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Le château de Cons-la-Grandville est
construit sur un promontoire rocheux au coeur du village sur les bords de la
rivière la Chiers. Des traces d’occupation gallo-romaine ou mérovingienne,
au nord du village actuel, témoignent de son ancienneté. Le nom de "Cons"
semble provenir d’un mot gallo-romain ou de bas-latin, signifiant "boucle",
et évoquant le large méandre de la rivière au lieu d’implantation du
village. En raison de privilèges octroyés par une charte d’affranchissement
de 1248, le village s’est agrandi d’un nouveau quartier désigné sous le nom
de "La Neuville" (nouvelle ville), devenu plus tard, à la fin de l’Ancien
Régime, "La Grandville". La première construction d’un château-fort sur le
rocher de Cons-la-Grandville remonte au XIe siècle. Dudon de Cons, compagnon
de croisade de Godefroy de Bouillon, fut à cette époque le premier seigneur
du lieu. Il fonda un prieuré qu’il offrit à l’abbaye bénédictine de
Saint-Hubert-en-Ardenne. Sur l’emplacement de la demeure primitive, Jacques
de Cons construisit au XIIle siècle un second château-fort, dont il ne
subsiste aujourd’hui que la tour-porche (remaniée au XVIIe siècle), la tour
ronde dite "tour romane" et les deux remparts attenants, ainsi qu’un vestige
du chemin de ronde, qui permettait à des hommes du pays, recrutés à cet
effet, d’assurer le service de guet du château et d’alerter la population en
cas d’invasion. La hauteur des lieux décourageait l’assaillant et permettait
à ce bastion de jouer pleinement son rôle de défense de la vallée de la
Chiers. Pendant les deux siècles suivants, le château fut dégradé par des
bandes de pillards encouragés par la période troublée de la Guerre de Cent
Ans, et négligé du fait des alliances et héritages, créant de trop nombreux
ayant-droits.
En 1572, Martin de Custine, principal détenteur de la seigneurie, qui le
premier porta le titre de baron de Cons (conféré dès le XIe siècle à Dudon
par le châtelain de Longwy), entreprit la reconstruction du château; une
inscription sur la façade nord rappelle cet évènement, au dessous d’une
niche représentant Martin de Custine et son saint patron. Ce nouveau
château, achevé vers 1610 par Louis de Custine, conserva le caractère de
"maison-forte" de la demeure moyenâgeuse: mais il emprunta son esthétique à
l’art de la Renaissance lorraine, qui ne s’est épanoui qu’assez lentement en
Lorraine en raison d’une longue fidélité aux formes du gothique flamboyant.
De cette période il subsiste l’aile Est du château, la façade extérieure
nord encadrée par les deux tours carrées, et probablement les soubassements
des communs. Comme toute la Lorraine, Cons-la-Grandville a subi les grands
désastres de la Guerre de Trente Ans (1618-1648), et en particulier les
ravages provoqués par les armées suédoises, croates et polonaises qui
envahissaient le Royaume de France. Le château, inhabité depuis 1583, et une
partie du village furent incendiés; c’est pourquoi on trouve aujourd’hui une
cheminée à l’extérieur de l’aile droite, qui n’a pu être totalement
conservée. En 1641, Marguerite de Custine, abbesse du chapitre de Bouxières,
apporta le château en dot à Jean de Lambertye, Gouverneur de Longwy, qui
amorça une longue période de remise en état du château. La restauration fut
achevée en 1730 par Nicolas-François de Lambertye, ambassadeur du Duc
Léopold de Lorraine, lequel avait érigé la baronnie de Cons en marquisat en
1719. L’aile gauche, la partie centrale et les écuries sont, dans un style
classique très sobre, les témoins de cette rénovation du XVIIIe siècle.
Le fronton triangulaire de la façade centrale rappelait, avant d’être
martelé par les révolutionnaires en 1793, le rôle important joué par
Nicolas-François de Lambertye et son épouse Elisabeth de Ligniville dans
l’histoire de Cons-la-Grandville et à la Cour de Lorraine. Sous la
Révolution, les mesures d’abolition de la féodalité, de suppression de la
justice seigneuriale et d’instauration de l’égalité civile et politique
furent appliquées à Cons dans le calme: les châtelains purent demeurer au
château mais durent cependant effacer les blasons des familles alliées aux
seigneurs de Cons, en particulier dans la galerie voûtée. En 1815, des
troupes prussiennes, qui occupaient Longwy depuis 1814, investirent quelque
temps le château. Mais ce sont surtout les deux dernières guerres qui firent
malheureusement revivre quelques souvenirs militaires à Cons-la-Grandville.
C’est ainsi que pendant la Grande Guerre (1914-1918), le château fut occupé
par un état-major commandé par le Kronprinz, fils de l’Empereur Guillaume.
En 1944, l’Organisation Todt, qui avait construit le Mur de l’Atlantique,
occupa à son tour le château. A leur départ, devant l’avance américaine, les
troupes nazies firent sauter un important dépôt d’essence et de munitions
qui se trouvait dans les écuries. L’effroyable explosion provoqua
d’importants dégâts au château et dans le village. Par miracle, il n’y eut
aucune victime; en reconnaissance à la Vierge, la Marquise de Lambertye fit
construire une statue, dédiée à Notre-Dame de la Salette, dans une niche
située en haut de la côte d’accès au château.
