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Senneville-sur-les-Monts, ancienne paroisse de
l'archidiaconé du Vexin normand, fait aujourd'hui partie de la commune d'Amfreville-sous-les-Monts
et occupe, à une altitude de 132 mètres, l'un des trois points les plus
élevés des collines qui bordent la Seine dans cette région. L'ancien manoir
seigneurial, qui a grand aspect, bien que son architecture soit un peu
lourde s'élève au milieu de vastes cours et d'herbages qu'entourent des
bâtiments remarquablement aménagés, et forme le centre d'une des plus belles
fermes du Vexin. Ses fenêtres, divisées par des meneaux de pierre, ses
hautes cheminées et ses toits annoncent le XVIe siècle. Il est construit en
briques et en pierres sur des fondations plus anciennes, dont la solidité
rappelle celle de ces vieilles familles qui s'appuyaient fortement sur le
sol et conservaient leurs domaines pendant plusieurs siècles. C'est à l'une
de ces riches familles normandes, celle des Alorge de Rouen, qui posséda
Senneville pendant plus de trois siècles, qu'est due la construction du
château actuel. Avant d'entrer dans cette famille, le manoir et le fief de
Senneville avaient appartenu à Pierre de Senneville, qui, le 30 juin 1231,
était aux assises du roi à Gisors, puis à un autre personnage de ce nom,
seigneur de la paroisse en 1272, année où il fit un accord avec les
religieux des Deux-Amants, et, plus tard, aux Lyvarrot ou Livarrout,
propriétaires dans la contrée. Pierre de Lyvarrot, en 1383 et 1386, et
Guillaume de Livarrout, en 1416, rendirent aveu pour le fief de
Martot-sur-Seine, en la vicomté du Pont-de-l'Arche. Jean de Livarrout,
écuyer, leur parent, demeurant en son manoir de Senneville, le vendit avec
son fief, en 1403, moyennant 606 livres tournois et en se réservant
l'usufruit, à Robert Alorge, riche bourgeois de Rouen, marchand de vin,
occupant un hôtel à l'enseigne de "L'Image de Notre-Dame", et dont le père
avait été maire et capitaine de Rouen.
Robert Alorge était fermier du quatrième des cervoises et menus breuvages
vendus à Rouen, de la vicomté de l'eau de Rouen, de la dixième semaine que
l'abbaye de Saint-Wandrille avait droit d'y percevoir et du grenier à sel de
Caudebec. Les bénéfices de ces fermages, des prêts multipliés aux nobles et
aux bourgeois et d'heureuses spéculations sur les rentes à vie, lui avaient
permis d'acquérir une fortune considérable et d'acheter un grand nombre de
fiefs, de terres, de maisons et de rentes. Il fut, comme son père, honoré de
charges municipales, et, comme lui, fit de nombreuses libéralités aux
églises. De son premier mariage avec Jacqueline Cappelet, il avait eu un
fils nommé Robert; deux autres fils, Guillaume et Jean, étaient issus de son
second mariage avec Alice Le Tourneur. Robert fut "malvés à son père, dit la
chronique de Pierre Cochon, et plaida à luy et s'en courroucha tant qu'il en
mourut" le mardi d'après Pâques 1412. Robert paraît avoir encore augmenté la
grande fortune de son père; mais il se compromit par dévouement pour la
cause nationale, et le roi anglais, Henri V, lui fit trancher la tête sur la
place du Vieux Marché à Rouen, le 13 juin 1421. Ses deux frères, Guillaume
et Jean, héritiers de leur mère Alice et en partie de leur père, se
partagèrent ces successions le 13 septembre 1430. Jean était alors verdier
de la forêt de Longboel; il eut dans son lot le manoir et le fief de
Senneville dont l'usufruit, réservé par Jean de Livarrout, s'était depuis
longtemps éteint par sa mort, arrivée avant 1406, puisqu'à cette date,
Robert Alorge avait loué son manoir de Senneville, à la réserve du
colombier, pour 35 setiers de blé par an. Robert Alorge, fils de Jean, lui
succéda comme verdier et seigneur de Senneville, et mourut vers 1490.
