|
D'après Lucien Merlet,
l'acte le plus ancien citant la Manorière date de 1482. S'appuyant sur un
dépouillement systématique des archives du château de Montgraham (Souancé-au-Perche),
le vicomte de Souancé a publié en 1901 une notice historique sur la
Manorière en présentant les propriétaires successifs. Au début du XVIe
siècle, le fief dépend de la famille Therré. Adam de Therré en reçoit le 5
avril 1501 une composition de rachat, de la part de Jean de Quatrevault.
Cette composition n'aura pas de suite car le fief n'est vendu que le 8
juillet 1539 pour 900 livres tournois par Robert de Therré, écuyer, sieur de
la Billonière, et Jean de Therré, bachelier, prieur de Maison-Maugis et de
Marcheville, à Philippe de Certieux, sieur de Bouqueval. A cette époque, la
métairie se compose de maisons manables, granges, étables, terres, prés,
buissons et d'un petit étang. Philippe de Certieux, qui décède avant 1567,
puis son fils Charles, modifient considérablement le site dans la deuxième
moitié du XVIe siècle. Tout en conservant la structure du modeste logis du
début du XVIe siècle à deux pièces superposées desservies par une tour
d'escalier hors-œuvre, dont témoigne en façade sud la porte obstruée donnant
accès à l'étage, ils font agrandir l'édifice vers l'est, doublant ainsi le
volume initial, remplacent la tour d'escalier hors-œuvre par un escalier
dans-œuvre rampe sur rampe. L'ensemble est alors fortifié par la
construction de deux tours d'angle, d'une troisième isolée au sud-est
(fournil au rez-de-chaussée et colombier à l'étage) et d'un mur d'enceinte
fermant une haute cour, dont d'accès se faisait certainement au sud par un
portail. A l'ouest, un mur de soutènement est construit assurant une
position dominante à la haute cour et une séparation nette avec la basse
cour à l'ouest et au nord.
L’expertise dendrochronologique met en évidence une deuxième phase qui
s’achève vers 1561-1562, concernant la reconstruction des planchers et de la
charpente de comble de la partie ouest du logis, ainsi qu’une troisième vers
1573-1574, correspondant à l’agrandissement du manoir vers l’est. La date
portée 1578 sur l’encadrement de la porte de la tour isolée semble donc
indiquer sa construction, qui s’inscrit dans cette même campagne. Plus
surprenant, une autre intervention sur le manoir a pu être mise en lumière:
le remplacement d’une poutre maîtresse, celle la plus à l’ouest du plancher
du comble ouest, vraisemblablement réalisé vers 1629-1630. Dès le milieu du
XVIIe siècle, le logis seigneurial, délaissé, sert de maison au fermier qui
exploite les terres. La propriété passe successivement entre les mains des
familles de Marvillier (1658-1686), de Prunelé (1686-1715), Durand de
Pisieux (1715-1819) et d'Alsace (1819-1927). Jacques de Chabot, comte de
Rohan, en hérite et la revend en 1930 à Adrien Gaudron. Sur le cadastre de
1811, le logis manorial est bien représenté dans ses limites actuelles, de
même que la tour isolée sud, la remise au nord du logis, la grange-étable
sud-ouest et la dépendance ouest. Une dépendance est construite plus au nord
dans la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle. À ces mêmes
époques, plusieurs petites dépendances sont édifiées (toits à porcs de part
et d'autre de la remise) et la grange-étable sud-ouest est reconstruite in
situ ou modifiée en profondeur (emploi de la brique pour les chaînages
d'angle et les encadrements d'ouvertures). L'activité agricole cesse au XXe
siècle et le logis devient résidence secondaire mais ne subit peu ou pas de
modification. Trois étangs sont créés à l'ouest et au sud-ouest dans le fond
du vallon.
La Manorière se situe en partie centrale de la commune de Vichères, à
quelques centaines de mètres à l'ouest du bourg. Dominant la vallée de la
Berthe, le manoir est implanté sur versant à mi-hauteur, dans un paysage de
collines bocagères. Placé au sud-est de l'ensemble, le logis manorial marque
la limite nord de la haute cour de plan carré, anciennement cernée par des
murs à l'est et au sud, dont quelques vestiges subsistent, et par un mur de
soutènement à l'ouest. Une tour circulaire isolée (fournil au
rez-de-chaussée, colombier à l'étage) occupe l'angle sud-est de la haute
cour. À l'ouest et au nord de cette dernière se développent les dépendances
de l'ancienne basse-cour. Le logis adopte un plan de manoir assez classique,
à un étage carré et à deux pièces par niveau. Toutefois, il se distingue par
la présence d'éléments défensifs telles que les deux tours d'angle qui
encadrent la façade sud, la bretèche protégeant la porte sud et de
nombreuses meurtrières et autres bouches à feu. L'ancien accès au logis se
pratiquait depuis la haute cour au sud. La porte sud reçoit ainsi un décor
particulier, tout comme la baie ovale et la bretèche qui la surmonte: jeu
polychromique obtenu par alternance de pierre de taille calcaire et de
roussard (porte en plein cintre et corbeaux de la bretèche), chambranle de
la baie ovale orné d'oves bordés de perles, décor feuillagé des corbeaux,
pignon-fronton de la bretèche en pierre de taille calcaire qui recevait les
armoiries du bâtisseur (illisibles) et celle d'Alphonse Gaudron (1880-1967),
évêque et parent des actuels propriétaires.
