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Intégré au village de Saint-Goin, le château
de Mesplès s’élève au bout de l’actuelle rue du canal. Cette rue était à
l’origine la rue centrale du village, montant vers le château et l’église.
L’avenue Saint Jacques a été créé plus tardivement, coupant en deux les
terres nobles entourant le château. L’église actuelle du village fut
reconstruite sur les terres du châtelain en 1844. Avant cette date,
l’ancienne église était accolée aux communs du château qui avait la
particularité d’être à la fois abbaye laïque (Abbadie) et maison noble (Domecq).
Sans doute de l’époque romane et de dimension identique aux églises de
Géronce et d’Orin mais trop délabrée, elle fut démontée pierre par pierre
par les habitants du lieu, afin de construire celle que l’on connaît de nos
jours. On retrouve dans l’église actuelle des éléments de décorations de
l’ancienne église (rétable, lustre, huile sur toile - Saint Dominique
recevant le Rosaire).
Le château était connu au moyen âge sous le nom de "Maison Noble d’Anhanh",
propriété de la famille d’Aignan, dont on trouve la trace dès le XIIe siècle
dans le cartulaire de Lucq. Ils la possèdent jusqu’au au XVe siècle, puis
elle passe à la famille des Fréchou au XVIe, et des Barber au XVIIe siècle.
On retrouve à l’intérieur des bâtiments, des vestiges de cette ancienne
maison noble qui devait ressembler dans ses grandes lignes, aux abbayes
laïques voisines de Légugnon et d’Orin. Elle fut acquise par César de
Mesplès le 02 Avril 1646. La famille des Mesplès-Esquiule est une branche
cadette des Mesplès-Aren, dont les premiers représentants se sont
vaillamment distingués dans des faits d’armes aux côtés d’Henri IV, dans sa
reconquête du royaume de France en Provence. Successivement Gouverneur de
Berre puis de Saint-Tropez, Anchot de Mesplès s’est fait notamment remarquer
lors du siège et de la bataille de Vinon. En reconnaissance de ses services,
son fils, César de Mesplès a obtenu le titre de baron par Louis XIII, en
1633. Le bâtiment fut totalement repris dans les années 1710-1715 par
Jean-Anchot de Mesplès, à l’occasion de son mariage avec Madeleine d’Arros,
alors qu’il n’était encore que Baron. Il obtint par lettre patente du roi
Louis XV (en avril 1732) que l’ensemble de ses seigneuries soient érigées en
marquisat, sous le nom de "Marquis de Mesplès". A la fin de l’ancien régime,
le Marquis de Mesplès s’est hissé parmi les plus hauts dignitaires de
l’aristocratie régionale. Président à mortier au parlement de Navarre, il
possède aussi des biens et des charges en Provence, et la famille de Mesplès
s’est alliée aux plus grandes familles Aristocratiques (d’Arros, de Lons,
Roux de Gaubert, de Verthamont). Ils sont à la tête d’une fortune
considérable lorsque la révolution les enferme comme "suspects" à la prison
de Condom dans le Gers; ils échappent de peu à l’échafaud, et finissent leur
vie en Béarn.
La construction de Jean-Anchot de Mesplès est intéressante par son
architecture classique dans les traditions béarnaises, mais surtout dans
l’esprit du XVIIIe naissant, caractéristique du "style Régence". Elle marque
une rupture avec les bâtiments antérieurs, et innove dans l’esprit et dans
les formes. De nombreux exemples de châteaux similaires mais plus accomplis
(et postérieurs) existent en Béarn. Mais il faut considérer qu’on introduit
ici un nouvel art de vivre, importé par ses concepteurs qui ont voyagé et
intégré les nouvelles modes. Il est néanmoins semblable pour l’essentiel au
château de Viven, construit quarante ans plus tard par Jean César de Mesplès
(fils ainé de Jean Anchot), lorsqu’il hérite du fief des d’Arros par sa
mère. Un grand corps de logis rectangulaire (34x14m), coiffé d’une toiture
massive d’ardoises avec coyaux, développe deux grandes façades au Nord-Est
et au Sud-Ouest au rythme rigoureux de neuf et sept travées sur deux
niveaux. La largeur du corps de logis au Nord-Ouest était occupée par une
façade ouverte à trois travées, aujourd’hui masquée par l’implantation d’un
pavillon moderne (1920). La largeur Sud-Est à une seule travée sur un petit
avant corps, ouvre sur la cour des communs. D’importants communs
s’organisent autour d’une cour fermée qui s’ouvre sur neuf arches à la
manière d’un cloitre, et comportent une maison de gardiens. On y accède
depuis la façade du château par une porte cochère traversant les écuries.
L’ensemble intérieur et extérieur est entièrement aménagé de calades du
XVIIIe siècle (galets sur la tranche) bien conservées. Enfin, un ensemble de
murs en galets posés en "branches de fougères" en grande partie du XVIIe
siècle clos l’ensemble de la propriété.
