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Le manoir qui était
abandonné en 1970, était, vingt-cinq ans plus tard fort bien conservé avec
sa cheminée monumentale, ses imposantes poutres enfumées et ses fenêtres à
meneaux. De vieux meubles sentant la cire et frappés de clous dorés
illuminaient la pièce avec la complicité de quelques cuivres. Il était un de
ces manoirs dont, au XVIIIe siècle, Rétif de La Bretonne a vu "habités par
des gentilshommes chasseurs, en guêtres, en souliers ferrés, portant sous le
bras une épée rouillée, mourant de faim et refusant de travailler".
L’inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France
pour le canton de Carhaix-Plouguer, précisant sa description, ajoute "le
logis a été découronné a son extrémité ouest, aujourd’hui couverte d’un
appentis. Les deux ailes, l'une sur le même alignement contre la face est,
l’autre en retour d’équerre sur la face postérieure, sont des rajouts; le
deuxième de ces rajouts a dû entraîner la destruction d’une tour avec
escalier qui a été remplacée par un escalier droit intérieur". Bâti sur une
hauteur, on pouvait, il y a une vingtaine d’années, admirer, tout proche, un
chêne plusieurs fois centenaire, dont les branches, lors d’une coupe alors
récente, avaient fourni plusieurs cordes de bois. C’est tout proche, aussi,
que se tenait jadis la foire dite du "Marc’hallach". On y accourait de
Carhaix et de tout le Poher. Le bois voisin, qualifié de bois de haute
futaie, donnait asile aux charbonniers et sabotiers qui y installaient leur
hutte. En 1500, le manoir appartenait à Jean de Cabournais, époux de Jeanne
de Boutteville, fille de Jean, seigneur du Faouet et de Marie de Kerymerch,
lequel le laisse à son fils Guillaume, en 1517. La famille de Carbournais
comparait aux diverses montres de 1426 a 1536. Pierre, sénéchal de
Cornouaille ratifia le traité de Guérande en 1381. En 1536, un autre Jehan
de Carbournais, signalé lors de la Reformation, y avait encore sa résidence
et possédait également le manoir noble de Kergafré, en Kergloff, alors trêve
de Cléden-Poher.
A la montre de mai 1562, à Quimper, Jehan Kerligonan fait défaut. En 1600,
la famille de Carbournais se fond dans Kerret par le mariage de Jean de
Kerret avec Jeanne de Carbournais, dame de Quillien. Le manoir passe ensuite
à la famille de La Haye qui possédait le manoir du même nom en Cleden-Poher.
A la mort de Jean de La Haye, la gentilhommière revient, en 1620, et selon
un aveu, à Jacques du Liscoét, époux de Mauricette de La Haye. Lors de la
Révolte du Papier timbré de 1675, le manoir de Kerligonan, comme ceux de
Saint-Agnés, du Lan et du Stanger, eux aussi en Kergloff, est mis à sac, et
a la confection du Papier Terrier de 1680, il est toujours en ruines. Par la
suite, Kerligonan passe à la famille de Coigny, précisément a l'oncle
d’Aimée de Coigny, chérie par André Chénier, puis aux Mahé des Portes,
apparentés à Mme Alys Gigan des Portes, la délicate poétesse carhaisienne.
Kerligonan-Quélennec était la plus importante juridiction de Kergloff, le
ressort s’étendant sur plus de la moitié de la paroisse. En 1649, on
expédiait les affaires à la chapelle du Pénity Saint-Laurent, en Landeleau,
en même temps que celles de Châteaugal, du Grannec et de Quinimilin. Ce
n’est qu’en 1658, à la suite de diverses ventes que Le Quélennec entra dans
la sénéchaussée de Carhaix. Longtemps cette juridiction posséda des fourches
patibulaires. Au village de Cléhelvez, on signale encore un champ appelé "Coz
justic" et dans une ferme voisine, on vous montre les blocs de granit ayant
supporté les fourches. Si, plus tard, elles n’eurent d’autre but que la
décoration de la Seigneurie, elles avaient, auparavant, servi à pendre bon
nombre de voleurs et de bandits de grands chemins. (1)
manoir de Kerligonan 29270 Kergloff, propriété privée, ne se visite pas.
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