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La route, qui mène de
Mézangers à Hambers par le vieux village de Chelé, passe devant un vénérable
et austère logis de granit, doté d'un monumental conduit de cheminée sur sa
façade arrière. Le temps ne semble avoir eu que peu de prise sur la Grande
Coudrière. Ce logis a gardé son aspect de toujours. Il a perdu ses murs
d'enceinte et retrouvé les douves qui, autrefois, le protégeaient des bandes
armées qui sillonnaient le pays. Alors fermé de tous les côtés, il n'était
accessible que par une porte charretière et un petit pont enjambant l'eau
des douves. Le lieu où jadis abondaient les coudres, autrement dit les
noisetiers, est riche en sources. Cette région, au pied du Montaigu, est
habitée depuis bien longtemps et l'on trouve de nombreuses traces
monumentales de cette longue présence, en particulier à Chelé où demeurent
les vestiges d'un château et d'une chapelle, et à Hambers des logis anciens.
La Grande Coudrière semble avoir été édifiée dans le courant du XIVe siècle
et avoir connu quelques aménagements postérieurs mais toujours à la même
période. Cette demeure nous serait donc parvenue presque intacte, six
siècles après sa construction. Elle est constituée d'un rez-de-chaussée à
usage de cellier et de cave et sous la cuisine de fournil avec jadis un four
à pain. L'étage est accessible par un escalier extérieur autrefois protégé
par un auvent tout comme la porte d'entrée l'était par un "chapitreau". Une
fois franchie cette porte, accès unique, on pénètre dans une grande salle
sous charpente, de 90 m², dotée d'une grande cheminée dont le remarquable
conduit se voit à l'extérieur. À l'une de ses extrémités, une petite annexe
servait de cuisine et communiquait avec elle par un passe-plat; à l'autre
extrémité fut aménagée, dans un second temps, une chambre dotée d'une
cheminée. Une porte donnait accès aux latrines et peut-être à une galerie de
bois, extérieure. De la grande salle, un escalier de bois permettait
d'accéder à une chambre haute sous les combles, elle même aménagée après
coup.
Ce plan très simple est encore, à quelques détails près, celui de la
demeure. On peut remarquer dans le mur de la salle principale, encastrée
dans le mur de façade, une pierre percée d'un trou, qui peut avoir été un
lavabo. Cette salle est éclairée par une belle fenêtre ogivale. Ce plan
d'une grande simplicité, cave et cellier surmontés d'une pièce unique sous
charpente avec une seule cheminée et une cuisine en annexe, semble indiquer,
selon jacques-Henry Bouflet, qui a travaillé à sa réhabilitation, que la
Grande Coudrière n'était peut être pas destinée, dès l'origine, à
l'habitation permanente mais bien plutôt à recevoir un grand nombre de
personnes à l'occasion de chasses où de circonstances solennelles. Puis la
grande salle a été coupée par une cloison pour aménager une chambre à sa
suite, dotée d'une cheminée dont le conduit se voit sur le pignon, et d'une
chambre à l'étage sous les combles. Ces aménagements postérieurs à la
construction, mais sans doute assez rapprochés, ont permis une résidence
permanente. On peut voir là un exemple d'une répartition très simple et
horizontale de l'habitation entre "l'aula", pièce publique où le maître de
maison reçoit et manifeste sa puissance et "la camera", pièce privée. Dans
une note de l'édition du Mémoire chronologique sur la ville de Laval, de
Charles Maucourt de Bourjolly, publiée en 1886, La Grande Coudrière est
décrite comme "un grand corps de logis dont la partie habitable forme un
étage peu élevé auquel on accède par un escalier de pierre extérieur. Cet
étage est divisé en deux immenses pièces par une cloison de bois, à petits
panneaux, d'un curieux travail, mais d'un genre qui dut être assez commun
dans la région, au moins dans les maisons aisées, car on en voit un spécimen
en tout point semblable dans une ferme voisine, la Verrerie, ancien manoir.
La porte est ogivale, les fenêtres sont à meneaux, et à l'intérieur, dans
leurs embrasures, ont été encastrés des bancs de pierre".
La Grande Coudrière était un fief relevant de la seisneurie des Ecottais en
Jublains avant de relever de la baronnie du Rocher à Mézangers. Convertie en
ferme pendant plusieurs siècles, elle retrouve sous l'impulsion de ses
nouveaux propriétaires M. et Mme Richardot, séduits par son originalité, son
aspect d'antan. Ceux-ci se sont déjà attachés à remettre en eau les douves,
à restituer la porte charretière et son petit pont et à dégager l'intérieur
des aménagements qui y avaient été faits. L'historien Charles Maucourt de
Bourjolly (1645-1721) a habité La Grande Coudrière avec son épouse Renée
Debonnaire, après son mariage célébré en 1675. Il était le fils du fermier
général de la terre de La Roche-Pichemer en Saint-Ouen-des-Vallons, et avait
d'abord été avocat en Parlement. Il se consacra à des travaux historiques
sur Laval et ses seigneurs, restés à l'état de manuscrits et publiés, au
XIXe siècle, sous le titre de Mémoire chronologique sur la ville de Laval,
dédié à Marie-Louise de Laval-Montmorency, duchesse de Roquelaure et du
Lude, châtelaine du Rocher à Mézangers, depuis 1683. Charles Maucourt de
Bourjolly est mort à Mézangers le 10 août 1721 et l'on peut toujours voir sa
pierre tombale, dans l'ancienne église de Saint-Ouen-des-Vallons. La Grande
Coudrière conserve, dans son grenier, depuis un temps immémorial, une selle
frappée de malédiction. Si l'on en croit la légende, elle ne doit pas être
déplacée sous peine de malheur pour celui qui oserait braver l'interdit.
Elle appartenait dit-on, à un homme qui lorsqu'il ne chevauchait pas pour
chasser ou guerroyer passait sa vie à alterner les plaisirs de la table avec
ceux du lit ! Lors d'une partie de chasse, il fit une chute et en mourut. Du
Purgatoire où il attend peut-être encore, une éternité plus riante, il
aurait maudit celui qui toucherait à la selle, qui jadis sur terre, l'avait
conduit à ses plaisirs. (1)
Éléments protégés MH : le logis proprement dit et les deux bâtiments annexes
dont l'ancien portail ; l'anciennes douves et le terrain d'assiette de la
plate-forme délimitée par les dites douves : inscription par arrêté du 6
février 1997.
manoir de la Grande Coudrière, D-272, 53600 Mézangers, propose la
location de chambres d'hôtes.
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