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Les seigneurs de Mellet sont attestés en 1066,
mentionnés dans le cartulaire de l'abbaye de Tulle (Gerburge de Melet). Ils
apparaissent également dans ceux des abbayes périgordines de Chancelade en
1203 (A. de Melet) et du Dalon en 1220 (Raymond de Melet). D'après
Saint-Allais, les Mellet sont originaires du lieu et en auraient pris le
nom. Comme d'autres fiefs du territoire, tels Muratel et Beauregard, celui
de Mellet relevait de la châtellenie d'Ans, qui elle même était mouvante de
l'évêché d'Angoulême depuis le XIIe siècle, et le resta jusqu'au XVIIe, et
était comprise dans la vicomté de Limoges. On ne dispose d'une généalogie
suivie des Mellet qu'à partir d'Hugues, damoiseau, qui reçoit une
reconnaissance au mois d'octobre 1334 pour les biens relevants de lui situés
dans la paroisse de Bersac. Les caves situées sous la partie nord du château
sont les vestiges d'un logis du XIIIe ou du XIVe siècle : murs d'environ
2,20 m d'épaisseur, porte en arc brisé et fentes de jour verticales à large
embrasure intérieure sont les principaux éléments sur lesquels reposent la
datation. Ces caves, qui prenaient jour au nord et à l'est, sont tout ce qui
reste du logis seigneurial des Mellet. Mais cette maison noble semble avoir
fait partie d'un ensemble plus important. D'abord, la pancarte des deux
diocèses du Périgord de 1554, qui reprend l'organisation paroissiale d'avant
1317, mentionne l'ecclesia de Melet, relevant de l'archiprêtré d'Excideuil.
Ensuite, des sépultures qui voisinaient le château de Mellet, évoquées par
André de Marcillac en 1887, n’ont pas été datées, mais, selon toute
vraisemblance, elles étaient situées dans l’ancien enclos cimetérial lié à
l’église primitive de Mellet. Si, en janvier 1641, une habitante du village,
Marguerite Laroche, est inhumée dans la "chapelle de Mialect", il ne reste
aujourd'hui aucun vestige de l'édifice religieux. Enfin, le "village de
Mellet", où résident plusieurs familles (les Soutect, Laroche, Alibert,
Daspas...) dans la première moitié du XVIIe siècle, est encore indiqué sur
la carte de Belleyme en 1767, là où aujourd'hui ne reste aucune construction
hormis les dépendances du château. C'est donc, semble-t-il, un véritable
pôle ecclésial et seigneurial qui occupait le site au Moyen Âge, pôle dont
la partie ecclésiale a dû péricliter assez tôt au profit de la paroisse de
Bersac et du bourg de Beauregard.
Le repaire de Melet est mentionné en 1445 dans un échange entre Jean de
Bretagne, vicomte de Limoges, et la "dame de La Mothe" le vicomte cède "100
sols de rente à prendre sur le repaire de Melet, non comprise toutefois la
justice dudit lieu et ses appartenances" que le vicomte se réserve. Dans un
contrat de vente du 15 avril 1456, Jaubert Ier de Mellet, "damoiseau", est
qualifié de "seigneur de Mealet en partie, près la paroisse de Bersac". Ses
successeurs, qui habitent le "repayrium Meleto" (1467) jusqu'au XVIe siècle,
s'en désintéressent ensuite : la branche aînée lui préfère d'abord le
domaine de Saint-Pardoux (dans son testament établi en 1522, Jaubert II
demande à être enterré dans l'église de Saint-Pardoux), puis celui de
Neuvic, dont Jean de Mellet, le fils de Jaubert II, hérite par le don que
lui en a fait par testament du 17 avril 1532 son oncle Annet de Fayolle. Par
mariage ou par vente, le château de Mellet change successivement de main par
la suite. Il est ainsi possédé par les familles de Losse (1485), de Seguy
(avant 1635), de Douhet d'Auzers (après 1709), de Peyrat (1720), de Meynard
(1758), de Marcillac (vers 1811), de Boishamon, puis de Pompignan (1975). Le
14 août 1609, Jean III de Losse rend hommage pour ses "châteaux de Losse, de
Bermondie, Saint-Lyons (Saint-Léon) ; maisons, moulins, rentes de Montignac
; rentes d’Asserac ; ses maisons de Peyrignac et de Mellet, mouvant du roi à
cause du comté de Perigord et vicomté de Limoges". Mais avant 1635, il vend
le domaine à Guillaume Seguy, bachelier en droit, juge de Badefol puis des
terres et juridictions de Badefol et de Peyraux, qui réside à Beauregard.
Guillaume fut aidé dans cette acquisition par le seigneur de Peyraux et par
le bel héritage reçu de son beau-père, le "sieur Lambert", Guillaume avait
épousé en secondes noces Louise Lambert.