Les architectes et artistes qui ont travaillé à Cons-la-Grandville sont tous
restés anonymes. Les caractères typiquement lorrains des sculptures, mêlés à
des apports rhénans et flamands, ainsi que quelques maladresses
"provinciales" attestent en tout cas de la participation d'artistes
régionaux. Il faut rappeler aussi la présence d’artistes italiens à la Cour
de Lorraine dans la seconde moitié du XVIe siècle, au moment où la famille
de Custine en est très proche. On peut donc imaginer une participation plus
ou moins directe de l’un de ces architectes ou décorateurs aux travaux du
château. Dressé sur un puissant soubassement taluté plaqué contre le rocher,
le château, composé de trois corps en U, est construit en calcaire jaune
local (pierre de Jaumont). Les façades nord et est, conservées en grande
partie dans leur état du XVIe siècle, jouent sur un contraste: leurs hautes
bases talutées, chichement percées et pourvues dans les tours d’angle
d’organes de défense, rappellent l’architecture militaire et s’opposent aux
parties hautes largement ouvertes de croisées au riche décor d’inspiration
Renaissance. Au centre de la façade Est s’élève un petit édicule à trois
pans en saillie et en encorbellement: il s’agit de l’oratoire aménagé dans
la salle d’honneur, qui repose sur un motif dit de cul-de-lampe, à la pointe
inférieure ornée d’une tête d’angelot, et aux pilastres cannelés soulignés
d’une frise de losanges. L'élément marquant de la façade nord est la niche
creusée au milieu, à l’encadrement de même style que les fenêtres qui la
surmontent. À l’origine,l’intérieur de la niche abritait les figures en
haut-relief de Martin de Custine et de son épouse, Françoise de Guermange,
agenouillés devant Saint Martin à cheval, partageant son manteau avec un
pauvre. Un heaume de chevalier et les écussons des deux époux ornaient en
bas-relief le fond de la niche. L’inscription commémore le début des travaux
en 1572 par Martin de Custine. Vers l’Ouest, la troisième façade du château,
longée par le chemin d'accès à l’entrée principale, date du début du XVIIIe
siècle.
On accède à la cour par un portail abrité sous un pavillon dont la toiture à
quatre pans est typique de la région lorraine. Le portail lui-même, dont le
fronton portait autrefois des armoiries, pourrait n’avoir été ajouté qu’à la
fin du XVIe siècle sur le pavillon plus ancien. De chaque côté de ce
pavillon d’entrée, qui commandait le pont-levis, s’élèvent les communs, tous
restaurés au XVIIIe siècle, avec, à l’angle du mur de droite, la "tour
romane". La disproportion entre la masse imposante des façades extérieures
et les dimensions plus modérées des trois ailes entourant la cour d’honneur
est l’un des traits les plus surprenant du château. A droite se développe le
revers de l’aile orientale, seul vestige, sur cette cour, du château
Renaissance. L’aile est fermée par un haut pignon à gradins, sur chacun
desquels se tient une statuette d’arquebusier en costume du XVIe siècle. Au
rez-de-chaussée, la porte d’honneur du château, remarquable par sa riche
ornementation chargée de symboles, ouvre sur la salle d’honneur. Deux
colonnes cannelées, à chapiteaux de type corinthien, encadrent un arc en
plein cintre décoré d'une clé sculptée à motif de chaîne. A côté, deux
statues-colonnes portent sur la tête un coussinet. Ces figures féminines aux
longues tuniques finement drapées évoquent par leurs attributs symboliques
deux des trois vertus théologales: à droite, l’Espérance s’appuie sur une
grande ancre de bateau, et à gauche, la Foi porte un crucifix et les Tables
de la Loi. La troisième vertu théologale, la Charité, domine l’entablement
sous un baldaquin drapé taillé en haut-relief, soutenu par deux petits
angelots. Allongée, elle est entourée de trois enfants dont un qu’elle
allaite. Face à elle, un pélican se penche sur un nid d’oiseau: il symbolise
à la fois le sacrifice du Christ et l’amour paternel. Cette composition,
avec ses apports mêlés de l’Italie, de l’Allemagne ou des Flandres, est un
bel exemple de l’art lorrain de la fin du XVIe siècle. La façade centrale et
la troisième façade à l’ouest furent entièrement rebâties au XVIIIe siècle
dans un style classique très sobre. Le tympan du fronton qui couronne les
trois hautes portes-fenêtres est orné de trophées militaires sculptés en
bas-relief; au centre, un cartouche surmonté d’une couronne devait porter
les blasons des Lambertye et des Ligniville jusqu’à la Révolution Française.
Éléments protégés MH : le château, sauf parties classées : inscription par
arrêté du 11 avril 1947. Les façades et les toitures du château et des
communs ; les deux tours carrées cantonnant la façade Nord ; les pièces
suivantes au rez-de-chaussée de l'aile Nord du château : la galerie,
le salon lambrissé, la salle à manger dite des Custine avec sa cheminée, la
cuisine dite des Custine avec ses deux cheminées, la chambre dite des
Custine, la petite chambre avec sa cheminée ; l'aile Est : la grande salle
d'honneur avec son oratoire et sa cheminée, la chambre dite des Tapisseries
avec sa cheminée ; les caves ; les terrasses et les murs de soutènement ;
les fossés ; le petit bâtiment dit la Thébaïde avec les cariatides ; les
murs de soutènement du Nord au Sud-Ouest de ce bâtiment : classement par
arrêté du 11 août 1987.
château de Cons la Grandville 54870 Cons la Grandville, tél. 03 82 44 99 00,
ouvert au public les dimanches et jours fériés du 14 juillet au 26 août de
14h à 18h, visite libre avec dépliant explicatif.
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