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Le domaine de la Haye a pour origine l’ancien fief de Vallée, qui comprenait
la maison et bâtiments de Leyssac. En 1580, un hommage est rendu par les
Bernard au sire de Lesparre pour le fief de Vallée situé à Saint-Estèphe. Il
est également fait mention d’un contrat de vente fait par Jeanne Bernard en
faveur de Janot Bernard de Leyssac de tout le droit, part et quotité que
ladite Jeanne Bernard avait sur la grange, jardin et dépendances, situés au
lieu de Leyssac, du 30 avril 1557. Le 21 mars 1563, contrat est passé avec
Jean Dupuy et Jean Perrot, deux maçons du bourg de Saint-Estèphe, par lequel
ceux-ci "s’obligent à faire certaine muraille à la maison dudit Janot
Bernard". Le nom La Haye apparaît à la fin du XVIe siècle, lorsque la fille
de Janot Bernard, Françoise, épouse Hellies de Lahaye. Certains éléments,
notamment le couronnement de la porte principale (putti et vases à godrons),
tendent à dater le bâtiment du XVIIe siècle. Au début du XVIIIe siècle, la
propriété est entre les mains de Charles de Brane, également propriétaire du
château Lagrange à Saint-Julien. Sa fille, Marie, épouse le 24 février 1721
Jacques Arbouet, bourgeois de Bordeaux, fils de Pierre Arbouet qui exerça
l’importante charge de procureur du Roi à la Monnaie de Bordeaux. En 1771,
Antoine de Brane décède sans descendance, ce sont ses neveux qui héritent :
Jean-Baptiste et Augustin Arbouet. Ils héritent de Leyssac et d’une partie
du domaine de Rochet, l’ensemble étant évalué à 50.000 livres. Un inventaire
du domaine est dressé en 1771-1772.
Le logis n’était pas très grand et s’élevait sur un seul étage. Le
rez-de-chaussée comportait une grande chambre, une petite dépense pratiquée
sous l’escalier où se trouvait de la vaisselle, une petite chambre à la
suite de la première vers l’ouest, une souillarde pour le bois de chauffage
et une cave dont l’entrée se trouvait dans la suite souillarde (contenant 46
bouteilles et une barrique). La chambre principale était dotée d’une petite
croisée orientée à l’est. L’étage proposait deux chambres et deux petits
réduits : le tout en triste état et comportant un minimum de meubles. Dans
la grange, on trouvait du foin, des ustensiles de labourage et un petit
cheptel. Le cuvier attenant à ladite cour abritait cinq cuves. Un contrat de
licitation entre les deux frères Arbouet est établi, le 11 juin 1772 :
Augustin, officier monnayeur du roi à Saint-Domingue, vend ainsi à
Jean-Baptiste la moitié qui lui revient dans les biens et maisons nobles de
Lagrange et de l’Hopital, paroisse de Saint-Julien en Bas-Médoc,
appartenances et dépendances ensemble ; la moitié qui lui est dévolue dans
le bien appelé de Leyssac et de Rochet et autres fonds et bâtiments au bourg
de Saint-Estèphe aussi en Bas-Médoc, consistant le tout "en vignes, terres
labourables, prés, bois, landes, palu, bâtiments, vaisseaux vinaires,
ustensiles, outils aratoires, bestiaux, tels qu’ils sont désignés par
l’inventaire". Jean-Baptiste Arbouet de la Bernède, avocat à la cour,
devient syndic de la Compagnie des Officiers Monnayeurs du Roi. Dans le
contrat de mariage, il évalue sa fortune à 65.000 livres tant en argent, vin
qu’autres effets mobiliers.
L'inventaire de ses biens est dressé à sa mort, le 13 juillet 1792. Sa veuve
possède une partie du domaine avec ses neveux. En 1814, une partie est mise
en fermage avec un bail dont le cahier des charges mentionne la maison de
maître, chambre de valet, fournière, chai, cuvier, parc à cochon à côté du
chai, deux jardins dont un au nord du cuvier et l’autre au midi de la
maison, une partie de la basse-cour, nombre de pièces de vigne, terres
labourables, prairies et bois. Augustin II d’Arbouet meurt le 14 mars 1817 :
dans l'inventaire après décès dressé le 7 juin 1817, le logis est décrit
comprenant une chambre basse prenant jour au nord et à l’est, une cuisine à
l’ouest de la dite chambre, un grenier au-dessus de la chambre, un chai et
cuvier, le cuvier contenant seulement deux cuves ; le chai contient encore
20 barriques neuves pleines de vin de la dernière récolte, sur les 40 qui
existaient au décès d’Augustin en mars, une grange. En 1849, Anne-Marie
Asmuss, fille de Jeanne-Camille Asmuss, petite-fille de Marie Aimée Confite
et d’Augsutin II, épouse Pierre Marie Edouard Bernard de Saint-Affrique.