Le château actuel semble devoir l'essentiel de ses dispositions à une
reconstruction quasi complète au cours du deuxième quart du XVIIe siècle.
Plusieurs caractéristiques autorisent cette datation : les chaînes d'angle
harpées régulièrement à bossage en table adouci similaires, parmi bien
d'autres exemples, à celles du château de Sauveboeuf (à partir de 1624) ; un
soupirail en forme d'oculus ovale, sur le corps de moulures duquel sont
agrafés des claveaux, est un motif typique de la fin du XVIe siècle et du
début du XVIIe siècle ; le cadre des fenêtres, simplement constitué de
l'arête vive du mur entourée de chaînes harpées à bossages en table adouci,
comme au château de La Force, à l'hôtel de Laubardemont à Bordeaux ou au
château de Lislefort à Lignan en Gironde, pour ne citer qu'eux ; en outre,
ces fenêtres n'étaient dotées ni de traverse ni de meneau, ce qui rapproche
la construction du milieu du siècle ; la même conclusion vaut pour l'absence
d'ouverture de tir pour armes à feu légères, dispositifs défensifs qui se
voient encore au château de Sauveboeuf en 1624. Le Livre de Raison des
Raffailhac confirme cette datation et atteste l'attribution du château : le
fils de Guillaume Seguy, Jacques, seigneur de Mellet, avocat au parlement de
Bordeaux, "employa sa jeunesse à fere conduire une fontaine qui luy cousta
beaucoup et sans y réussir ; apprès, commença à bastir [le château de Mellet],
quy luy cousta aussy beaucoup, qu'il laissa imparfaict pour faire une forge
à Muratel qu'il laissa aussy imparfaicte, a depenscé en fantaisies etc. plus
de 40 000 livres et jamais son grand père n'avait eu vaillant 500 escus
après sa mort". Si l'attribution du château de Mellet à Jacques Seguy est
désormais assurée, reste à préciser la datation des travaux. Dans un acte du
21 décembre 1638, une mention indique qu'Antoinette de Roux de Campaignac
est déjà mariée à Jacques Seguy, puisqu'elle est alors appelée "damoyselle
de Mialect". Toutefois, l'acte indique qu'elle est "du bourg de Beauregard",
autrement dit qu'elle réside alors à Beauregard, et non encore à Mellet.
Cette date peut assurément être considérée comme un terminus post quem. Par
ailleurs, si la date de la mort de Jacques Seguy fournit un terminus ante
quem sûr (mars/avril 1657), il paraît clair, toujours si l'on se fie au
livre de raison, que la construction eut lieu bien avant, puisque Jacques
Seguy la laissa "imparfaict[e", c'est-à-dire inachevée, pour construire
notamment la forge de Muratel. Un acte permet peut-être de resserrer cette
fourchette chronologique : le 28 août 1645, la "fille du menuisier de Mellet"
est ensevelie dans le cimetière de Bersac. S'il s'agit bien du menuisier
travaillant au château comme on est tenté de le croire, il faut également
supposer que les travaux, qui concernent le second-œuvre, étaient alors en
voie d'achèvement à cette date. 1638-1645 est donc la fourchette
chronologique qui peut être proposée.
Le château, tel qu'il peut être restitué dans son état du XVIIe siècle,
présentait plusieurs dispositions assez peu répandues dans la région.
D'abord, il appartient au type du plan-massé isolé, qui était autrefois
bordé directement de tous côtés par des douves sèches. En effet, le
soubassement en grand appareil de pierre de taille présente un léger talus
couronné par un cordon torique formant escarpe, selon une disposition qui se
voit dans la région à Issan (1621-1625) et à Sauveboeuf (à partir de 1624),
mais où elle est employée pour protéger la partie basse d'une plate-forme
(Issan) ou des bâtiments organisés en quadrilatère autour d'une cour (Sauveboeuf),
directement bordée d'un fossé. A Mellet, cette disposition indique que la
demeure était environnée de profonds fossés (dont l'accès à la cave au nord
est un vestige) et qu'elle était accessible par un pont-levis ou un
pont-dormant depuis la plate-forme qui la précédait. Ensuite, le château se
présente comme un agrégat de trois pavillons, un pavillon central flanqués
par deux pavillons carrés plus hauts d'un étage. Mais là encore, une
particularité s'observe : ces pavillons ne sont exprimés qu'en élévation,
les murs étant au même alignement que les murs gouttereaux du corps central
- contrairement à l'habitude, où les pavillons sont plus saillants. Une
autre observation peut être faite : dans son état actuel, le château ne
possède pas de grande salle, un escalier occupant le centre du corps
principal. Suivant la tradition, la grande salle devait être à cet endroit,
avec l'escalier attenant, rejeté sur le côté. Enfin, la distribution ainsi
restituée révèle que la demeure possédait à l'origine un nombre réduit de
pièces, ce qui suggère que Mellet était pour ses propriétaires plutôt une
"maison des champs" qu'une résidence principale - cela semble se vérifier
par la suite de l'histoire, car plusieurs propriétaires par la suite (Henri
Peyrat, Léger Combret de Marcillac) ne résidaient pas de manière permanente
à Mellet mais à Paris ou à Périgueux.
