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Au
bout de son miroir d’eau, nichée dans son très grand parc et avec ses sept
travées, la Chipaudière évoque davantage un château classique à la française
qu’une architecture d’ingénieurs. Elle est construite entre 1710 et 1720
pour François-Auguste Magon de la Lande (1679-1761), l’un des plus riches
armateurs de Saint-Malo. Elle se distingue par un avant-corps polygonal
abritant un grand salon ovale, ouvert sur le jardin. Cette disposition est
reprise très rapidement dans d’autres malouinières, notamment dans le cercle
familial des Magon (le Bosc, la Balue). À l’inverse de sa sécheresse
extérieure, toute militaire (on attribue traditionnellement la Chipaudière à
l'ingénieur Siméon Garengeau), les décors intérieurs et le raffinement du
parc donnent la mesure du prestige des commanditaires. Le portail, la
rabine, un colombier et une chapelle dédiée à Notre-Dame de l’Assomption et
datée de 1732 partagent la même qualité de taille et de mise en oeuvre que
le logis lui-même. Cette surenchère constructive consacre un nouveau type de
malouinière, où la "maison de plaisance" tend à devenir un château.
La terre de la Chipaudière devient l'apanage des Magon par suite du mariage
en 1643 de Suzanne Grout avec Nicolas Magon de la Lande. L'imposante demeure
qui succède à la résidence primitive, reconstruite vers 1715, est la
conséquence de l'exceptionnelle réussite financière de la famille, qui
compte un comptoir à Cadix (Espagne), où réside plusieurs années le
commanditaire de la malouinière, François-Auguste. C'est ce dernier qui
dirige la maison familiale à partir de la mort de son père en 1709, alors
que le négoce prend une nouvelle dimension avec le commerce interlope vers
les colonies espagnoles d'Amérique du Sud, établi par le milieu malouin
pendant la guerre de succession d'Espagne. En août 1710, le retour de Lima
du navire "Notre-Dame de l'Assomption" occasionne un tel bénéfice qu'il
provoque un conflit ouvert avec le pouvoir royal au sujet du montant de
l'impôt. Plus de quatre millions de livres sont déclarées, mais la rumeur
publique fait mention d'un bénéfice bien supérieur. Cette réussite
financière permet de contextualiser la construction presque contemporaine de
plusieurs malouinières d'exception dans le même giron familial (la Balue, le
Bosc, la Ville Bague...). Le mariage de Nicole-Françoise Magon de la Lande à
la Chipaudière en septembre 1724 atteste de l'installation de la famille
dans sa nouvelle résidence rurale à cette date. La chapelle Notre-Dame de
l'Assomption est fondée, quant à elle, en juin 1732. En 1776,
Nicolas-Auguste Magon achète le domaine voisin du Vau Salmon qui agrandit
considérablement le domaine, pillé en 1793 lors de l'arrestation d'Erasme
Magon.
Construction de plan rectangulaire, ramassé, à deux étages sous comble et à
sept travées. L'avant-corps en hémicycle ouvert sur le jardin semble avoir
une dette, précoce, envers celui de Champs-sur-Marne (1706), ce qui atteste
de contacts entre les milieux d'affaires malouin et parisien. Si la façade
affiche une certaine sévérité ponctuée de chaînages d'angle en bossages, de
bandeaux de granite encadrant des surfaces enduites masquant une mise en
oeuvre de moëllons, l'intérieur est digne des résidences les plus luxueuses
de la période: boiseries dans le goût de Bérain du salon ovale, mobilier
liturgique de la chapelle, rampe d'escalier en ferronnerie, rare dans le
contexte malouin... Cette nouveauté inspirée des plus récents aménagements à
Versailles ou Paris s'établit en contrepoint d'un goût pour certaines
permanences issues de modèles plus anciens, comme par exemple la forte pente
du toit à la française, distinguée par ses hautes souches de cheminées
épaulées de contreforts. Le jardin organisé autour de l'étang traité en
canal s'inscrit dans la tradition d'André
Le Nôtre.
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du manoir et des
communs, l'escalier avec sa rampe en fer forgé, la salle à manger avec décor
de boiseries et le bureau avec décor de toiles de Jouy, au rez-de-chaussée,
la chambre avec son décor de cuir de Cordoue ; la chapelle ; le Jardin avec
ses pièces d'eau : classement par arrêté du 2 février 1982. (1)
château de la Chipaudière 35400 Saint-Malo (Paramé), tél. 02 99 81 61 41,
ouvert au public, visites tous les jours du 1er juillet au 11 août, visite
libre du parc, de la cour d'honneur et des avenues de 12h 30 à 16h 30.
Visite guidée de l'intérieur et du parc à la Française de 16h30 à 18h30.
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