Dans sa fonction de résidence d’été, il était consacré à la réception et au
confort de ses habitants, dans le bon goût et l’élégance de l’époque Louis
XV. En effet, les intérieurs conservent de nombreux témoignages de la vie
luxueuse de ses concepteurs : grand hall de réception, grand escalier à
volée droite et légère, salons en enfilades, appartements organisés en
suites (salon, chambre, antichambre et vestiaire), pièces de services
séparées…Les décors Régence rajoutent à cette ambiance : plafonds à quatre
mètres, stucs sur tous les plafonds, lambris à hauteur d’appuis, cheminées
en marbres aux trumeaux stuqués de décors végétaux (et colombes à la
"Pompadour") dans toutes les pièces, portes à doubles vantaux élégamment
moulurées, volets intérieurs à toutes les fenêtres, parquets ou marbres aux
sols, peinture sur toile représentant une scène mythologique…Tout témoigne
ici du haut rang de ses propriétaires dans l’aristocratie Béarnaise.
Le bâtiment est ouvert en rez-de-jardin à une époque où ce concept apparaît
tout juste dans la région. Tous les châteaux antérieurs ne comportaient des
logements nobles qu’au premier et second niveau. A Saint-Goin, le XVIIIe
siècle débutant amenait une autre conception de la vie de château, en lien
avec l’extérieur et les jardins. C’est pourquoi les façades sont largement
ouvertes par une multitude de grandes fenêtres sans meneaux, dans le but de
profiter largement de la nature et pour faire entrer la lumière. Désormais,
les jardins font partie intégrante des décors intérieurs. Jardin de
production et d’agrément, bien qu’il ne reste plus qu’un premier enclos de
murs avec une orangerie attenante ainsi qu’une haie de buis
pluri-centenaires dessinant un jardin à la Française, on peut aisément
imaginer leur raffinement en accord avec l’esprit de l’ensemble. Tous ces
éléments confèrent à la bâtisse l’esprit de "château de famille" agréable à
vivre et fonctionnel pour les réceptions ; ces deux critères, furent sans
doute déterminants pour Jean-Anchot et Madeleine, puisqu’ils y firent naitre
leurs enfants et y vécurent l’essentiel de leur vie dans les nécessités dues
à leur rang, donnant tour à tour, repas de famille et soirées mondaines (la
vallée comptait un nombre important de familles aristocratiques qui aimaient
à se retrouver à la belle saison).
Dans les mémoires sur la Province du Béarn de l’Intendant Pinon en 1698, il
classe la famille De Mesplès parmi les dix plus grandes familles
aristocratiques du Béarn et le château des Marquis de Mesplès reste l’un des
rares exemples aussi complet de l’architecture naissante du 18ième siècle en
Béarn. Le château fut pourtant délaissé par les générations suivantes, au
profit du château de Viven et de l’hôtel particulier de la rue Bayard à Pau,
puis de la vie Bordelaise. En 1822, après un long sommeil engendré par la
révolution, le château est cheté par Jean Emmanuel Lagarde, riche négociant
originaire d’Oloron Sainte Marie, ayant fait fortune en Andalousie (Cadix).
La Marquise Marie Angélique de Verthamont née de Mesplès, fille unique et
sans descendance, lui vend l’ensemble de ses biens hérités des Marquis de
Mesplès : l’hôtel particulier de la rue de l’Hospice à Oloron Sainte Marie,
le château d’Esquiule, les fôrets (plus de 2000 ha), les terres cultivables
d’Ilhasse et Berbielle, les métairies, les moulins sur le Vert et Joos dont
un à usage de papeterie…(le château de Viven et l’hôtel particulier de Pau
étaient semble t-il, déjà vendus). Jean Emmanuel et plus tard sa fille Marie
Anne rendent tout son lustre au domaine : travaux intérieurs, jardins,
plantations d’arbres, une seconde orangerie, (le pigeonnier cité dans le
censier de 1677 avait déjà disparu), agrandissement des communs,
réaménagement du grand portail d’entrée et de l’entrée secondaire, grilles,
piliers à boules…
Après leur disparition, le château inhabité est vite exploité dès la fin du
XIXe siècle en hôtel de luxe avec tennis et golf à destination des Anglais
et Américains fortunés, attirés par la chasse au chevreuil et la pêche au
saumon. La réputation de l’établissement n’était plus à faire, et six
chambres sont ajoutées en 1920, avec la construction d’un nouveau pavillon
mansardé d’architecture typique des Villas Anglaise de Pau, occupé par une
grande et agréable loggia en rez-de-chaussée. Mais la crise de 1931 sonne la
fin progressive de cette activité, et Mr Verschoyle gérant de l’Hôtel a dû
regagner la Grande Bretagne à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale. Par la
suite, le château a servi successivement de refuge pendant la guerre de
1939/45, d’accueil d’enfants espagnols victimes de la dictature franquiste
de 1948 à 1952 sous la direction de Miss Persis Miller, de colonie de
vacances et enfin, de centre de désintoxication dans les années 1980.
Depuis, il est resté inoccupé, fermé et abandonné. Des intrusions fréquentes
ont provoqué saccages, vols et destructions. Ces dernières décennies ont été
néfastes à l’ensemble des bâtiments par la disparition des divers éléments
de décoration, mais aussi par le manque d’entretien (infiltrations,
moisissures, toitures éventrées ou effondrées, vol de matériaux…).
Aujourd’hui, le château de Mesplès reprend vie : l’essentiel des toitures
est restauré, et des travaux sont prévus par tranches. Son histoire et celle
des Mesplès fait aussi l’objet de recherches assidues, afin de leur rendre
la place qu’ils méritent dans le patrimoine Béarnais.
château de Mesplès 64400 Saint-Goin, propriété privée, ne se visite pas.
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