Pierre Marie Edouard est le fils de Louis Bernard de Saint-Affrique,
militaire parvenu en 1819 à la fonction d’inspecteur aux revues. Le 24
février 1819, une ordonnance royale lui permit d’ajouter à son nom celui de
Saint-Affrique. Dans la foulée, le 27 octobre, une autre ordonnance lui
concéda des lettres de noblesse avec le titre d’écuyer. Enfin, le 20 mars
1821, il obtient le titre de baron. A la fin des années 1840, il est aussi
officier de la Légion d’honneur, chevalier du mérite militaire, membre du
conseil général de la Gironde.
En 1850 le domaine apparaît sous le nom Lahaye Arbouet et appartient à Luco
et Asmus ; puis en 1868, sous le nom La Haye appartenant à Asmuss et
produisant 25 à 35 tonneaux. Pierre Marie Edouard de Saint-Affrique décède
précocement à l’âge de 32 ans, le 21 janvier 1855. Sa veuve et ses enfants
s’installent à La Haye et font agrandir le logis en 1870 si l'on se fie aux
augmentations et diminutions du cadastre (Rudolphe Asmuss fait une
augmentation de construction en 1870). En 1874, "la veuve Asmuss" produit 30
tonneaux. Elle meurt en 1895. Son fils Pierre Marie Edouard II reprend le
domaine : c'est à lui que l'on doit les principales transformations avec
l'ajout d'une aile et la construction d'une chapelle. Il fait reproduire en
mosaïque les armoiries de sa famille sur le sol du vestibule du château. Il
a sans doute largement remanié la demeure dans un style néo-Renaissance.
C'est d'ailleurs peut-être à lui que l'on doit la légende tenace que La Haye
avait constitué le rendez-vous de chasse du roi Henri II et de Diane de
Poitiers, dont le célèbre chiffre est sculpté sur l'entablement de la porte.
En observant ce décor sculpté, il apparaît très restauré voire restitué au
XIXe siècle ; les ouvertures et les sculptures du pignon semblent également
dater du XIXe siècle ; les lucarnes ont peut-être été refaites à
l'identique. Il conserve le domaine jusqu’en 1927, date à laquelle il vend à
John Ferwerda, rentier hollandais. Celui-ci revend en 1932 à une société de
négoce "Joseph Soueges et Compagnie" ; en 1939, le domaine passe entre les
mains de Willy Jules Netter, pharmacien parisien (jusqu’en 1978). Dans les
années 1990, une grille avec piliers de portail est installée. C'est à cette
époque que le cuvier est également construit.
Le château est construit selon un plan rectangulaire avec une tour
hors-oeuvre sur chacune des façades. La façade sud présente quatre travées
d'ouvertures avec la tour carrée disposée au centre. Les encadrements des
baies et les chaînages d'angle sont en pierres de taille calcaire harpées.
Deux lucarnes couronnent les travées extérieures : elles présentent
au-dessus d'une corniche un fronton-pignon cintré et sont encadrées de deux
volutes sculptées. La tour carrée s'élève sur trois niveaux, le dernier
niveau étant séparé par une corniche et percé d'une fenêtre traitée en
renfoncement, couronnée de deux volutes affrontées et encadrée de deux
autres volutes à crochets. La façade nord est en partie occultée par l'aile
de dépendance en retour. Elle est dotée d'une tour carrée dont la face est
est percée d'une porte au décor sculpté et surmontée d'un jour ovale. Une
corniche moulurée délimite le niveau supérieur percé de fenêtres formant
lucarnes passantes avec fronton-pignon en plein-cintre mouluré et volutes de
part et d'autre. Deux lucarnes émergent de la toiture d'ardoise du corps de
logis : encadrées de volutes, elles sont surmontées d'un fronton-pignon
cintré avec boules et pot de fleurs en acrotères. Le pignon est présente
également un décor soigné : percé d'une travée d'ouvertures, il est couronné
de pots en amortissement. Sur l'angle sud-est, un cadran solaire porte
l'inscription : D'un moment dépend l'éternité. A l'intérieur, la tour nord
abrite un escalier en vis avec jour ; le vestibule est orné d'une mosaïque
de sol représentant les armoiries de la famille de Saint-Affrique. Un caveau
voûté se trouve sous la maison ; on distingue deux parties, l'une datant
peut-être du XVIIe siècle et un agrandissement du XIXe siècle. L'aile en
retour au nord abrite l'ancienne chapelle transformée en salle d'accueil et
les chais ; le cuvier se trouve dans l'aile nord de la cour.
château La Haye 33180 Saint-Estèphe, tel. 05 56 59
32 18, propriété vinicole.
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