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L'occupation du site du Grand Beaumarchais semble ancienne. Il est signalé
comme fief au XVIe siècle et le hameau du Petit Beaumarchais en dépend. Par
la suite, la fondation d’une chapelle dédiée à la Vierge dans l’enceinte du
château est mentionnée (on parle même de chapelle construite dans la cour du
donjon de Beaumarchais). Le fief de Beaumarchais passe dans de nombreuses
mains sous l’Ancien régime. Son occupant le plus illustre, dans le courant
du XIXe siècle, fut sans doute le baron Auguste de Berthois (1787-1870),
officier proche de Napoléon jusqu’à son abdication, qui termina sa longue
carrière comme maréchal de camp. Marié à Mademoiselle Lanjuinais en 1822, il
hérite du domaine de Beaumarchais à la mort de son beau-père en 1827,
Jean-Denis Lanjuinais, célèbre juriste et homme politique de l’époque. Les
historiens ou érudits qui se sont intéressés à l’histoire de la petite
seigneurie de Beaumarchais n’ont pas relevé de descriptions précises des
propriétés bâties qui en dépendaient. Il faut se rapporter à une gouache
anonyme pour avoir une idée de l’aspect de la maison seigneuriale. Celle-ci
pourrait dater du XVIIe siècle avec l’alliance caractéristique de la brique,
de la pierre et de l’ardoise mais semble aussi avoir été remaniée vers la
fin du XVIIIe siècle ou le début du XIXe siècle du fait de la présence d’un
demi étage sous comble fréquent, à cette période, dans les demeures nobles.
La ferme, aujourd’hui toujours rattachée au domaine, paraît avoir conservé
sa dis position ancienne et il est possible que, malgré "l’habillage" des
façades et la reprise générale des couvertures effectués certainement dans
une période de peu postérieure à la reconstruction de l’actuel manoir de
Beaumarchais (et de manière plus sèche), les structures anciennes du bâti
soient encore en place.
Louis Boucheron achète le domaine à la fin des années 1920 et s’installe
dans un premier temps au vieux Ménillet. Il construit sa propre demeure en
arrière de l’ancienne emprise: il s’éloigne de la route, de la ferme et des
anciens fossés encore en eau, pour construire dans une zone plus boisée,
répondant ainsi plus à l’objectif de son installation en Brie: la chasse. En
effet, cette partie de la Brie, très accessible depuis Paris, en ce début de
XXe siècle, est reconnue pour l’abondance du gibier, favorisé de par la
présence, à la fois de zones humides, de zones boisées et de zones
cultivées. D’importants parcs de chasse y sont aménagés, parfois très
anciens comme celui du château du Vivier à Fontenay-Trésigny ou plus récents
comme celui du parc du château d’Armainvilliers, propriété des Rothschild à
l’époque de Louis Boucheron. Les parcs voisins des châteaux du Limodin et de
Champrosé peuvent eux aussi être qualifiés de parcs de chasse. Entre
tradition et modernité, le manoir de Beaumarchais est, par sa construction,
représentatif du style dit "régionaliste" qui se développe en France et en
Europe dans le premier tiers du XXe siècle d’abord sur des lieux de
villégiature (bord de mer ou montagne) puis dans les zones péri-urbaines,
pour enfin se démocratiser complètement après les années 1930. La commande
de Louis Boucheron devait être celle d’une demeure campagnarde, plus
résidence de chasse que château. La chasse se déroulant sur la période
automnale et hivernale, il était important pour Louis Boucheron que sa
demeure soit confortable et moderne. Louis Boucheron était déjà propriétaire
d’une maison à Trouville où il séjournait régulièrement.