La mort de Jacques Seguy en 1657 laisse une veuve, Antoinette de Roux de
Campaignac, et plusieurs enfants, dont Guillaume de Seguy, qui hérite mais
meurt dès 1683, puis François de Seguy de Mellet, qui, en tant que
"possesseur du château de Mellet" en 1683, porte plainte contre le seigneur
de Rouffignac et d'Allassac et Marguerite de la Morélie, la veuve de
Guillaume : ceux-ci, "accompagnés de 30 ou 40 personnes armées d'épées, de
pistolets et de fusils, se seraient emparé par force et violence du château,
auraient rompu et enfoncé les coffres, pris 2 000 livres d'argent et pour
100 louis d'or de hardes, habits, linge et autres choses". Simple cornette
au régiment de Villeneuve en 1678, puis chevalier de l'ordre militaire de
Saint-Louis et pensionnaire du roi en 1709, François meurt lui aussi peu
après sans postérité, laissant tous ses biens à sa sœur Isabeau. Celle-ci,
mariée en 1692 à Jacques de Douhet d'Auzers, fait entrer Mellet dans cette
famille, qui le garde peu de temps. En effet, le 17 avril 1720, Jacques de
Douhet d'Auzers vend la terre de Mellet pour 77 830 livres à un
maître-chirurgien de la ville de Paris originaire de Tulle, Henri Peyrat. En
1736, Henri Peyrat, "écuyer, seigneur de Melet, demeurant à Paris, rue du
Grand-Chantier, paroisse Saint-Nicolas des Champs", rend foi et hommage à
l'évêque d'Angoulême pour Mellet. En 1742, Henri Peyrat, alors "chirurgien
ordinaire de la Reine", est qualifié de "seigneur de Melet", mais il semble
alors en n'être qu'en partie propriétaire : dès 1741, "messire Gabriel
Meynard" se qualifie lui aussi de "seigneur de Melet"; il l'est encore en
1758, en même temps que "marguillier d'honneur et syndic fabricien de la
paroisse de Beauregard". C'est sans doute à ce nouveau propriétaire que l'on
doit les importants travaux menés sur le bâtiment principal : comblement des
fossés, percements de nouvelles portes sur trois côtés, agrandissement des
fenêtres, modification des toits en pavillon par des toits brisés, lucarnes
en pierre, boiseries, etc. Les Meynard sont encore propriétaires du domaine
à la Révolution.
Passé dans les mains de la famille Marcillac vers 1811, le domaine, qui
s'étend sur 232 hectares en 1813, est alors composé "d'une maison de maître
dit le château, de jardins et dépendances, le tout composant la réserve de
Mellet, de cinq loges du domaines appelés les Foucauds, tous composés de
maisons de métayers". La vigne semble être l'activité principale du domaine,
comme le suggère le cadastre de 1825, mais l'exploitation de la forêt, les
prés pour le bétail complètent les revenus agricoles. Le château est encore
remanié au XIXe et au XXe siècle. Les travaux touchent alors principalement
la partie agricole du domaine, qui est étendue et modernisée, principalement
pour accroître la production viticole. Ces travaux sont menés d'abord par
Marcellin de Marcillac, puis par son fils André, qui écrit notamment de
nombreux articles sur l'agriculture périgourdine et sa propriété de Mellet.
Ainsi, même après la terrible crise phylloxérique des années 1870-1890, le
domaine sort renforcé, la production gagnant la Médaille d'Or à Périgueux en
1894 et à Sarlat en 1904. Mais comme beaucoup de domaines viticoles
périgordins, celui de Mellet n'a pas résisté au-delà du milieu du XXe
siècle. Située à la pointe occidentale du plateau de Beauregard culminant à
243 m d'altitude et dominant la vallée de la Nuelle et plusieurs vallons
humides, Mellet comprend une grande cour quadrangulaire orientée est-ouest,
avec une exploitation agricole rejetée au nord du chemin d'accès. Placée en
fond de cour à l'ouest, la grande demeure se compose d'un corps central de
plan rectangulaire haut d'un étage, flanqué de deux pavillons de plan carré
à deux étages au même alignement. Deux caves voûtées en berceau occupent la
partie nord du sous-sol.
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château et des communs
: inscription par arrêté du 2 février 1990.
château
de Mellet 24120 Beauregard-de-Terrasson, tél. 05 53 51 24 94, ouvert au
public de mi juillet à fin août
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