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Comme son nom l'indique, La Bonnette était initialement une fortification
avancée qui dépendait du
château de Mauriac. On conserve deux actes
signés dans la tour du château les 8 juillet 1515 et 19 août 1544 concernant
respectivement le testament de Philippe-Jean de Rabastens et le règlement de
la dot de Charlotte de Rabastens. Certains éléments architecturaux conservés
(arc en accolade, moulure en cavet, croisée) corroborent cette datation au
XVIe siècle. Dans la première moitié du XVIe siècle, deux livres de raison,
celui d'Eutrope Fabre et celui de Guilhem Masenx mentionnent Vidal puis
Hugues del Forn (ou Delfron) comme seigneurs de la Bonnette: ceux-ci
appartiennent à une famille de légistes et de juges albigeois. Tombé en 1575
aux mains des protestants, le château fut reconquis aussitôt après par le
parti catholique. Le cadastre de 1591-1592 mentionne la "tour de la
Bonnette". Le 24 octobre 1613, Maffre de Paule, notable gaillacois trésorier
du roi pour le comté de Castre, achète la seigneurie de la Bonnette à noble
Jean de Monestier pour la somme de 17 000 livres. Elle reste en possession
des Paulo jusqu'à la fin du XVIIIe siècle qui y aurait fait cultiver le
pastel. La disposition en quadrilatère autour d'une cour carrée adoptée à la
Bonnette est typique du début du XVIIe siècle. Le fronton curviligne de la
façade évoque d'autres châteaux tarnais du XVIIe siècle (château Foucaud à
Gaillac construit en 1637, château Lasbordes à Albi, château de Feuillades).
Les occuli ovales se retrouvent pour leur part dans les années 1700 (Rayniès,
Mirabel-Laval, Le Gua) ce qui invite à dater l'édifice de la seconde moitié
du XVIIe siècle. Les ouverture furent modifiées au XVIIIe siècle: une pièce
datant du règne de Louis XVI a été retrouvée dans la menuiserie de l'une
d'entre elles. D'importantes modifications eurent lieu au début du XIXe
siècle: les deux bâtiments à l'est qui fermaient la première cour
(représentés sur le cadastre de 1828) furent détruits en 1830 et remplacés
par une grille sur mur-bahut. L'aile au nord fut agrandie et réaménagée en
1831 et 1832 pour accueillir l'écurie et le chai. Le château est alors la
propriété des Ichard et était à la tête de quatre métairies: les Albaris, le
Commandeur, Borde Grande et Borde Basse. Elie Caillol, grand-père de
l'actuelle propriétaire, achète la propriété en 1927 et y développe
l'activité viticole. L'aile ouest du château compte actuellement deux étages
carrés. Le second étage carré, transformé en grenier, comporte une croisée,
une demi-croisée et un enduit qui indiquent qu'il s'agissait primitivement
de l'étage noble. Il était vraisemblablement surmonté par un étage de
comble, aujourd'hui disparu.
Le château est implanté à l'extrémité d'un éperon calcaire qui se détache au
nord-ouest du village de Senouillac. On y accède par une longue allée de
cèdres orientée est-ouest. Le château occupe le sommet de l'éperon et domine
des jardins en terrasse au sud. Le reste de l'éperon est recouvert d'espaces
boisés. Le château est constitué de quatre ailes disposées autour d'une cour
rectangulaire. La tour polygonale qui abrite l'escalier demi-hors-oeuvre
fait saillie à l'ouest de la cour: un escalier charpenté a remplacé
l'escalier maçonné primitif dont quelques marches sont conservées en
sous-oeuvre. Deux tours circulaires occupent les angles est du château et
encadrent la façade orientale dont la partie centrale est ornée par un
fronton à redents. La tour sud-est abrite une chapelle au premier étage.
Cette façade est précédée par une autre cour, fermée à l'est par une grille
portée par un mur-bahut qui a remplacé le bâtiment détruit vers 1830. Cette
grille est flanquée au nord et au sud par deux tours couvertes par un toit
conique en ardoises taillées en écailles de poissons et qui abritent deux
pigeonniers. Au nord de la cour se trouve l'écurie dont le bâtiment se
prolonge vers l'est, au-delà de la tour, pour abriter le chai. Au nord-est
de ce dernier, une petite remise est adossée en retour: elle abritait un
four dont le départ de voûte est encore visible. Un poulailler à deux
niveaux, abrité sous un toit à longs pans se trouve à l'extrémité est du
chai. Au sud-est, derrière la plantation de buis, se trouve une faisanderie.
Ces deux édicules sont envahis par la végétation.