Il avait sans doute un goût particulier pour l’architecture normande car il
fait appel, pour réaliser un premier projet, à un architecte de cette
origine: Henri Jacquelin. Né à Evreux, celui-ci est remarqué pour ces
nombreuses transformations et modernisations de manoirs dans le Calvados ou
dans l’Eure: manoir Saint-Hilaire à Louviers, manoir de La Pommeraye,
château du Petit-Fontaine à Arromanches. Installé à Paris, Henri Jacquelin
achève, en 1927, la reconstruction du château d’Hattonchâtel en Lorraine
dans un style, cette fois troubadour. Il soumet en mars 1927 un premier
croquis à Louis Boucheron représentant les deux façades Est et Ouest de la
nouvelle demeure. Ces deux croquis emportent l’adhésion du commanditaire;
Henri Jacquelin ne modifiera que peu le projet au moment de la phase de
réalisation. En plus de la demeure, Jacquelin dessinera une petite maison de
jeu pour la fille de Louis Boucheron surnommée Mlle Coco. Cette maison sera
appelée le "cocotier fleuri" et construite légèrement à l’écart du manoir.
La source d’inspiration du manoir est clairement l’architecture normande
notamment celle des manoirs du pays d’Auge des XVe, XVIe et XVIIe siècles.
Henri Jacquelin, avec un souci presque archéologique, a rassemblé des
éléments parfois disparates de cette architecture, jouant sur les matériaux
(pierre, brique, bois), les volumes (variés et complexes) et le décor
(appareillage de la pierre, bois sculptés, colonnade). La mise en œuvre des
matériaux adopte des techniques anciennes. De récents travaux sur les pans
de bois de l’aile Sud ont permis de mettre en évidence que ceux-ci étaient
traités comme dans l’habitat traditionnel. Il ne s’agit donc pas d’un
plaquage. Cette recherche de l’authenticité ira même jusqu’au
"vieillissement" artificiel des poutres à l’aide d’une gouge, afin d’adoucir
les arêtes trop franches de la poutre sciée mécaniquement.
La seule concession faite à la modernité par Jacquelin dans l’architecture
extérieure de la maison est le traitement apporté aux ouvertures, souvent
grandes et larges, même dans les tours. Elles laissent pleine ment entrer la
lumière et ouvrent la maison sur son environnement: en particulier, les
baies en plein cintre des salles de réception situées au rez-de-chaussée qui
ne s’inspirent en aucune façon de l’architecture normande. Le manoir de
Beaumarchais semble être la première construction ex-nihilo importante
d’Henri Jacquelin. Pour cette construction, un dialogue étroit s’est noué
entre l’ancien étudiant des Ponts et Chaussées et l’architecte. Les dessins
et les plans de Jacquelin sont soigneusement étudiés par Louis Boucheron qui
n’hésite pas à les amender. Une fois la phase de conception passée, Louis
Boucheron restera, pendant tout le cours des travaux, attentif aussi bien à
la construction elle-même qu’au décor intérieur, au mobilier (dessiné en
partie par Jacquelin) et aux équipements de confort: chauffage, électricité
et eau. Rigoureux et vigilant, rien ne lui échappe, il relève tous les
retards, les erreurs, les manques et rapporte au maître d’œuvre du cabinet
Jacquelin, un certain Lebas, les remarques résultant de ces visites sur
place. Le manoir fut construit très rapidement. Dès octobre 1928, le couple
de gardien est en mesure d’emménager dans l’aile Nord de la maison et il est
prévu que la venue de la famille Boucheron suive de peu. Le manoir de
Beaumarchais appartient toujours à des descendants de Louis Boucheron qui
proposent, aujourd’hui, un accueil en chambre d’hôtes. En 1995, les façades
et les toitures du manoir de Beaumarchais sont inscrites à l’inventaire
supplémentaire des Monuments historiques au motif qu’il s’agit d’une
"imitation quasi parfaite d’un manoir normand transposé en Île-de-France, un
exemple significatif d’architecture régionaliste des années 30".
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du manoir :
inscription par arrêté du 31 octobre 1995 (1)
manoir de Beaumarchais 77610 Les Chapelles-Bourbon, tel. 01 64 07 11 08,
propose des chambres d'hôtes.
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