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Dans le paysage patrimonial du Tarn, Saurs tient une
place à part puisqu'il est peut-être le plus beau château que nous ait
laissé le XIXe siècle, tant par l’homogénéité de sa construction que par
l’extrême raffinement de son plan. Château construit ex-nihilo, il nous est
également parvenu sans nom d’architecte, ce qui est fort dommage si l’on
considère la qualité exceptionnelle du bâtiment. Les archives de la famille
de Saurs comportent une série de factures réglées par M. Gineste de Saurs,
s’étalant de 1848 à 1860, tant pour le gros œuvre que pour les travaux menés
à l’intérieur. Certaines de ces factures sont plus tardives, mais l’on sait
de toute façon que les travaux se sont échelonnés jusqu’en 1880. Parmi ces
factures figurent des achats aux fabriques Virebent et Giscard de motifs
décoratifs tels que frises ou balustrades. Saurs se compose d’un corps
central à un seul étage flanqué de deux pavillons saillants couronnés par de
sobres frontons triangulaires. Des rangées de grandes fenêtres au simple
scandent cette façade dont le morceau de bravoure réside en un splendide
portique occupant le tiers cette dernière: deux paires de colonnes à
chapiteau dorique flanquent la porte d’entrée, surmontées de deux paires de
colonnes ioniques encadrant des niches et dont le diamètre plus réduit
accentue l'élégance de ce joli morceau d’architecture. Le tout est couronné
par un beau fronton curviligne au tympan laissé nu, répondant au rythme
donné par les frontons triangulaires des pavillons latéraux.
Afin d’accentuer la noblesse de l’ensemble, le château a été construit sur
un soubassement et l’on accède à l’entrée par un bel escalier à double
révolution conduisant à une vaste terrasse. Le vestibule d’entrée fait la
largeur de l’édifice mais, hélas, l’escalier d’origine placé en 1853 a été
remplacé vers 1930 par l’escalier actuel. Le soubassement abrite des caves
voûtées de brique de cinquante mètres sur vingt mètres, où le vin du domaine
était entreposé. En fait, Saurs offre toutes les caractéristiques d’un
château viticole: construit contre le flanc d’un coteau, il est entresolé
sur un chai voûté aveugle côté nord et éclairé côté sud par de petites
fenêtres carrées s’ouvrant sous la terrasse. Des lucarnes scandant la
toiture du corps central viennent tempérer d’une simplicité de bon aloi ce
qu’une telle ordonnance pourrait avoir de trop froid. L’on ne peut qu'être
admiratif devant un tel exercice de style néo-classique dans un département
comptant fort peu de châteaux conçus dans cet esprit, et en tout cas
pratiquement jamais dans de telles proportions. Il est à noter que
l’ordonnance du beau portique fit école, puisqu’on le retrouve copié au
détail près sur deux façades du
château des Fortis, situé à peu de distance
et sur la commune même de Lisle-sur-Tarn. Cette dernière demeure est
également construite sur un soubassement et l’on accède à une terrasse par
un escalier à double révolution. Néanmoins, si l’élévation des Fortis
conserve les proportions et le même nombre d’ouverture que Saurs, le fait
que les pavillons latéraux de ce dernier soient remplacés par de hautes
tours polygonales donne à l’ensemble un aspect hybride bien éloigné de
l’unité de style de Saurs. À la différence de la façade qui nous occupe,
la façade postérieure de Saurs, du côté nord, rappelle plus simplement
l’aspect des grandes demeures d'époque classique du pays. Elle se trouve
animée par un balcon orné d’une jolie ferronnerie. Loin de l’austérité toute
militaire du fastidieux
château de Soult Berg, Saurs présente une
influence palladienne très pure, fort courante dans la campagne anglaise ou
à plus forte raison italienne, mais résolument rare en notre Sud-Ouest. Le
plus extraordinaire et qui dut assurément guider le goût du commanditaire, à
n’en pas douter esthète consommé, est justement l’aspect de la campagne
environnante et de sa belle lumière estivale, si proche de l’idyllique
campagne du Veneto ou même de la Toscane. Bâti au milieu des vignobles,
Saurs remplit une double fonction de maison d’habitation et de centre de
l’activité viticole du domaine. Si le cadastre Napoléonien ne porte pas de
trace de Saurs, c’est en fait que ce splendide château fut construit en 1848
à l'initiative de Eliézer Gineste de Saurs, dont les ancêtres habitaient
Saurs depuis le XVIe siècle. Ce sont encore les descendants d’Eliézer qui
apportent tous leurs soins éclairés à l’entretien de cette belle demeure.
(1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château, les caves, le
chai et l'écurie: inscription par arrêté du 23 décembre 1992.
château de Saurs 81310 Lisle sur Tarn, tel. 05 63 57 09 79, propriété
viticole, ouverte à la dégustation. Plus de détails voir le
château de La Gineste de Saurs.
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