Il est probable que ce fut son fils Martin qui fit édifier le château dont
il parle dans un acte émané de lui. Martin Alorge avait acheté, en 1564, du
prieuré des Deux-Amants, le fief de Gamaches, qui s'étendait sur Senneville,
Amfreville et Flipou, et les fiefs des Havars et de Doresvaux, et les avait
réunis à la seigneurie de Senneville. Étant tombé dans un grand état de
faiblesse, il les céda, avec ses autres biens, à son fils Georges, en se
réservant à Senneville "ce qu'il faudra pour meubler deux chambres à
gardes-robes du grand bâtiment en briques, ses coffres, son fil, filasse et
toiles, avec les meubles d'une cuisine, une écurie pour sa haquenée, une
tourelle à faire poullier, une part du colombier, etc". Il est évident que
les mots "grand bâtiment en briques" employés dans ce contrat du XVIe siècle
désignent le manoir en briques et pierres déjà construit à cette époque, tel
à peu près que nous le retrouvons aujourd'hui. Georges Alorge, écuyer, sieur
de Senneville, de Gamaches et des Havars, avait épousé Anne du Poirier, dont
il eut, entre autres enfants, Tranquille Alorge, seigneur de Senneville. Ce
dernier, mort avant 1667, avait laissé quatre enfants, dont l'un, Charles,
est qualifié, dans un aveu du 12 juillet 1690, de chevalier, seigneur de
Senneville et des fiefs de Gamaches, Havars et Doresvaux. Ce fut sans doute
de son temps qu'on sculpta les remarquables cheminées qui ornent deux pièces
du château de Senneville. La cheminée de la première pièce est décorée du
buste de Louis XIV dans l'éclat de la jeunesse. Ce buste est placé sur un
socle où l'on voit l'emblème et la devise du grand roi, imaginés par
l'antiquaire Douvrier après le carrousel de 1662, et qui eurent alors un
succès prodigieux: un soleil dardant ses rayons sur un globe avec les mots:
nec pluribus impar. Aux deux côtés du socle, deux anges ou plutôt deux
amours. L'encadrement de la cheminée est de la même époque.
Les ornements de la seconde pièce sont plus complets. Des guirlandes de
fleurs et de fruits, entourées d'un ruban croisé, courent le long de la
cheminée et du plafond, qu'elles divisent en deux parties. Sur la cheminée,
deux statuettes de femmes sont appuyées contre une urne aux dessins
allégoriques; au-dessous, un bas-relief dans le même genre. Ces belles
sculptures, dues au ciseau d'un maître dont le nom n'est pas connu, ont été
légèrement grattées et blanchies, mais ne paraissent pas avoir trop souffert
de cette opération. Au commencement du XVIIIe siècle, la seigneurie de
Senneville passa des Alorge aux Godefroy, ancienne famille du pays, et
appartint successivement, en 1718, à Charles-Nicolas Godefroy, conseiller au
Parlement de Normandie, et, en 1761, à Charles-David Godefroy, gentilhomme
ordinaire de la chambre du roi. Puis, elle entra dans la famille d'Aligre,
par le mariage de Marie-Charlotte Godefroy avec Etienne, marquis d Aligre,
pair de France, et ensuite, par alliance, dans la maison de Pommereu. Elle
était à la fin du XIXe siècle la propriété de M. Lecomte de Romilly. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures ; la cheminée de la salle
à manger ; le salon avec son décor : classement par arrêté du 3 juillet
1975. Les façades et les toitures de la charreterie et du colombier; le
portail dans l'axe de la façade ouest; les deux portails latéraux de la cour
côté est : inscription par arrêté du 3 juillet 1975. (2)
manoir de Senneville 27380 Amfreville-sous-les-Monts, après avoir été
converti à un usage agricole au XVIIIe siècle, l'édifice a retrouvé sa
vocation résidentielle au XIXe siècle, ouvert au public aux journées de
Patrimoine.
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