition des ouvertures, soit cinq baies au rez-de-chaussée, dont la
porte centrale, et trois fenêtres passantes à l'étage. Les baies du
rez-de-chaussée ont un encadrement et une clé de linteau saillants. La porte
possède en plus un linteau en arc segmentaire. A l'origine il s'agissait
d'une porte basse en arc segmentaire, surmontée d'un oeil-de-boeuf et d'une
corniche. Les trois fenêtres passantes ont en commun un fronton, une clé de
linteau saillante et un appui mouluré à consoles. La clé de linteau de la
fenêtre centrale porte en plus un mascaron.
A l'arrière du manoir, au nord, la deuxième tour circulaire est traitée de
manière plus sobre que la première. Elle est également coiffée d'un toit en
poivrière, en tuile plate, surmonté d'un épi en zinc. La partie supérieure
de la tour, percée de meurtrières, présente un diamètre plus important que
la partie inférieure. A l'intérieur du logis, on observe une cheminée datant
du XVIIIe siècle dans la pièce à droite, une autre d'époque Renaissance au
rez-de-chaussée du pavillon ouest, et une troisième, en marbre, de la fin du
XIXe siècle, à l'étage de ce dernier. Le mur séparatif entre le pavillon et
le reste du logis, est très épais: il s'agit de l'ancien mur extérieur du
logis, avant les aménagements du début du XXe siècle et la construction du
pavillon. A l'intérieur également, se trouve un escalier en vis en bois. Le
rez-de-chaussée de la tour sud-est est occupé par une ancienne salle de
bain, avec une baignoire en ciment aménagée dans le sol. (1)
manoir de la Fond
17120 Talmont-sur-Gironde, propriété privée, ne se visite pas.
Talmont-sur-Gironde est classé parmi les plus beaux villages de France,
l'église Sainte-Radegonde est classée MH par arrêté du 30 août 1890 (photos)
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous.
Nous remercions M. Vincent Tournaire du site
http://webtournaire.com/paramoteurparapente.htm,
pour les photos aériennes qu'il nous a adressées. (photos interdites à la
publication)
A voir sur cette page "châteaux
en Charente-Maritime" tous les châteaux recensés à ce
jour dans ce département. |
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