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Le site en
bordure de lagune est occupé depuis le Ve jusqu'au IXe siècle, puis au
Moyen-Age, il appartient à l'abbaye de Saint Gilles: en 1119, la bulle de
Calixte II qui confirme les droits de l'abbaye mentionne une église Saint
Félix. La forêt qui jouxte le domaine à l'ouest (dite le grand bois) a
toujours joui de conditions particulières en tant que souvenir de l'ermite
Gilles. Ce territoire est au centre des conflits entre le comte de Toulouse
originaire de Saint Gilles et les abbés sous protection royale : ainsi
Raymond VI en 1195 est accusé d'avoir détruit les dépendances autour de
cette église, véritable résidence des abbés qui sera reconstruite autour
d'une cour. En 1787, le domaine est baillé à David Ventajol et en 1791 il
est vendu comme bien national. Le domaine est acheté par Guillaume Sabatier,
banquier à Paris, sa sœur Marie (résidant à Montpellier) en hérite en 1808
puis il passe à son petit neveu Frédéric qui le laisse à son fils Guillaume.
Guy, fils de Guillaume en hérite et fait don à l'État en 1963 du château et
du parc ainsi qu'une parcelle pour son potentiel archéologique tandis que
ses deux filles héritent de la ferme et du domaine agricole. On peut
appréhender l'état du territoire grâce à de nombreux documents, depuis la
carte de Cassini, le plan d'arpentage de 1783 et le plan de Delisle en 1785
jusqu'au cadastre de 1838. Avant la Révolution, le chemin formait un
carrefour au niveau du bâtiment : une voie continuait vers l'ouest (c'est
maintenant l'allée Madame) et celle qui conduisait vers le pont sur le canal
passait très près des constructions, dans l'axe de la façade sud. Vers 1840
sans doute, la volonté de créer un parc et d'isoler le château des nuisances
du passage entraîne le déplacement du chemin vers l'Est, à l'emplacement
actuel de la D 14. Le château, lors l'achat par les Sabatier en 1792, se
présentait à peu près comme aujourd'hui : une aile sud double en profondeur
pour l'habitation, une aile nord et une à l'ouest pour les services et le
personnel de la ferme. L'aile sud était prolongée à l'ouest par la ferme
mais cette partie était prévue à démolir et n'existe plus aujourd'hui tandis
qu'à l'est, une aile devait être construite pour fermer le quadrilatère avec
le portail d'entrée vers la cour et les écuries. De plus, un grand sellier
doublant l'aile nord était projeté au nord mais les projets ne seront pas
réalisés. Des travaux (connus par des factures de 1809 à 1818) permirent de
remettre le château en état. L'aspect de cette construction est connu par
une plaque photographique conservée aux archives du Gard et par une
aquarelle conservée au château, toutes deux non datées, mais on voit un mas
couvert en tuiles avec une génoise et une surélévation d'un niveau sur deux
travées formant tourelle se terminant par une terrasse. La transformation de
cette demeure en un château est difficile à dater mais c'est l'œuvre de deux
hommes : Frédéric Sabatier qui partage son temps entre Paris et Espeyran
jusqu'à sa mort en 1864 puis son fils Guillaume à partir de 1880 jusqu'à sa
mort en 1936. On connait l'état du château en 1864 par l'inventaire des
biens dressé le 22 juin qui estime le mobilier de chaque pièce, les animaux
et les outils. Il semble que le grand salon n'était pas encore construit :
en tout cas, il n'est pas nommé et les peintures de l'Olympe sont encore
dans l'antichambre au 1er étage, de plus, les pièces de réception sur le
parc correspondent globalement à l'état du château tel qu'il apparaît sur le
plan de 1792 avec des modifications dans l'angle Sud-ouest pour créer la
chapelle, la salle à manger des domestiques et la cuisine dans l'aile ouest.
Les travaux des années 1880, réalisés par Guillaume revenant à Espeyran
après son mariage pour en faire une résidence d'été, sont mieux connus.
