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Le bocage normand est, aux environs de
Domfront, rempli de pittoresques gentilhommières d'un caractère très
particulier. Ce sont des manoirs jadis habités par des familles souvent fort
anciennes, qui possédaient autour de leur demeure une petite seigneurie et
une petite terre. Reconstruites presque toutes au XVIIe siècle, dans le
calme qui suivit les guerres de religion, on les appelait des logis. Elles
portent la marque d'un style provincial très caractérisé et facile à
reconnaître, mais dont la fantaisie variait dans chacune de ces
constructions rustiques. L'une avait un portail abrité par un large auvent;
l'autre des pavillons trapus à la toiture amincie, des tourelles à
culs-de-lampe, coiffées d'une sorte de cloche. La sévérité du granit bleu du
pays donnait à l'aspect de ces petits castels bocains une mélancolie
ùrofonde. Le manoir de Saint-Maurice reste un curieux spécimen de ces logis
de Basse-Normandie , qui bâtis autrefois pour des familles éteintes,
s'écroulent et s'en vont disparaissant chaque jour. L'histoire du manoir de
Saint-Maurice peut tenir en quelques lignes. Il fut construit, au XVIIe
siècle, par deux membres de la maison de Monpinson-Saint-Maurice, Jacques et
son fils René. Jacques fit élever le principal corps de bâtiment, dont une
pierre porte la date de 1646; René fit construire, en 1666, le portail
flanqué de pavillons à meurtrières, qui donne au logis une entrée
seigneuriale. L'intérieur de la maison avait alors la distribution très
simple, commune à tous les manoirs de la contrée. Au rez-de-chaussée se
trouvait la grande salle. "Salle à manger et salon à la fois, écrit Jules
lecoeur qui a si fidèlement transmis, dans ses Esquisses, les sensations du
Bocage normand, la grande salle est le lieu préféré des réunions de famille.
C'est là que le gentilhomme bocain reçoit ses fermiers, les gens qu'il
occupe et ceux qui ont des comptes à lui rendre. Le mobilier qui la garnit
est peu de chose. un cabinet d'ébène, un bahut historié, deux ou trois
pièces d'argenterie, une vieille tapisserie et de belles faïences".
A Saint-Maurice, les tapisseries dont les larges panneaux représentent les
scènes d'une histoire d'Alexandre, se trouvent dans la grande chambre. Le
fils de René de Monpinson, Jacques René, baron de Lougé, réédifia l'aile
droite de son logis et fit décorer dans le goût du temps. Il y reçut souvent
les gentilshommes, ses voisins, dans des salles ornées, en un effort d'art
provincial, de boiseries à coquilles et de trumeaux galants. L'on passait
après dîner, dans un jardin à terrasses où s'élevait une serre remplie
d'orangers et de myrtes. Puis l'on trouvait, dans un bosquet à allées
droites et à salles de verdure, une charmille aboutissant à une sorte de
butte, d'où l'on découvrait les lointains horizons du Maine. Derrière le
petit bois, une vaste futaie, appelée troche, selon l'expression normande,
descendait jusqu'à des prairies encadrées dans des rochers et des talus
chargés d'arbres. A la fin du XVIIIe siècle, le manoir de Saint-Maurice
appartenait à Daniel-David de Monpinson, le fils aîné de Jacques-René. Il
fut le dernier de son nom à habiter le logis, où il mourut octogénaire en
1794. Le château de Saint-Maurice passa, à sa mort, à sa fille,
Anne-Rose-Suzanne de Monpinson, qui avait épousé, en 1779, Michel-François
Desson, comte de Saint-Aignant. Il appartint ensuite à la marquise de
Contades, née Suzanne-Emilie Desson de Saint-Aignan qui avait appris, de la
bouche de son aïeul à connaître et à aimer un domaine patrimonial, où sa
destinée devait un jour la conduire.
Le manoir fut vers 1860, restauré par le marquis et la marquise de Contades,
que les liens d'un attachement héréditaire avaient fixés au milieu des
habitants de Saint-Maurice. La façade fut reportée du côté de l'ancien
jardin et un parc anglais, planté d'arbres verts, étendit les pelouses
jusqu'à la vallée de la Maure. Mais le principal charme du vieux logis
réside peut-être dans la partie qui n'a pas été touchée dans cette cour
entourée de constructions anciennes, où une fontaine coule perpétuellement.
Un poète ami a dit le charme de cette cour verte, sorte de patio de
Basse-Normandie, et chanté le... "bassin clair, où, de son bruit débile, une
eau tinte au milieu de la cour en repos, sous l'ombre des grands toits, au
milieu des murs clos, que lambrisse un grand lierre à la feuille immobile".
L'on croirait, en effet, dans cet enclos fermé sur les anciens souvenirs,
que le temps na pas marché depuis la construction du manoir de
Saint-Maurice. Et le maître d'aujourd'hui chérit cette pensée, que, si ceux
qui l'ont précédé dans sa demeure se réveillaient en cette cour intacte, ils
la reconnaîtraient et s'y sentiraient chez eux, à l'abri des mêmes murs, au
bruit de la même source (1). Ce manoir est une construction typique du
Domfrontais, avec un corps de logis en granit, flanqué de deux ailes basses
formant quadrilatère autour d'une cour d'honneur, le tout fermé par un
portail et deux pavillons carrés reliés par un mur. La façade postérieure a
été remaniée au XIXe siècle ainsi que l'intérieur, les deux tourelles
d'angle ont été exhaussées et couvertes de flèches. La poterne porte la date
de 1661. Un mur surmonté d'un auvent la relie de part et d'autre à deux
pavillons carrés garnis de meurtrières. L'aile nord fut reconstruite et
surélevée en 1768. Elle renferme un appartement qui conserve des vestiges de
boiseries. Datée de 1622, l'aile sud fut reconstruite en 1924.
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du manoir avec ses deux
ailes et de la poterne avec les deux pavillons d'entrée: inscription par
arrêté du 8 décembre 1981. (2)
manoir de Saint-Maurice-du-Désert 61600 Saint-Maurice-du-Désert,
propriété privée, ne se visite pas.
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