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Malgré six siècles
d’existence, le voile de mystère est aujourd’hui encore à peine levé sur
l’histoire de la Favrière. Oublié par les historiens pendant des années, ce
manoir de gentilhomme campagnard n’a jamais vraiment fait l’objet d’une
étude sérieuse. Même André Laurentin, dont le travail est par ailleurs fort
remarquable, en omit l’existence dans son annuaire archéologique de la
Renaissance dans le Haut Bocage en 1952. L’un des seuls points connus était
que la Favrière, avant de passer entre les mains de la famille Le Mastin de
la Rochejaquelein, avait appartenu aux Beaumont. L'histoire de cette demeure
remonte donc au moins au XIVe siècle comme l’atteste une note des archives
de la Durbelière datée de 1315. On peut bien sûr imaginer que l’endroit
était baptisé ainsi depuis déjà longtemps. La racine latine de Favrière est
en effet faber qui signifie forgeron et de fait un magnifique four de
forgeron existe encore en ce lieu. Parmi toutes ses possessions, Pierre de
Beaumont, seigneur de Bois-Charruyau, comptait la Favrière, simple manoir
édifié sur un plateau dominant la vallée de l’Argent. Quand ce seigneur de
peu de puissance maria sa fille Jeanne à Gilles Le Mastin, fils du seigneur
de la Rochejaquelein de Voultegon, il n’inclua pas dans la dot de sa fille
le site de la Favrière. Il le réserva à son fils Hugues. Ce ne fut qu'après
la mort de ce dernier et de son épouse que la Favrière revint aux Le Mastin
au milieu du XVe siècle, après un accord passé entre Jacques du Plessis qui
détenait des droits sur la Favrière et Jean Le Mastin. Aussitôt,
d'importants travaux furent engagés. Guillaume et Jean, fils de Gilles Le
Mastin, étaient alors écuyers des chevaliers du seigneur de Bressuire, le
puissant Jacques de Beaumont. Ce grand édificateur était en train de
restaurer de fond en comble son château de Bressuire.
Sans doute inspirés par les travaux que le seigneur réalisait en sa demeure,
les Le Mastin restaurèrent à leur tour la Favrière. Une cheminée à moulures
prismatiques et à arc de décharge, montée à Bressuire, trouve ainsi sa
réplique presque exacte dans la maison des vassaux. La Favrière devint alors
la résidence principale de la famille Le Mastin, détentrice de nombreux
autres fiefs situés sur une ligne allant de Chemillé à Bressuire. Jean Le
Mastin, époux de Jeanne Jousseaume, était seigneur de Voultegon et à ce
titre possédait ses armes peintes sur un vitrail de l’église paroissiale. A
sa mort en 1502, Philippe de Commynes, seigneur d’Argenton et biographe de
Louis XI, fit détruire le vitrail en question parce qu’il contestait la
propriété des Le Mastin. Cet acte mena le puissant seigneur devant la
sénéchaussée de Poitiers qui le condamna le 20 mars 1503 à payer une lourde
amende aux fils du défunt. L’un d’eux, prénommé René, fut le premier cité
comme seigneur de la Favrière. Catholiques convaincus, et avant même que
Calvin ne vienne troubler l’ordre établi, les seigneurs de la Favrière
prouvèrent leur attachement à leur religion. René obtint ainsi du pape Léon
X, en août 1516, des privilèges, par une bulle en forme visée et certifiée
par Guillaume de la Coussaye, archidiacre de Luçon. En 1535, c’est Jeanne Le
Roux, dame de la Favrière, épouse de Gabriel Le Mastin, qui fit don à la
paroisse Saint-Hilaire-de-Nueil d’un superbe calice en émaux et argent doré.
Sur le pied de l’objet étaient gravées les armes des Le Mastin, d’argent à
la bande de gueules contre-fleurdelisée de six fleurs de lis d’azur. Enfin,
la seigneurie disposait d’une chapelle dans laquelle une messe devait être
dite deux fois par semaine. Gabriel eut deux fils. René était enseigne de la
compagnie de M. de la Trémoille, chevalier de l’ordre du roi et capitaine de
50 hommes d’armes de ses ordonnances. Il devait habiter avec son épouse
Marguerite de Maillé au château de Lenay qui appartenait à la famille Le
Mastin.
Quant à Claude, le fils aîné de Gabriel, il demeurait à la Favrière avec
Jeanne de Barbezières qu’il avait épousée le 17 décembre 1575. Claude Le
Mastin était devenu gentilhomme d’honneur de la reine Catherine de Médicis,
gentilhomme d’honneur du roi Henri II, et fut qualifié de chevalier de
l’ordre de Saint-Michel sous Henri IV. C’est à lui que l’on attribue la
construction de la remarquable galerie Renaissance de la Favrière, sans pour
autant détenir aujourd’hui de preuves irréfutables. Claude Le Mastin avait
beau être bien en place auprès de la cour, cela ne l’empêchait pas de tomber
sous le coup de la loi. Il fut convaincu de rapt et condamné à mort par
sentence du prévôt des maréchaux à Angoulême. Il ne dut son salut qu’à des
lettres d’abolition datées d’octobre 1602. Il mourut et fut inhumé dans son
château de la Favrière le 23 février 1623, laissant à son fils Charles le
soin de s’occuper de la Favrière. Ce dernier transmit la propriété tour à
tour à ses deux fils Claude et Henri. Henri Le Mastin avait levé une
compagnie de cavalerie pour le service du roi pendant les troubles de la
minorité de Louis XIV. Il tailla en pièces une troupe de rebelles près de
Saintes et s’opposa aux entreprises du comte Doignon. Il mourut en 1656,
laissant le manoir à Claude, né de son union avec Anne Chesnel. Ce
chevalier, dit marquis de Nuaillé (en Aunis), céda ensuite la demeure à sa
sœur Charlotte, mariée à Charles Audayer. A la Révolution, l’ancienne maison
de maîtres, transformée en ferme générale, fut occupée par les troupes du
général Quétineau dans la nuit du 11 au 12 avril 1793. Deux mille cinq cents
Républicains y bivouaquèrent avant d’aller installer leur artillerie dans le
pré des Justices aux Aubiers. Là, ils luttèrent contre Henri de la
Rochejaquelein qui inaugurait par cet acte le premier de ses combats pour l’
Armée Catholique et Royale. Le jeune chef vendéen mit en déroute la troupe
de Quétineau qui, sans doute dépitée par son échec cuisant, canonna la
chapelle de la Favrière et la détruisit entièrement. Cependant les
Républicains prirent bien garde de préserver la galerie, fleuron de
l’endroit. La Favrière fut par la suite acquise par les Montesquiou-Fezensac
avec le dernier des émigrés. Le marquis Odart de Rilly d’Oizonville la légua
à Mme de Cassagne qui la vendit enfin en 1987 aux actuels propriétaires.
Débarrassée de sa gangue de lierre et d’épines, restaurée avec passion, la
Favrière livre peu à peu tous ses secrets. (1)
Éléments protégés MH : le Corps de logis ; la galerie renaissance ; ma tour
contenant l'escalier faisant corps avec sa tourelle d'angle ; l'escalier ;
l'enceinte avec ses tours : inscription par arrêté du 16 décembre 1987.
manoir de la Favrière 79250 Nueil-les-Aubiers, M. et Mme Maudet, ouvert au
public, visites et expositions en été.
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