|
A mi-chemin entre les bourgs de Briec et de
Landrévarzec se dresse une bâtisse en forme de croix en tau, tournant à la
route une façade aveugle, assez sombre de couleur, et semblant se refermer
sur son passé. Le temps, opportuniste, a fait oublier ce repaire de chouans
qui fut jadis placé sous surveillance spéciale. Les gens de l’endroit, qui
connaissent l’histoire, l’appellent encore "Chez Cornouaille". Cornouaille,
quel grand nom qui englobe les de-ci, les de-là et "autres lieux",
embrassant tout un pays. Ainsi l’évêque de Quimper n’était-il pas, au
temporel, Comte de Cornouaille. Ces Cornouaille de Kerlez disent descendre
des anciens Comtes de Cornouaille et se qualifient de "hauts et puissants
seigneurs" et appellent parfois leur résidence "château". Et pourtant leur
demeure, reconstruite sous le règne de Joseph de Cornouaille, sieur de Kerdu
et de dame Marie-Anne Gourio de Coatanguy, sa femme, n’a rien que de modeste
avec ses treize mètres de long et quatre fenêtres à l'étage. Sa façade,
toute simple, qui, à défaut de colombier dans les dépendances du domaine,
contient une douzaine de niches de pigeons, porte sur le linteau de l’une de
ses ouvertures en anse de panier la date de 1671. Mais Kerlez avait sa
chapelle qui sert aujourd’hui de silo. D’après René de Kerviler, les
Cornouaille descendent d’une famille de Kerinou en Lambézellec déclarée
noble d’extraction en 1670. De fait, Joseph, susnommé, est issu de Jacques,
sieur de Kerinou, né en 1659 à Saint-Nic, écuyer, et de dame Marie-Anne de
Lantivy, lequel Jacques était fils d’un autre Jacques, voyer héréditaire
(percepteur de certains droits) de Brest, et de dame Renée Le Lagadec.
Après Joseph, nous trouvons Guillaume-Jacques de Cornouaille, seigneur de
Kerlez, Roscannou et autres lieux, chef de nom et d’armes. Son épouse,
Louise-Véronique du Boisguéhenneuc de Kermenguy, lui donne trois enfants,
dont Reine-Véronique, née en 1776, et Michel-Armand, né à Kerlez, le 22
décembre 1777. Guillaume-Jacques, le père, meurt en 1780, sans fortune. Sa
veuve sollicite l’admission de Reïne-Véronique à la Maison d’éducation pour
jeunes filles nobles de Saint-Cyr, et de Michel-Armand, à l'Ecole Militaire.
Celui-ci entre alors dans l’une des écoles royales qui préparent à la
carrière des armes le 20 octobre 1786. Il n’a pas neuf ans. De 1793 à 1795,
il sert sur les vaisseaux de la République, afin d’éviter à sa mère d’être
inquiétée. Il a fait, à ce qu’il semble, des études d’hydrographie à
Saint-Pol-de-Léon, puis passe à la sédition, le 23 octobre 1795, en
s’engageant dans la 9e Légion (chouanne) de Bretagne. C’est l’époque où les
éléments contre-révolutionnaires ont repris le combat pour le rétablissement
de la royauté et les droits de Bretagne, après les exécutions d’émigrés
débarqués à Quiberon. Michel-Armand de Cornouaille entre dans les guides de
Georges Cadoudal, puis sort de France. Rentré en 1797, il se voit, par la
loi, contraint de quitter le territoire de la République et se prépare à
embarquer à Brest sur le Calédonia à destination de Hambourg. Mais de
nouvelles dispositions du pouvoir central assignent les anciens émigrés à
résidence au lieu de leur domicile. Michel-Armand reprend contact avec les
royalistes locaux et chefs de la rébellion et devient chef cantonal,
toujours dans la 9e Légion de Chouans, titulaire d’un brevet de
Lieutenant-Colonel délivré par le Comte d'Artois.
On n’a guère de détails sur ses activités clandestines; mais, à la tête
d’une bande de chouans, il participe à des coups de main et attentats contre
des dénonciateurs, des fonctionnaires publics, prend part notamment au
meurtre, à Saint-Yvi, de Cadiou, huissier du tribunal criminel. Le
Directoire autorisant la prise d’otages en représailles, parents et amis, la
mère et la sœur de Michel-Armand de Cornouaille sont arrêtées et
emprisonnées à Brest. Les Chouans se vengent de leur côté et, le 26 frimaire
an VIII (17 décembre 1799), l’ancien député, juge de Paix du canton de
Briec, Pierre Briand, est assassiné à Kerjos en Landudal. Parmi les auteurs
de cet attentat, on croit pouvoir identifier Cornouaille, qui a reçu un coup
de poignard à la main. Le 29 pluviôse an VIII (18 février 1800),
Michel-Armand de Cornouaille s’est présenté devant le Capitaine de la 58e
demi-brigade, commandant le canton de Briec, en état de siège, désirant
faire sa soumission aux lois de la République. En foi de quoi, il a prêté
serment et signé de Cornouaille. En 1815, le retour de l'Empereur incite de
nouveau Cornouaille à la sédition. Il revient vers ses Chouans à Briec. Mais
sa tête étant mise à prix, il se déplace continuellement, ne pouvant
découvrir un asile assez sûr. La Seconde Restauration ne lui apporte pas
plus que ne l'avait fait la première. Il est Monsieur le Comte de
Cornouaille, Chevalier de Saint-Louis, mais conserve le même grade de chef
de bataillon. Il est bientôt mis à la réforme avec une modeste pension. Il
meurt le 11 mai 1822 à Quimper, à l’âge de quarante-quatre ans. Le Comte de
Cornouaille, de son union avec Rose-Marie-Josèphe de Quélen, laissait deux
filles, dont l’une, Armande-Marie-Rose, s’unit à Cyprien-Pierre-Hyppolite
Hersart de La Villemarqué. Les Hersart de La Villemarqué, qui accoleront à
leur nom celui de Cornouaille, deviennent, par héritage, propriétaires du
manoir de Kerlez qu'ils n’habitent pas. Celui-ci, converti en ferme, est
acheté, en 1901, par la famille Le Séac’h. (1)
manoir de Kerlez 29510 Briec, propriété privée, ne se visite pas.
Notre site recense tous les manoirs de France, si vous possédez des
documents concernant ce manoir (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Propriétaire
de cet édifice, vous pouvez enrichir notre base de données en nous adressant
des photos pour illustrer cette page, merci.
A voir sur cette page "châteaux
dans le Finistère" tous les châteaux répertoriés à ce
jour dans ce département. |
|