Le château est construit en maçonnerie enduite. L'élévation sud et les deux
tours qui encadrent la façade orientale sont sommées par une génoise à
quatre rangs. Elle ne compte que trois rangs sur les élévations de l'écurie
et du chai. La partie centrale de l'élévation orientale est architecturée:
le porche qui donne accès à la cour intérieur et les deux portes qui le
flanquent ont un encadrement saillant en pierre de taille. L'élévation sud
compte cinq travées aux dimensions inégales. La porte de l'angle sud-ouest
de la cour possède un encadrement saillant en pierre de taille surmonté par
un couronnement sculpté (dont les ailes en brique peinte ont été ajoutées).
La tour hors-oeuvre dans la cour a conservé en partie ses ouvertures
anciennes: piédroits en quart de rond de la porte, jour chanfreiné obturé
ainsi que deux ouvertures murées surmontées par un arc en accolade. L'angle
nord-ouest de la cour conserve une croisée en place. Sur l'élévation ouest,
on observe les vestiges d'une demi-croisée (qu'on retrouve murée à
l'intérieur) ainsi que d'une autre croisée. Les élévations ouest et nord de
l'écurie conservent des caractéristiques (large porte, baies d'aération) qui
incitent à identifier ce bâtiment comme le chai primitif du château. Le
couronnement de la porte sud-ouest de la cour est percé d'un oculus et
surmonté par un fronton triangulaire. Entre ces deux éléments sont sculptés
en haut relief un heaume surmontant un blason bûché. Les ailes en brique
peinte sont constituées par deux cascade de fruits qui reposent sur des
enroulements. Les murs du billard ont reçu au XVIIIe siècle trois panneaux
de gypseries qui évoquent le monde agricole: des fleurs, du blé et de la
vigne sont représentés autour d'un vase central accompagnés systématiquement
d'un oiseau.
Les jardins actuels de la Bonnette conservent la mémoire d'interventions
chronologiques que l'on peut relier aux différents propriétaires qui s'y
sont succédés depuis l'Ancien Régime. A la fin du XVIIe siècle, un jardin en
terrasses à l'italienne avec succession d'escaliers est installé sur le
versant sud du château. A cette époque, le château est propriété de la
famille de Paulo, d'origine italienne (Georges de Paulo est enterré dans la
chapelle de Senouillac en 1699). Il est probable que le jardin à
compartiments (ou broderies) de buis qui occupe la première terrasse, sous
les fenêtres sud du château, a été créé en même temps. Ces dispositions,
courantes dans le Tarn à cette période, se retrouvent notamment au tout
proche
château d'Hutaud, à Gaillac. Il est
possible de dater du XVIIIe siècle, la famille de Paulo étant toujours
propriétaire, le petit parc qui s'étend à l'est de ces terrasses et conserve
un dessin à plan rayonnant d'allées rectilignes bordées de buis, selon une
mode courante à cette période dans la région. A l'extrémité Est du parc, se
trouvent un ancien lavoir et une source autour desquels ont été retrouvés
des vestiges de canalisations en terre cuite. Tandis que les versants sud de
l'éperon, sous les jardins, sont consacrés à la vigne, le versant nord,
comme aujourd'hui, devaient être boisés (chênaie). Après la Révolution, avec
l'arrivée de nouveaux propriétaires, les Ichard, coïncide une phase de
rénovation des accès au château et de ses abords. La destruction en 1830 des
anciennes dépendances autour d'une étroite cour fermée et la construction
sur le côté nord d'une nouvelle aile de communs, ouvre le château vers
l'est, favorisant la mise en place de la majestueuse perspective actuelle le
long de l'arête du coteau. Une longue allée, à l'origine plantée de
marronniers, matérialise cette nouvelle perspective. Les ornements de cette
période, visible sur place (piliers en plinthotomie, lions en terre cuite,
corbeille de fruits et légumes en terre cuite) pourraient provenir de la
fabrique Virebent. Il semblerait que l'engouement de la fin du XIXe siècle
pour les jardins de buis "à la française" ait à leur tour marqué les abords
de la Bonnette. Au vu de l'iconographie disponible, il est possible de dater
des années 1880-1890 les buis topiaires qui bordent la grande allée
d'arrivée, très tôt conduits avec un port monumental (d'autres exemples en
sont connus dans le Tarn). Les plantations de cèdres qui occupent le petit
jardin occidental, à l'extrémité de l'éperon, lui confèrent un caractère
romantique: datables du XIXe siècle, certains n'ont pu survivre aux grandes
tempêtes de cette dernière décennie. Les parterres à broderies de buis de la
grande terrasse sud, visibles sur une photographie de cette même période,
ont vu depuis leur dessin modifié : les compartiments géométriques
classiques ont cédé la place à un dessin complexe, de style éclectique
(motifs à entrelacs, ou motifs géométriques à découpes crénelées). Cette
dernière intervention pourrait être située entre les années 1900 et 1925,
date de la reprise du château par Elie Caillol. D'après la tradition
familiale, ce dernier a rénové l'ensemble pour le compléter (buis, topiaires
monumentaux, allée plantée de cèdres), sans apporter de notables
changements.
