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Le manoir du Renouard, qui nous offre les
caractères du style de la Renaissance, paraît avoir été édifié, à la fin du
XVIe siècle, sur l'emplacement d'une habitation beaucoup plus ancienne mais
dont il serait difficile de fixer même approximativement la date. Il reste
encore quelques parties de murs qui lui appartiennent. Dans une des salles
du château se trouvent aussi des vestiges de peintures murales,
malheureusement bien incomplètes et bien effacées. Ce genre de décoration,
qui se rencontrait dans les grandes habitations seigneuriales, s'observe
également dans des manoirs de moindre importance. M. de Caumont l'a signalé
notamment dans certaines maisons bourgeoises de la ville de Caen. Presque
toujours tout cela s'est très détérioré, si bien qu'il est impossible de
reconnaître le sujet que l'artiste avait été chargé de représenter. Au
Renouard, on voit distinctement des fleurs de lis et un personnage armé de
toutes pièces, tenant en main une épée. Le reste de la scène a disparu. Plus
loin, on aperçoit un groupe de femmes debout; l'une d'elles tient un enfant
dans ses bras. Six grandes cheminées, par leur masse et leur appareil
régulier, rappellent les cheminées des constructions de la Renaissance. Dans
les bâtiments de la ferme voisine, une porte d'entrée, en manière de porche,
semble dater du XIIIe ou du XIVe siecle; ses fenêtres en lancette sont aussi
de la même époque. Le chemin de l'église longe des terrassements qui
remontent à une époque ancienne, mais que rien ne permet de déterminer avec
certitude. Ils constituaient probablement des travaux de défense.
On peut reconstituer la suite des seigneurs du Renouard sans interruption
depuis 1069 jusqu'en, 1789. Les Bailleul apparaissent comme les premiers
possesseurs du Renouard et le conservent pendant onze générations jusqu'en
l'année 1595. Aux Bailleul succèdent les Souvré, de 1595 à 1691. Le château
leur avait été apporté par le mariage de Françoise de Bailleul avec Gilles
de Souvré. En 1691, le mariage d'Anne de Souvré avec Le Tellier, marquis de
Louvois, fait passer la seigneurie dans cette dernière famille, qui la
transmet à son tour aux de Corday par le mariage de Marie-Anne-Philippe de
la Chesnaie-Beaumont, arrière-petite-fille de Louvois, avec Pierre-Charles
de Corday, en 1752. C'est en 1786 que le château Renaissance dont nous avons
signalé quelques détails fut démoli. Le château moderne a été construit par
P.-J.-B.-H. de Corday. La propriété a été achetée en 1865 par M. Renouard,
qui dans le vieux castel réparé par ses soins a établi un musée
archéologique. On y voit un bas-relief en albâtre, autrefois placé dans
l'église du Renouard, à l'occasion de la mort tragique de Madeleine de
Bailleul. Cette jeune fille, ainsi qu'une de ses amies, Mademoiselle de la
Moricière, fut brûlée vive à Rouen dans un terrible incendie qui se déclara
le 4 mai 1569, lors d'un bal qui suivait un grand festin de noces. Le poète
Vauquelin de la Fresnaye consacra à Madeleine un Tombeau de
soixante-quatorze vers précédé de trente-trois sonnets réunis sous ce titre:
"Sonets sur la mort infortunée de D. Madeleine de Bailleul, fille du
seigneur du Renouart avenue l'an 1569".
Les de Corday, originaires de Saint-André-de-Corday, au doyenné d'Aubigny,
portaient d'azur à trois chevrons brisés d'or, avec la devise: corde et ore.
Leur noblesse avait été reconnue authentiquement, et à plusieurs reprises,
ainsi qu'on peut le voir en se reportant aux Recherches de 1463, de 1599 et
de 1666. On sait que Charlotte Corday naquit dans une commune voisine, à
Saint-Saturnin-des-Ligneries, mais son souvenir se rattache à toutes les
communes du voisinage et notamment à celle du Renouard, dont le
tabellionnage reçut plusieurs actes concernant sa famille. Elle séjourna
d'ailleurs assez souvent dans l'habitation de son père, au Mesnil-Imbert,
commune aujourd'hui réunie au Renouard. Quand M. de La Sicotière recueillit,
sur les lieux, des renseignements pour la notice qu'il devait insérer dans
la Mosaïque de l'Ouest, dirigée alors par Emile Souvestre, il remarqua que
le nom de l'héroïne de la Gironde était sur toutes les lèvres. On pourrait
encore aujourd'hui constater la persistance étrange de ce souvenir. (1)
manoir du Vieux-Château 61120 Le Renouard, tel. 02 33 12 88 16, propose
la location de chambres d'hôtes.
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