Ainsi, on peut suivre la construction de la ferme vers 1875, la réalisation
du toit du château en ardoises par l'entrepreneur couvreur Pascal de 1880 à
82, la reconstruction du château par l'entrepreneur Fourmaud de Saint Gilles
en 1881, la livraison de balustres en pierre en 83, de l'horloge puis des
aménagements intérieurs en 1884 mais certains sont antérieurs, ainsi la
livraison de deux médaillons par Baussan date de 1875 et la préparation d'un
vitrail par Pages de 1881. On ignore cependant l'ampleur du chantier,
n'ayant aucune quittance de démolition ou de matériaux. Les travaux exécutés
sur le château s'inspirent des projets proposés par les différents plans
mais en plus simple : un étage de mansardes ouvrant par des lucarnes dans le
brisis de la couverture en ardoise, un avant corps central formé d'un balcon
central porté par deux colonnes et couvert en pavillon. La façade reste
dissymétrique avec la tour à l'Ouest qui comporte un étage de plus et un
toit en pavillon. La fermeture de la cour à l'Est se fait par une grande
grille. L'aile en retour d'équerre coté ouest permet de loger les services.
On ignore si les plans ont été fournis par Charles Perrier ou s'il a repris
des plans plus anciens établis par un autre architecte. En plan, l'aile Sud
a conservé les pièces d'apparat comme sur le plan de 1792 avec un changement
concernant le grand escalier qui est maintenant situé coté cour, les pièces
coté cour ont été agrandies et l'aile en équerre a été entièrement reprise
pour abriter et une grande cuisine au rez-de-chaussée. La chapelle est
placée dans l'angle sud-ouest au rez-de-chaussée de la tour. A l'étage, un
couloir a été créé pour desservir des chambres de part et d'autre.
L'intérieur a conservé tout le mobilier mis en place par les Sabatier
essentiellement au XIXe siècle. Le château, meublé avec confort est orienté
vers les réceptions : grand escalier en noyer, enfilade de pièces au sud à
partir du grand salon réaménagé avec le plafond et les dessus de portes de
Devéria, la salle à manger revêtue de cuir doré, le billard décoré de
tapisseries anciennes. Les cheminées, en marbre, sont très variées. C'est un
témoignage du mode de vie d'une résidence de campagne pour une famille
passionnée par la chasse et les chevaux. La conservation de certaines
voitures, un break de Ehrler et un phaéton de Baptiste Thomas, tous deux
carrossiers à Paris, ainsi que les objets de sellerie provenant de Londres
ou de Paris, tous étudiés par Jean-Louis Libourel, témoignent des luxueux
équipages utilisés par Frédéric. La plantation du parc est lié à la volonté
de transformer ce mas en résidence de prestige et de plaisir. Aussi, l'idée
d'un parc a du naître dès les travaux d'aménagement de Frédéric vers 1840
mais nous ne pouvons pas définir exactement ce qui a été exécuté à ce moment
là. Félix Sabatier qui a assuré la tutelle de Frédéric jusqu'à sa majorité
et qui semble l'avoir conseillé longtemps, était passionné de botanique. Le
fait de vouloir éloigner le chemin des bâtiments (comme c'est encore le cas
sur le cadastre de 1838) montre la volonté de s'isoler et de créer un parc,
ce que confirme la livraison du pépiniériste Coste Calde en 1838. La noria
semble dater de 1854, non loin du puits qui doit dater de l'installation
primitive. De plus, l'inventaire après décès de 1864 mentionne le parc
(croisées donnant sur le parc) et il dénombre dans la menuiserie une échelle
pour élaguer les cèdres et une futaille pour l'arrosage du parc. Il est
aussi question d'une pépinière et douze grands vases sur la terrasse au
devant du château pour orangers ainsi qu'un jardin vieux.
Éléments protégés MH : le château, les écuries, la parcelle des fouilles
archéologiques et le parc avec ses portails, la noria, le bain des chevaux
et le puits, en totalité : inscription par arrêté du 2 octobre 2009.
château d'Espeyran 30800 Saint-Gilles, tel. 04 66 87 30 09, ouvert au public
toute l'année sur rendez-vous, visite libre du lundi au vendredi de 9h à 12h
et de 13h à 17h.
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Monsieur Bernard Drarvé pour les photos qu'il nous a adressées afin
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