Au sud-ouest, une travée de croisées éclaire une salle au rez-de-chaussée et
une chambre à l'étage. La croisée supérieure reçoit un décor Renaissance,
par le traitement de son chambranle mouluré à deux faces tandis que celle du
rez-de-chaussée n'est ornée que d'un chanfrein. Ce même décor Renaissance se
retrouve au niveau du chambranle de la fenêtre de la chambre est. Au
rez-de-chaussée, la salle est (peut-être une chambre à l'origine) est
éclairée par deux fenêtres - la plus petite, surmontée d'un arc en plein
cintre, intervenant de manière secondaire dans l'éclairage contrairement à
la plus grande, sans décor et de facture moderne. La façade nord a subit des
modifications d'ouvertures au cours du temps. Constituée de deux fenêtres
étroites à encadrement chanfreiné, la travée ouest semble d'origine, à
l'exception de l'appui probablement mouluré de la fenêtre inférieure enlevé
pour agrandir la baie. Les vestiges d'une porte murée (modification
postérieure) apparaissent entre cette dernière fenêtre et la porte d'accès
actuel (percement moderne) précédée d'un emmarchement à cinq degrés en
pierre de taille de grès ou de granite. La jambe harpée en pierre de taille
calcaire, bien visible au centre de la façade, précise l'emplacement du mur
de refend. Deux ouvertures, probablement percées à l'époque contemporaine,
permettaient d'accéder directement à l'escalier puis au grenier depuis
l'extérieur via une échelle. Au nord-est, une porte semi-enterrée, surmontée
d'un linteau délardé, donne accès aux caves. Au-dessus, la fenêtre de la
salle semble avoir été modifiée postérieurement, alors que celle de la
chambre à l'étage est peut-être d'origine. Le chaînage d'angle nord-est
présente des pierres d'attente, suggérant l’inachèvement d'un projet initial
plus ambitieux.
À l'intérieur, un escalier tournant de type rampe sur rampe dessert tous les
niveaux. Deux caves voûtées se situent à l'étage de soubassement, deux
salles au rez-de-chaussée, deux chambres et un cabinet à l'étage et deux
greniers sous le comble. La différence de niveau entre les deux salles, qui
s'explique par la déclivité naturelle du terrain, ne se répercute que
faiblement sur les étages supérieurs où toutes les pièces sont quasiment au
même niveau. Les tours d'angle ne sont accessibles qu'au rez-de-chaussée
depuis les salles ainsi que sous le comble - les niveaux intermédiaires
étant vides. Tout comme en façade sud, de nombreux éléments de défense sont
présents au niveau des tours telles que des bretèches et autres meurtrières.
Les deux salles et les deux chambres conservent chacune une cheminée
monumentale. De même, les portes de la chambre ouest et du cabinet
conservent leurs huisseries d'origine. La charpente est constituée de quatre
fermes, deux de part et d'autre du mur de refend. Elles sont construites sur
le même principe, à savoir faux-entrait/poinçon court, à l'exception du
traitement du faux-entrait composé d'une pièce à l'est et de deux pièces à
l'ouest venant moiser les arbalétriers. Deux rangs de pannes sur chaque
versant ainsi que des faîtières et sous-faîtières reliées entre elles par
des liens obliques ou des croix de Saint-André assurent le contreventement.
Des charpentes à enrayures couvrent les tours d'angle et la tour isolée. Les
murs du logis et des dépendances sont en moellons de calcaire couverts d'un
enduit plein ou à pierre vue. Les chaînages d'angle, les encadrements
d'ouvertures et la corniche en quart-de-rond (logis) sont en pierre de
taille calcaire, à l'exception des encadrements de baies et chaînages en
brique des dépendances les plus récentes. Les toits, à longs pans ou
conique, sont couverts en tuile plate. (1)
Éléments protégés MH : le manoir de la Manorière en totalité : inscription
par arrêté du 2 mars 1927.
manoir de la Manorière 28480 Vichères, propriété privée, ne se visite
pas, visible de l'extérieur.
Ce site recense tous les manoirs de France, si vous possédez des documents
concernant ce manoir (architecture, historique, photos) ou si vous constatez
une erreur, contactez nous. A voir sur cette page "châteaux
de l'Eure et Loir" tous les châteaux répertoriés à ce
jour dans ce département. |
|