Hormis l'accès principal par la grande allée à l'est, les abords du château
de la Bonnette sont escarpés et laissent peu de place à un grand
développement de jardin. Le versant nord est totalement boisé. Sur les
autres versants, les difficultés d'entretien pour la taille des buis enlève
de la visibilité. A la pointe de l'éperon occidental, un espace jardiné se
maintient, orné au centre d'un cercle de buis et planté de façon irrégulière
de cèdres majestueux parvenus à grande maturité. Certains ont été abattus,
par suite des tempêtes. Sur le pourtour de nombreuses repousses indiquent la
présence d'une population ancienne de buis. Côté sud, la façade du château
correspondant aux pièces d'apparat est bordée d'une terrasse ornée de quatre
compartiments de broderies de buis. Ils sont composés, deux à deux, au
centre d'un motif complexe à entrelacs, et sur les extrémités, d'un dessin
très géométrisé, inspiré du style classique. Sur le versant sud très abrupt,
on peut lire les vestiges maçonnées d'un jardin en terrasses à l'italienne:
succession d'escaliers à volées divergentes et convergentes et de terrasses
en terre-plein, selon une composition axée qui suit la ligne médiane de la
terrasse supérieure. Coté est du château, une petite cour d'entrée est
ceinturée par un portail à piliers de briques, ornés de lions en terre cuite
et complétée par une grille à motifs Restauration (palmettes). Dans l'axe de
cette cour, une longue et vaste esplanade accompagne l'allée d'arrivée au
château, bordée de cèdres. De part et d'autre de l'allée, l'esplanade est
plantée de topiaires de buis de taille monumentale, espacés et disposés en
quinconce. Sur le versant sud-est, sous les topiaires de buis, s'étend un
parc boisé traversé d'allées bordées d'anciennes palissades de buis, très
âgées et non entretenues. Sur leur parcours qui aboutit à un carrefour en
patte-d'oie, on peut apercevoir des vestiges d'escaliers maçonnés, destinés
probablement à faire la jonction entre ces allées et les terrasses à
l'italienne en contrebas du château.
L'existence d'un chai est attestée par le compoix de 1672 qui mentionne un
chai dans les dépendances du château. Celui-ci semble correspondre au chai
semi-enterré conservé à l'est de la tour du pigeonnier nord. Il se
caractérise sur son élévation sud par un appareil en pierre de taille percé
en partie basse de deux petits jours d'aération. Le chai a été prolongé en
1831, date portée sur l'une de ses portes, en direction de l'est et
l'ensemble de l'élévation postérieure semble avoir été reconstruite à ce
moment-là. C'est là qu'avait lieu la vinification du raisin récolté sur les
quatre métairies dépendant du château. Deux pressoirs à vis sont
partiellement conservés au nord-est du chai ainsi que onze foudres en bois
dans la partie ouest du sous-sol. Il a été complété par un second pressoir
hydraulique sur roue et par des cuves en ciment dans la partie est du
soubassement. Dans les années 1950, la production était de 2000 hectolitres
pour une exploitation d'environ trente hectares. On y produisait du vin
blanc, du rouge et de la méthode champenoise. Le vin partait directement
pour Bordeaux où il était commercialisé. L'activité viticole a cessé en
1979. Le chai est constitué par un long bâtiment qui s'étend depuis la tour
de pigeonnier nord jusqu'au poulailler et qui mesure environ 40 mètres de
long sur 11 mètres de large. Il est construit sur un espace légèrement en
pente de telle sorte que le rez-de-chaussée du côté sud correspond à un
étage du côté nord. La maçonnerie de la partie la plus ancienne est en
pierre de taille (partie gauche de l'élévation sud); le reste de l'appareil
est en moellons de calcaire équarris et assisés. Sur l'élévation sud, le
changement du rythme des trous de boulins indique le départ de l'extension
de 1831. Les élévations sont couronnées par une génoise à trois rangs. Le
toit en tuile creuse est à longs pans avec croupe à l'est. L'élévation sud
comporte cinq oculi en brique qui ponctuent régulièrement la partie haute,
ainsi que cinq ouvertures au rez-de-chaussée. Deux grands portails au
piédroits et à la clé en pierre de taille et dont l'arc est en brique
occupent l'extrémité est : dotés désormais de portes en tôle coulissante,
ils correspondent sans doute aux quais de déchargement. Les trois autres
portes ont des encadrements en pierre de taille et sont alignées avec trois
des oculi. Le linteau de la porte centrale porte la date 1831. L'élévation
nord comporte trois oculi en brique, identiques à ceux de l'élévation sud,
situés dans sa partie gauche. Les deux oculi de droite surmontent deux
ouvertures rectangulaires à encadrement de brique et linteau ciment dont
celle de droite est en partie murée par des briques en partie basse. (1)
château de la Bonnette 81600 Senouillac, domaine viticole.
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